Algérie

Exploitation du liège à Béjaïa : Une ressource en manque d'optimisation



La saison de collecte des écorces de liège est terminée il y a trois mois. La récolte de cette année est stockée au niveau de l'Entreprise nationale du liège (ENL), qui se situe dans la commune d'Amizour, à une vingtaine de kilomètres au sud-est du chef-lieu de la wilaya de Béjaïa.Pas moins de 6000 quintaux de liège brut sont empilés sur un terrain vague dans des conditions inappropriées pour une période de longue durée, car ils sont livrés aux aléas de la nature en attendant un hypothétique acheteur, sachant qu'une récente vente par adjudication nationale s'est avérée infructueuse.
Les subéraies (forêts de chêne-liège) couvrent 41 313 ha, soit près de 70% de la superficie totale des forêts de la wilaya. Sous d'autres cieux, le liège, l'écorce qu'on retire des troncs de ces arbres, est valorisé.
Il constitue un moyen de subsistance pour les petits exploitants et une filière économique très rentable pour les pays producteurs, grâce notamment à son exportation sous sa forme brute ou transformée. En 2018, Béjaïa a récolté 5 806 quintaux, contre une prévision de 8 852 quintaux. Les prévisions, comme les quantités récoltées, augmentent chaque année, puisqu'il a été enregistré 60% de progression de 2017 à 2018.
A titre comparatif, en 2017, les prévisions de production ont été fixées à 5222 quintaux, alors que la récolte a été comptabilisée à 3203 q. Cet écart entre les prévisions et les récoltes, Dergaou Mustapha, chef de service gestion de la Conservation des forêts, l'explique par le manque de moyens matériels et humains dans l'exploitation de cette matière. «Nous n'avons pas atteint nos prévisions en matière de récolte parce que les moyens de collecte matériels et les ressources humaines sont dérisoires.
La seule entreprise qui est chargée de la récolte, à savoir l'entreprise nationale ENL spécialisée dans la fabrication des panneaux en liège, qui monopolise cette activité ne dispose pas de moyens. Elle arrive à peine à recruter des postes de saisonniers, étant donné la spécificité de ce travail saisonnier qui débute en juin et se termine en septembre», dira notre interlocuteur.
A ce propos, l'idéal à ce niveau de la problématique, aux yeux de son collègue, Abane Lahlal, chef de service protection, «c'est de jumeler les deux activités, exploitation et transformation, pour garantir une main-d'?uvre stable et à temps plein.
Ainsi, les capacités de l'entreprise sont limitées, car elle arrive à peine à intéresser 193 ouvriers, dont quelques-uns sont ramenés des autres wilayas». Le problème est plus complexe, car il tient sa source de la politique de l'Etat, engagée dans ce domaine.
En 2012, le gouvernement Sellal avait pris l'initiative d'engager des sommes colossales pour la mise à niveau de l'outil de production et l'effacement des dettes des trois entités industrielles publiques de l'Entreprise algérienne de génie rural (EAGR), groupe affilié à la SGP/SGDA, en l'occurrence Béjaïa liège, Jijel liège et Collo liège.
Pour une stratégie nationale
Mieux, ces mêmes unités ont bénéficié d'un avantage et pas des moindres, car «les lièges issus du domaine forestier de l'Etat sont cédés prioritairement, au gré à gré, aux entreprises publiques de transformation du liège, et ensuite par adjudication aux entreprises privées industrielles de fabrication ou de transformation», en vertu d'une résolution du Conseil des participations de l'Etat (CPE) à la même époque.
Nos deux interlocuteurs plaident pour une stratégie nationale qui impliquera d'autres secteurs comme le commerce, l'industrie, la formation professionnelle et les organismes d'aide à l'emploi des jeunes.
Les recommandations qui ont été mises sur la table par la DGF (Direction générale des forêts) visent à ouvrir davantage ce créneau économique au secteur privé afin de multiplier les entreprises d'exploitation et de transformation pour pouvoir optimiser l'exploitation de cette ressource, diversifier les produits usinés et mettre fin au monopole des unités de transformation qui, par ailleurs, déterminent le coût du produit brut en cassant les prix. «6000 quintaux de liège sont stockés au dépôt de l'ENL d'Amizour et ne trouvent toujours pas acheteur.
Les unités de transformation jouent sur le temps pour obliger l'exploitant à baisser le prix à 1000 et 3000 DA le quintal, alors qu'à l'exportation, un quintal peut engranger 15 000 DA, les Chinois l'ont acquis à ce prix en 2012. Quant aux produits finis, ils ne peuvent être exportés, à cause de la mauvaise qualité de finition», précise-t-on encore.
Ainsi, la priorité offerte par les pouvoirs publics au marché local au détriment de l'exportation du liège brut n'a visiblement pas donné ses fruits. Toutefois, il ne suffit pas de créer des entreprises de transformation et d'exploitation sans l'instauration de nouvelles règles de gestion, d'après nos interlocuteurs.
Le développement de ce créneau doit être accompagné non seulement de l'investissement dans le domaine de la récolte et de la transformation, mais il faut aussi créer la demande en liège sur le marché local. «En effet, plusieurs secteurs, à l'instar du bâtiment, peuvent exiger des constructeurs d'opter pour le liège comme un excellent isolant thermique, acoustique à la place du polystyrène. Cela aidera à relancer l'investissement dans l'exploitation et la transformation du liège si on veut prioriser l'industrie locale à l'exportation.
Ce produit, en plus de sa transformation en bouchons de bouteilles, en parquet flottant et panneaux d'isolation, est également demandé par les étrangers pour l'utiliser dans la construction aéronautique et spatiale, entre autres domaines», ajoute Abane Lahlah.


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