Algérie

Exode des cerveaux et fuite des compétences



Il s'agit d'un départ ou presque d'une fuite volontaire de citoyens ayant un niveau d'instruction universitaire minimal, en fonction dans un poste équivalant ou non à leur diplôme ou en chômage. Nous verrons tout à l'heure les raisons de cet exil volontaire légal et non clandestin. Lassés, excédés de ne pouvoir ni vivre correctement ni assumer leur vocation, une partie non négligeable des chercheurs algériens ayant perdu définitivement l'espoir en leur pays, avaient décidé de partir. La difficulté de l'accès au savoir, l'absence des libertés d'expression, la permanence des rapports de domination, l'insuffisance des rémunérations (un député ou un sénateur sans diplôme perçoit environ le triple du traitement d'un professeur d'université) et surtout l'absence de considération par les dirigeants politiques, toutes ces données négatives incitent les intellectuels et chercheurs arabes à fuir leur pays et à chercher asile dans les pays avancés qui apprécient la valeur du Savoir et ses détendeurs et qui les accueillent en leur rendant l'honneur et la considération qui leur sont dus et dont ils étaient sevrés. . Aux Etats-Unis, à la NASA, au Canada, en France, en Australie, les cerveaux arabes sont très convoités. Beaucoup de techniciens et de cadres d'origine arabe sont appâtés et séduits par les offres et les promesses mirobolantes. Il est avéré que les étudiants et les chercheurs arabes (bilingues ou trilingues) en exil sont très brillants hors de leur pays d'origine. Réussissant dans les domaines scientifiques les plus divers, ils atteignent souvent une notoriété mondiale. Cette fuite des cerveaux se produisit et continue à se produire pour les raisons suivantes : 1° Pour des raisons économiques tel que le chômage des diplômés. 2° Pour l'amélioration de leur cadre de vie et celui de leur famille. 3° Parce qu'ils vivent dans une société dominée par la corruption, la course « au fric », l'absence d'un état de droit où règne la bonne gouvernance (entraves bureaucratiques, absence des libertés de circulation effective des personnes et des biens etc...). 4° Parce qu'ils sont guidés par des motivations scientifiques personnelles qui les (il s'agit des chercheurs de haut niveau) poussent à abreuver leur soif de connaissance, à s'épanouir moralement et socialement. Ils désirent poursuivre leurs études et leur recherche le plus loin possible dans le pays qui leur offre les moyens matériels et financiers. 5° Déconsidérés et dévalorisés, ils aspirent, et c'est leur droit, à plus de considération et de reconnaissance sociales ; ce qui leur était refusé dans leur pays. Il s'agit d'une satisfaction sentimentale personnelle, essentielle, qui n'a pas de commune mesure. Durant le règne du parti unique (40 ans), les intellectuels, les hauts cadres bilingues constituant l'élite algérienne furent carrément marginalisés ou mis prématurément à la retraite par des dirigeants opportunistes, incompétents et malhonnêtes qui, au lieu de consentir des sacrifices, s'arrangent toujours pour tirer des bénéfices personnels. Ces responsables administratifs ou politiques, limités et véreux n'avaient aucune considération pour le savoir et la compétence. Ils trouvaient ces hommes honnêtes et érudits plutôt gênants qu'utiles. Ces derniers étaient victimes de ce qu'on appelle l'anti-sélection. Si les politiciens de ce genre qui existent encore dans les gouvernements actuels, continuent à écarter du pouvoir tout ce qui est valable pour laisser place à l'opportunisme, à ignorer les plus compétents, les plus aptes, ou tout au moins à les sous-utiliser, le pays ne sortira jamais de ses malheurs. L'étouffement des compétences ou « l'anti-sélection » a toujours été un mal, sans doute le plus dangereux, qui ronge notre pays alors qu'il est patent que l'exploitation efficiente des cadres de l'Université a toujours été le baromètre de la bonne santé intellectuelle des sociétés. Ces cadres et ces chercheurs s'expatrient parce qu'ils sont à la recherche de la liberté de penser, leur horizon étant limité, (Absence totale de perspective d'avenir). Ils trouvent par ailleurs, de grandes facilités à quitter le pays, leur voyage étant balisé minutieusement par les pays d'accueil (Internet), avec la bénédiction des responsables politiques locaux. Le Canada est le plus grand demandeur de ces cerveaux. La fuite des cerveaux fait perdre aux pays arabes quelque 200 milliards de dollars par an et que seuls 4,5 % des étudiants arabes retournent dans leur pays à la fin de leurs études supérieures. Tous les ans, en plus des départs, de nombreux Algériens formés à l'étranger avec des bourses de l'Etat, ne reviennent pas au pays une fois leur formation supérieure achevée. Ce qui vide nos institutions nationales, nos entreprises publiques, comme la Sonatrach, et nos universités de leur sève, de leurs cadres et de leurs compétences reconnues. « Nous formons pour les autres a reconnu le chef de l'Etat ». Cette émigration, cette fuite de l'intelligentsia, pénalise évidemment le pays d'origine qui n'a pas su garder et utiliser à bon escient ses propres chercheurs pour cause de mauvaise gouvernance. En effet, quand un cadre émérite sous-payé se voit refuser un poste conforme à son niveau et à son diplôme au profit d'un autre, incompétent et sans diplôme mais parent d'un haut dirigeant, il est normal qu'il cherche à quitter son pays, par dépit, laissant la place aux médiocres. Une étude publiée en mars 2005 par El-Bayane, un journal émirati, montre que la fuite des cerveaux fait perdre aux pays arabes quelque 200 milliards de dollars par an et que seuls 4,5 % des étudiants arabes retournent dans leur pays à la fin de leurs études supérieures. La recherche scientifique est peu valorisée par les pays arabes et, 0,2 % de leur PIB seulement sont destinés à la recherche scientifique. Les pays occidentaux profitent de cette matière grise offerte gracieusement. On dénombre près de 450 000, le nombre de cerveaux arabes que se partagent les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada, la France et l'Allemagne. Les pays arabes se révèlent comme une véritable pépinière de cerveaux féconds très appréciés par les pays occidentaux. On raconte avec humour que les cerveaux arabes sont les plus chers au monde et les plus appréciés car encore neufs et peu utilisés. (Comme les moteurs de voiture d'occasion). Ils font les beaux jours des laboratoires et universités des pays étrangers. Les savants arabes à l'étranger participent ainsi à l'avancement et au progrès de la civilisation universelle sans, malheureusement, en faire profiter leur pays d'origine pourri par la malgouvernance dans des régimes politiques autocratiques ou dictatoriaux. Imprégnés, quasi génétiquement, donc naturellement, ces chercheurs arabes puisent leurs sources d'inspiration et leurs potentialités créatrices dans leurs valeurs spirituelles originelles. « Il suffit que le penseur arabe brise les chaînes de sa servitude, de l'interdit et de l'humiliation qui le stérilisent dans sa patrie, fuit son pays et s'exile en Occident pour qu'il donne aussitôt la mesure de ses talents et de sa créativité » phrase de Mohamed Talbi tirée de son article paru dans le Quotidien d'Oran du 4/07/2001. Selon M. Reghis Rabah, un chercheur retraité Sonatrach, « Il reste tout de même curieux que l'Algérien, dès qu'il quitte son pays, son esprit d'entreprendre s'améliore. Serait-il marginalisé dans son propre pays ? » Voir le QO du28/02/2007) Tout dernièrement, dans le journal « La voix de L'ORANIE », du 7/10/2006, un article de Miloud Horr donne les informations suivantes concernant l'hémorragie des cerveaux : - 40 000 universitaires chercheurs ont quitté l'Algérie depuis dix ans (1996-2006) sans compter les informaticiens et les médecins. Richesse plus importante que toutes les réserves de pétrole et de gaz. - Coût 40 milliards de dollars pour la seule période de 1992 à 1996. - Sur 10 000 médecins étrangers installés en France 7 000 sont algériens. Certains médecins spécialistes algériens préfèrent travailler au départ, en tant qu'infirmier en France et s'y installer après avoir repassé leurs examens. Les diplômes algériens étant contestés. - 3 000 informaticiens ont quitté le pays. Il aura fallu 10 ans à nos universités pour les former. - Le 1/6 de la communauté algérienne aux Etats-Unis sont des universitaires de très haut rang. - Au Canada, les Algériens constituent la première communauté africaine. - Près de 9 000 chefs d'entreprises européens sont d'origine algérienne. - Cette diaspora emploie environ 2,2 millions personnes dans le domaine des nouvelles technologies telles que l'électronique, l'industrie énergétique et pharmaceutique. Son chiffre d'affaires atteint les 15 milliards d'euros par an. Les causes : On explique, à nouveau, ces fuites massives par : - l'inadéquation de l'environnement professionnel, - l'acuité des difficultés matérielles et des problèmes socioprofessionnels. - la non reconnaissance de leur statut et de leur compétence. - En peu de mots, (je me répète) les raisons résident dans l'absence de la bonne gouvernance et l'incompétence des politiciens à régler les problèmes intérieurs présents et futurs du pays. A titre d'exemple, dans la région de Tlemcen, nous avons le cas du Professeur Zerhouni Elias fils de Zerhouni Mohamed ex-directeur du CEG de Nédroma dont j'ai parlé dans mon précédent livre « L'Algérie vue de l'intérieur ». Tout récemment, nous avons relevé avec fierté, mais aussi avec regret, la nouvelle suivante dans le journal Le Quotidien d'Oran du 9 mars 2002. Bush va faire appel à un médecin algérien. « La désignation d'un chercheur algérien à la tête de la plus importante agence américaine de recherche biomédicale, serait imminente. Les milieux scientifiques prêtent au président Bush le choix du Dr Elias Zerhouni à ce poste. Le scientifique, d'origine algérienne, est actuellement vice-recteur de la faculté de médecine de l'Université de Hopkins de Boston... Né en Algérie en 1951, Elias Zerhouni a suivi des cours de médecine à Alger, avant de devenir citoyen américain. Cofondateur d'une firme médicale, appelée « Surgi-vision », dans l'état du Maryland, il est présenté par ses pairs comme un brillant scientifique, spécialisé en imagerie à résonance magnétique (IRM). Un ancien doyen du département de médecine de l'Université John Hopkins déclare que Zerhouni s'était spécialisé dans l'application mathématique en médecine ». Sans commentaire ! Dans le même journal Le Quotidien d'Oran du 28 mars 2002 nous retrouvons de nouveau, à la page une, la photo et à la page 3 l'article suivant : Bush nomme Elias Zerhouni à la tête de l'Institut Américain de la Santé. « Il est arrivé aux USA avec 300 dollars en poche ». Le président américain George W. Bush a annoncé hier, lors d'une cérémonie à la Maison-Blanche, la nomination de l'Algérien Elias Zerhouni, chercheur en radiologie, à la tête de l'Institut Américain de la Santé (NIH), considéré par les spécialistes comme le bastion de la médecine et de la recherche médicale dans le monde. La NIH gère plus de 43.000 projets de recherche et emploie plus de 10 000 personnes ». Rappelant de nouveau que dans la seule Sonatrach, ce groupe pétrolier géant aurait perdu, durant quelques mois (en 2006 et 2007) entre 30 à 40 % de ses cadres au profit des entreprises étrangères (près de 2.000 semble-t-il ?). Plusieurs cadres de rang doctoral seraient partis et feraient le bonheur des entreprises concurrentes. (Art de Reghis Rabah, un chercheur retraité Sonatrach, dans le QO du 28/02/07). En conclusion, nous pouvons constater que les compétences nationales de haut niveau existent, il suffit de mettre en oeuvre les moyens requis dont le premier est de maintenir en place celles qui sont déjà au pays en leur accordant les moyens nécessaires : statut particulier, salaire conséquent à la hauteur de leur compétence, budget de recherche suffisant etc... De M. Guettarni (QO du 23/11/2006) Le rappel des cadres algériens émigrés à l'étranger serait hautement souhaitable. Maintenant (Octobre 2006) que l'Algérie est presque à l'aise financièrement, politiquement et économiquement avec l'injection de 55 milliards de dollars pour la relance économique en cinq ans, il serait opportun d'entamer une politique d'incitation au retour de toutes les compétences, de tous les cadres algériens de haut niveau scientifique, expatriés, la plupart formés à l'étranger aux frais de l'Etat. Il suffirait de leur offrir les avantages et les salaires équivalents à ceux qu'ils perçoivent dans le pays d'accueil et leur offrir les mêmes conditions de travail et les mêmes moyens de recherche scientifique sans négliger pour autant la respectabilité et la considération sociale et morale auxquelles ils ont droit. Beaucoup ne demandent que cela pour revenir, rentrer au bercail et réaliser de grandes choses pour leur pays. Par la même occasion, l'Etat algérien devrait s'efforcer de garder ceux qui sont là. La situation sociale de nos chercheurs et nos professeurs universitaires en poste en Algérie, devrait, sans tarder, être revue, revalorisée et mise à niveau, tout en exigeant d'eux des résultats tangibles. L'Algérie a besoin de tous ses cadres et de tous ses cerveaux féconds pour son intégration dans l'économie mondiale. Pour lutter efficacement contre cet exode massif des cerveaux, il est urgent de revaloriser et réhabiliter d'abord l'élite présente au pays et d'encourager l'entreprise créatrice de richesses en levant tous les obstacles qui freinent l'investissement porteur de plus-value. Appel du président de la République : Daté de novembre 2005 Au cours de la célébration de l'anniversaire de la création de l'UGEMA (l'union générale des étudiants musulmans algériens), Abdelaziz Bouteflika a appelé les étudiants ayant quitté le pays dans le cadre de l'émigration ou pour suivre des études à l'étranger, avec des bourses algériennes, à rentrer au pays qui a retrouvé sa stabilité et sa sérénité. « Les conditions d'aujourd'hui ne sont pas celles d'hier, il est temps de faire profiter le pays de votre savoir-faire ». Dira-t-il en substance, sans promettre malheureusement aucune compensation matérielle c'est-à-dire aucune mise à niveau de ce qu'ils perçoivent à l'étranger ni les facilités ni les avantages dont ils disposent. Il me semble de bonne politique de créer un bureau spécial qui faciliterait les contacts directs et la réinsertion rapide de ces chercheurs qui reviendraient éventuellement au bercail. Ce service s'occuperait de les loger décemment, de leur offrir le salaire qu'ils méritent et de leur fournir les conditions de travail propices à la poursuite de leurs recherches. Mais cela est-il possible dans les temps qui courent ? Le discours politique est certes favorable au retour des cerveaux mais beaucoup de ces émigrés n'ont pas confiance et craignent de regretter leur décision, d'être déçus et désenchantés. Ils ont besoin de garanties. Ils s'aperçoivent qu'aucune mesure positive, incitative et urgente n'a été prise par le sommet de l'Etat pour freiner cette hémorragie intellectuelle et récupérer notre élite intellectuelle émigrée. Il s'avère donc difficile de redresser la situation si des mesures énergiques ne sont pas prises en priorité et dans la transparence. Or il est reconnu « que la matière grise représente une garantie de l'avenir de la nation autant que sa matière première. » de M. Guettarni (QO du 23/11/2006). Comme il est prouvé que les compétences d'un pays résidant à l'étranger contribuent nettement au développement de leur pays même lorsqu'elles demeurent à l'étranger. Les pays comme l'lnde, la Chine, la Corée du Sud, Singapour etc... doivent une partie de leur prospérité à leurs compétences basées à l'étranger. Conscient du bénéfice que pourrait en retirer notre pays, le Président Bouteflika multiplie les initiatives en provoquant des rencontres et des contacts. Dernièrement, s'est tenue à Alger, du 16 au 18 Avril 2007, une conférence regroupant quelques compétences algériennes résidant à l'étranger - On estime aujourd'hui entre 50 000 et 100 000 l'effectif de cette diaspora de sujets d'élite algériens même si on avait annoncé auparavant que 40 000 universitaires chercheurs avaient quitté l'Algérie depuis dix ans (1996-2006). Cette rencontre a permis de réunir 193 chercheurs, universitaires, créateurs d'entreprises, venus de tous les coins du globe et de créer un Comité de Coordination des Compétences pour promouvoir les échanges d'idées entre les scientifiques algériens, les universités, les centres de recherche etc... Le train est donc en marche en vue de récupérer ces cerveaux et rendre au pays sa sève nourricière, sa matière grise. Malheureusement, la plupart des idées généreuses, les recommandations, les résultats des nombreuses cogitations durant les colloques, forums, séminaires etc... restent souvent un voeu pieux par insuffisance dans la volonté politique des dirigeants. Les rapports qui sont rédigés avec beaucoup de conscience et de patience, remis à l'autorité de tutelle, sont rangés au fond des tiroirs, condamnés à l'oubli. La mise en oeuvre et l'exécution des projets, des lois, des décisions, restent hélas, le maillon faible du pouvoir exécutif en Algérie. Les éventuelles institutions de l'Etat chargées du contrôle et du suivi des réalisations des projets doivent avoir le pouvoir et les moyens nécessaires. Comme condition sine qua non, il est entendu que les agents d'exécution de ce service de contrôle, doivent être des hommes dont l'intégrité et le courage ne sont pas mis en doute. A titre d'illustration de cette condition, citons cette remarque du Président Bouteflika, après les explications de l'officier des douanes qui lui expliquait le rôle important du Scaner qui permettait de contrôler le contenu des containers, « Et qui me garantit que celui qui contrôle dit la vérité ? ».


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)