Algérie

Existe-t-il en réalité une ligne de fracture '



Existe-t-il en réalité une ligne de fracture '
Il existe incontestablement en Algérie de grandes ambiguïtés dans le domaineéconomique. En effet, en matière d'économie nationale, il ne semble prévaloir aucune ligne de fracture entre celle (économie) légale et l'informelle qui donne l'impression par ailleurs d'être son interface logique, dans la mesure où elles s'accompagnent allègrement avec une sorte de tacite accord par les acteurs concernés de part et d'autre de cette ligne de fracture. Autrement dit les pouvoirs publics pour ne pas dire les institutions étatiques en tant qu'organes de régulation, contrôle et le cas échéant répression lesquelles sont loin, très loin de jouer leur rôle et s'acquitter honnêtement de leurs missions et, de l'autre côté, les tenants du commerce informel jusque-làarbitrairement confinés aux petits vendeurs à la sauvette alors que les vrais requins, en l'occurrence les barons, plus que non inquiétés, évoluent pratiquement avec une grande assurance, sont dans leur majorité connus d'autant plus que les médias ne se sont jamais épargnés, plus que le devoir, le plaisir d'en évoquer régulièrement des cohortes. Sur cette scène nationale atypique, quand le ministre du Commerce, il y a quelques semaines, affirmait que «...l'informel est motivé par le gain facile et l'évasion fiscale» qui n'aurait pas envie de se gondoler tel un bossu, le gain facile comme le rire chez l'homme est un peu le propre de l'Algérien. Quant à l'évasion fiscale c'est plutôt un sport national que nul n'ignore. Plus sérieusement, dans un pays dont l'économie répond à l'orthodoxie, celle informelle est autrement appréhendée et même exploitée parce qu'elle ne saurait être seulement diabolisée, d'autant plus qu'il relève de la gageure d'affirmer une maîtrise d'un concept dont l'étendue est nettement plus ravageuse que ce que n'appréhendent que les constats réducteurs du citoyen lambda, voire des responsables et qui semblent se limiter, quitte à le marteler, au seul vendeur à la sauvette. Si ledit vendeur à la sauvette est là et bien là au même titre que le tenant d'un étal escamotable de légumes, de vêtements usagés, de vaisselle, il existe tout aussi l'emploi informel, une production domestique non marchande réalisée par les ménages à domicile, voire à l'extérieur, logiquement fiscalisable. Il est clair que la notion même de commerce informel ne semble cibler, voire stigmatiser, que les petites mains alors que le plus gros de la monnaie se négocie pratiquement dans les mêmes conditions, exception faite pour les transactions relevant et pour cause du secteur public. Il est de notoriété publique que des places commerciales comme les grands marchés à l'est du pays tels Tadjenanet et Chelghoum-Laïd dans la wilaya de Mila ou le fameux Dubaï de la villed'El-Eulma, vivent une circulation phénoménale d'argent liquide au moment où les contrôles, s'ils s'en trouvent qui sont faits, ne concernent en général que la qualité et partant de cet indicateur l'origine du ou des produits, toutes natures confondues, et rarement leur cheminement ou parcours originels. À Tadjenanet par exemple, les commerçants, même s'ils disposent d'appareils de comptage de billets de banque, font le choix de les peser. Cette activité est exercée sans grand renfort de justifications (factures) quoi que lesdits commerçants gardent intacte une attitude : celle de présenter des factures qui n'ont souvent rien à voir avec la nature des produits et autres équipements commercialisés ou ne représentent qu'un très faible pourcentage de l'achalandage. L'activité est tellement lucrative qu'intrigué par le pesage des gros paquets de billet de banque, nous avons posé la question à un commerçant auquel nous n'avons pu accéder que par l'intermédiaire d'un collègue et l'entregent du président d'APC lui-même, autrement dit grâce à des personnes qui se connaissent entre elles et dont le dénominateur commun est la mutuelle confiance qui les unit. Il s'agit plutôt d'une omerta qui ne dit pas son nom et qui est en réalité le fait aussi bien de l'administration locale : impôts, police, douanes... «Le pesage nous permet d'approcher le montant communiqué par l'une ou l'autre partie. Nous nous accordons une marge d'erreur qui peut aller selon la qualité des billets de banque (sales et donc chargés et forcément alourdis ndlr) à 40 000 ou 50 000 dinars.» Deux fois et demie le Snmg ! Sport national par excellence, le faux et l'usage du faux dans la facturation relève désormais de la banalité. Les plus grands préjudices sont le fait des importateurs de produits pharmaceutiques et autres labos de fabrication de produits. Moralité : le commerce informel semble constituer un passage obligé pour la redistribution d'une rente de laquelle tout le monde se complait, comme les pouvoirs publics usent et parfois abusent de la redistribution de la rente afférente aux hydrocarbures. Un deal virtuel entretient ces équilibres dans lesquels tout le monde trouve son compte et permet à l'Algérien, qu'il soit à la tête d'une fortune pharaonique ou celui qui doit faire des contorsions pour terminer dans la dignité les fins de mois, de donner et entretenir l'illusion d'une communion harmonieuse entre les classes. Si tant est encore que l'idée est que soit bannie toute allusion à l'existence d'une société de classes.A. L.




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