Algérie


Exils
«Vie pauvre, exil, mais liberté. Mal logé, mal couché, mal nourri. Qu'importe que le corps soit à l'étroit pourvu que l'esprit soit au large!» Victor HugoL'exil, plus que l'amour, était jadis le thème récurrent dans la chanson kabyle. L'exil forcé, dicté par les dures réalités économiques imposées par l'occupation étrangère, était vécu comme une souffrance par les protagonistes de ce drame: l'exilé qui va quitter le nid familial et la famille qui perd momentanément un des siens. Mais en ce temps-là, il y avait toujours l'espoir d'un retour prochain comme le chantait si bien Dahmane El Harrachi. Aujourd'hui, le départ est souhaité pour ces enfants tombés du nid et ce n'est plus la famille qui est inquiète: l'immigration préoccupe beaucoup les Européens. Il ne se passe pas un jour sans que ce thème ne soit abordé au cours d'un reportage, d'un débat télévisé ou ne soit servi par un dramatique fait divers arrivé en Méditerranée.Il ne se passe pas une élection nationale ou européenne sans que ce sujet ne soit utilisé, d'abord par les partis d'extrême droite, puis par tous les partis comme repoussoir à une opinion publique travaillée au corps par toutes sortes de médias dont les commandes sont aux mains de ceux qui profitent de ce mouvement naturel qui pousse les populations à chercher d'autres pâturages où l'herbe est plus verte, plus abondante, comme le font certains animaux qui se déplacent au gré de la disponibilité de l'eau ou d'autres ressources de subsistance.Cependant, depuis la fin de la Guerre froide, le rideau de fer ne va plus de la Baltique jusqu'à la Méditerranée, mais de Gibraltar jusqu'à Istanbul (avec cependant une petite exception pour les Israéliens qui sont admis dans tous les cercles européens, repentance oblige ou pour certaines minorités confessionnelles qui fuient l'oppression ou l'insécurité...). On se souvient qu'hier encore, on fustigeait les entraves à la liberté de circulation des personnes (on disait alors des idées) entre l'Est et l'Ouest, et aujourd'hui, le péril bronzé a remplacé le péril jaune.Le déficit démographique affiché par les peuples du Nord est rapidement comblé par la croissance humaine des gens du Sud et cela est vécu comme une tragédie par une opinion publique déjà fragilisée par la précarité économique dans laquelle vivent les masses laborieuses, sans cesse menacées par des délocalisations vers des paradis fiscaux ou des superprofits. Et pourtant, ce ne sont pas les patrons d'entreprises ou les agriculteurs qui se plaindront de cette main-d'oeuvre bon marché, véritable manne, qui inonde le marché noir du travail.Des reportages réalisés dans la clandestinité, relatent les conditions catastrophiques dans lesquelles sont accueillis les rescapés de ces boat people qui ont affronté maints périls pour connaître les dures conditions de vie dans les centres de rétention ou, s'ils ont la chance de passer entre les mailles du filet, de vivre une existence pire que celle des esclaves des siècles passés. Mais, comme l'a fait remarquer,il y a quelques années, l'historien Benjamin Stora, les Algériens émigrent alors que l'Algérie importe des travailleurs chinois pour tenter de combler le déficit algérien en logements. Personne ne s'est soucié de ce phénomène et n'a proposé des mesures drastiques, une espèce de redressement de l'industrialisation du pays pour enrayer l'hémorragie et supprimer la précarité qu'offre, provisoirement, l'économie informelle.Aucune statistique sérieuse n'évalue la part du travail au noir sur des chantiers où le secteur privé fait désormais la loi. Aucune organisation ne défend efficacement une législation du travail qui est piétinée chaque jour. Quant à l'érosion du pouvoir d'achat, elle s'explique par le fait que les spéculateurs, aidés par le laisser-aller des autorités, n'attendent pas une tripartite pour augmenter leurs prix, leurs profits. Les Algériens qui émigrent ne sont pas fous de démocratie, mais de justice sociale.




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