Algérie

EXCES DE PRESSE, EXCES DE POUVOIR



En Tunisie comme en Egypte, les pouvoirs, dominés par les Frères musulmans, sont tentés de mettre au pas la presse. Ils confortent ainsi les inquiétudes de ceux qui craignent que le changement ne se résume qu'à une permutation de personnel dans le cadre de la poursuite des mêmes réflexes autoritaires qui prévalaient auparavant. Le risque n'est pas négligeable en effet de voir les changements réduits à des aspects «moralistes» et une émergence «libre» des barbes.
Certes, une partie de la presse et des journalistes de ces deux pays sont dans des logiques de «rattrapage» : ils se déchaînent contre les nouveaux pouvoirs avec la même force qu'ils ont mise à faire dans la flagornerie à l'égard des dirigeants déchus. On peut même penser que certains de ces médias sont dans une logique de dénigrement absolu pour défendre l'ordre ancien. Cela fait aussi partie de l'apprentissage d'une vie démocratique où il est tout à fait naturel de trouver des gens, pas nécessairement malintentionnés, pour préférer le «calme» du passé aux «tumultes» du présent. Il y a indéniablement des «excès» dans des journaux qui souvent «attaquent» au lieu d'informer, certains poussant le bouchon jusqu'à lancer des appels au meurtre comme cela s'est passé en Egypte. Le président Mohamed Morsi a eu quand même l'intelligence de calmer les esprits en édictant, après l'arrestation du journaliste auteur de l'appel si peu civilisé, un décret bannissant l'emprisonnement pour délit de presse. La décision est sage.
Dans les démocraties instituées, on sait que les «excès de presse» sont moins graves que les excès du pouvoir. Les premiers peuvent être corrigés par les normes que le métier, enfin libéré, finira par édicter par lui-même. Les excès du pouvoir, dans un contexte de transition où il s'agit de déterminer la nature de l'Etat, son rapport à la société et de fixer les libertés individuelles et collectives, sont beaucoup plus dangereux. Les journalistes ne sont pas des «super-citoyens», ceux qui le croient se trompent lourdement. Leur liberté est totalement liée à celle des autres et c'est pour cela qu'ils doivent être exigeants et refuser de tomber dans la facilité. Commenter, c'est bien, informer correctement, c'est beaucoup mieux. En tout cas plus utile.
Il est rafraîchissant d'entendre le président tunisien, Moncef Marzouki, tancer ses alliés islamistes de gouvernement pour leur tentation de phagocyter l'Etat ou de prendre le contrôle des médias publics. C'est un enjeu important. Sans être au-dessus de la société, la presse est un aiguillon. L'attitude des nouveaux pouvoirs, jusqu'à présent des islamistes, est en tout cas révélatrice d'une forme de blocage culturel contre les libertés. Raison de plus pour faire preuve d'extrême vigilance. Toutes les libertés doivent être défendues. Même quand elles permettent à des adeptes des «vieilles idées» de s'exprimer. Accepter des restrictions pour une partie de la société, c'est ouvrir la boîte de Pandore qui mène au bâillon général.


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