Comme toutes les années où une élection présidentielle doit vent se tenir, 2019 était par essence une année charnière. Les événements qui se sont précipités en auront fait une année exceptionnellement riche en rebondissements. La vie politique aura été rythmée par un mouvement populaire qui ne s'essouffle pas, des rendez-vous manqués et autant de promesses en suspens.Nawal Imès- Alger (Le Soir)- L'histoire récente de l'Algérie inscrira l'année qui s'achève comme celle qui aura bouleversé l'ordre établi et fait bouger des lignes jusque-là immuables. Le ton avait été donné dès le début de l'année. Le pays en entier retient son souffle. Et pour cause, l'élection présidentielle prévue en avril est au coeur de gros enjeux. Au pouvoir depuis deux décennies, Abdelaziz Bouteflika ne compte pas le quitter en dépit de son état de santé.
Son entourage maintient, cependant, un insupportable suspense en ne faisant aucune annonce publique au sujet des intentions du Président en exercice. Il faudra attendre le 10 février, date à laquelle Abdelaziz Bouteflika communique via une lettre reprise par la télévision officielle et à travers laquelle il met un terme à des mois de spéculations annonçant qu'il briguera un cinquième mandat même si « bien sûr, je n'ai plus les mêmes forces physiques qu'avant, chose que je n'ai jamais occultée à notre peuple».
«Mais la volonté inébranlable de servir la patrie ne m'a jamais quitté et elle me permet de transcender les contraintes liées aux ennuis de santé auxquels chacun peut être un jour confronté», écrit-il. L'annonce est vécue comme une énième offense. Les réseaux sociaux s'enflamment. La colère monte. La nouvelle se propage telle une traînée de poudre : un appel est lancé pour l'organisation de marches à travers le territoire national pour dire non au cinquième mandat. Même les analystes les plus avertis n'avaient pas accordé beaucoup de crédit à l'appel en question. Au matin du vendredi 22 février, des marées humaines déferlent dans les rues de la capitale mais également des autres villes. Le mouvement populaire opposé au cinquième mandat était en marche. La mobilisation a gonflé au fil des semaines. Celle du 8 mars aura été exceptionnelle.
A travers tout le pays, des millions d'Algériens étaient dans la rue. Le 11 mars, Bouteflika finit par se rendre à une évidence : le cinquième mandat est celui de trop mais il ne capitule pas pour autant. Il bat en retraite en affirmant dans une autre lettre : « Il n'y aura pas de cinquième mandat et il n'en a jamais été question pour moi, mon état de santé et mon âge ne m'assignant comme ultime devoir envers le peuple algérien que la contribution à l'assise des fondations d'une nouvelle République.»
L'élection du 18 avril est ainsi annulée et Bouteflika propose de rester encore au pouvoir le temps d'organiser une conférence nationale. La rue est intransigeante : pas de prolongation du quatrième mandat. La crise s'enlise. La mobilisation s'amplifie. Les appels à l'activation de l'article 102 de la Constitution ne trouvent aucun écho favorable. Il aura fallu attendre le 26 mars pour que le chef d'état-major, depuis Ouargla, se prononce en faveur de l'activation dudit article. Quelques jours plus tard, il revient à la charge. Ce n'est plus un v'u qu'exprime Gaïd Salah mais un ordre qu'il donne. La réunion du Haut Commandement de l'armée sonne la fin de l'ère Bouteflika. Le 2 avril, les Algériens découvrent les images d'un Président affaibli, sur une chaise roulante, parlant d'une voix inaudible, remettant sa lettre de démission au président du Conseil constitutionnel.
Une page de l'Histoire se fermait. L'Algérie entrait alors de plain pied dans une nouvelle phase. Comme le stipule la Constitution, c'est Abdelkader Bensalah qui deviendra chef de l'Etat par intérim. Il avouera en quittant récemment ses fonctions qu'il n'était pas préparé pour cette mission. Très vite, il fixe l'organisation au plus vite d'élection présidentielle en tête de ses priorités.
La mission s'avérera compliquée. Le rejet par la rue de toutes les figures du système lui complique la tâche. Contre vents et marées, la date du 4 juillet est retenue pour l'organisation d'élections qui n'auront jamais lieu. Ultime solution proposée par Bensalah, l'amorce d'un dialogue. Un panel présidé par Karim Younès est chargé de mener des consultations. La démarche ne fait pas l'unanimité. Les personnalités chargées de mener le dialogue iront jusqu'au bout de leur mission en passant le flambeau à Mohamed Charfi, chargé d'organiser une élection présidentielle.
Une mission tout aussi périlleuse qu'il mènera dans des conditions politiques exécrables. Au pas de charge, les lois régissant le processus électoral ont été élaborées puis adoptées pour ouvrir la voie à l'organisation des élections. Jamais de mémoire d'Algériens, une campagne électorale n'aura été aussi tendue. Elle aboutira à une élection qui s'est déroulée dans un climat tout aussi tendu. La folle année s'achève ainsi avec l'installation d'un nouveau locataire au palais d'El-Mouradia et l'espoir d'un changement réel.
N. I.
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Posté Le : 31/12/2019
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Nawal Imès
Source : www.lesoirdalgerie.com