L'Assemblée française examine demain le projet de loi d'indemnisation des
victimes des essais nucléaires français qui ont eu lieu entre 1960 et 1996 au
Sahara algérien et en Polynésie.
Le projet de «loi Morin», du nom du ministre de la Défense français, a
été amendé par la Commission de la défense de l'Assemblée française avant de
l'adopter le 17 juin dernier. Seuls quelques parlementaires socialistes et
communistes se sont abstenus, a tenu à préciser le ministère de la Défense.
Intitulé initialement projet de loi relatif «à la réparation des conséquences
sanitaires des essais nucléaires français», le texte est devenu projet de loi
«relatif à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires
français». S'il constitue, y compris dans l'intitulé, un progrès par rapport à
la situation de négation du problème qui existait jusqu'à présent, le projet de
loi ne satisfait pas l'Association des vétérans des essais nucléaires (AVEN) et
d'autres associations de défense des irradiés des 210 essais nucléaires
français. Le principal reproche fait par le président de l'Aven, Michel Verger,
est que l'Etat français est «juge et partie» et «refuse d'inclure les
associations dans le comité d'indemnisation». Le sas du ministère de la Défense
permet en effet de filtrer et de limiter les prétendants aux indemnisations.
Dans un document daté du 15 juin, présentant les «propositions des
associations», l'Aven et l'association «Moruroa e tatou» de Polynésie critiquaient
le fait que les principales dispositions - liste des maladies radio-induites,
zones géographiques pour les populations concernées - relèvent de décret
d'application et non de la loi et l'absence de représentants des victimes dans
le «comité d'indemnisation» contrairement à des cas similaires, comme pour
l'amiante et le sang contaminé.
L'Etat français «juge et partie»
Ce comité d'indemnisation est «contrôlé par le ministre de la Défense
considéré comme juge et partie dans le dossier des essais nucléaires». Les deux
associations ont également mis en exergue «l'absence de réelle concertation
avec les associations de victimes tant dans la préparation du projet de loi que
dans le suivi de la loi lorsqu'elle entrera en vigueur».
Le passage du projet de loi devant la Commission de la défense de
l'Assemblée française n'a pas vraiment amélioré le texte. Dans un communiqué
rendu public hier, l'Aven, tout en prenant acte de «l'avancée» sur le principe
de la «reconnaissance de la dangerosité des essais nucléaires et
l'indemnisation des victimes», explique les raisons de son insatisfaction.
Selon l'association, le principe de présomption de lien de causalité d'origine
des maladies radio-induites a été refusé pour un examen au «cas par cas, sous
l'autorité finale du ministre de la Défense». La participation des associations
au comité d'indemnisation a été rejetée au profit d'un comité désigné par le
ministre de la Défense dont les membres «n'auront aucune expérience du
déroulement des essais». Quant à la Commission de suivi, l'association note
qu'elle a été rejetée au profit d'une commission «consultative» placée sous
l'autorité du ministre de la Défense. Cela «exclut l'organisation du suivi
médical des personnels militaires et civils et des populations ainsi que le
suivi des études épidémiologiques et environnementales». L'association
n'apprécie pas également que le droit au recours judiciaire devant les Cours
d'appel de Paris et de Papeete ne soit pas permis en cas de rejet de la demande
d'indemnisation. Pour l'association, le «recours devant le tribunal
administratif constituera pour les demandeurs un véritable parcours du combattant
juridique».
Des «secteurs angulaires» destinés à limiter le nombre de demandeurs
Enfin, l'association souligne que les critères géographiques fixant les
zones en Polynésie et au Sahara «révèlent une volonté de réduire au maximum le
nombre des personnes concernées en s'appuyant sur la notion de ‘secteurs
angulaires' qui évitent les zones habitées». L'association relève que l'étude
d'impact réalisée n'aborde pas les conséquences environnementales des essais
nucléaires. «L'état des anciens sites d'essais du Sahara et l'absence de
transparence sur l'état radiologique et géo-mécanique des atolls de Moruroa et
de Fangataufa constituent des risques sanitaires essentiels pour la sécurité
des générations futures». L'association appelle les parlementaires à
«améliorer» le projet de loi «soutenant les amendements communs du groupe de
travail et à s'engager pour faire participer les associations représentatives
aux décisions d'acceptation ou de rejet des demandes d'indemnisation, évitant
ainsi que l'Etat soit juge et partie». Pour rappel, le ministre algérien des
Affaires étrangères, M. Mourad Medelci, a déclaré récemment que la question des
essais nucléaires français en Algérie ne se limite pas à l'indemnisation des
victimes mais doit prendre en charge la décontamination des espaces concernés.
L'objectif de l'Algérie et la France «est de procéder à une évaluation la plus
complète possible sur la situation et de faire en sorte que nous puissions
aller, ensemble, à la prise en charge des problèmes qui ne sont pas simplement
des problèmes d'indemnisation mais aussi de décontamination».
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Posté Le : 24/06/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : M Saâdoune
Source : www.lequotidien-oran.com