Lundi, 19 janvier 2004. A Skikda il ne pleuvait pas ce jour-là. A 18h, les derniers retardataires s’empressent de rentrer. Il faisait presque bon en ce début de soirée hivernale.
A 18h40, un impressionnant bruit sourd, venant de nulle-part secoua la ville. C’était comme une étrange explosion qui couva de lourdeur le ciel du centre-ville. Elle contraignit même tous les habitants à marquer un moment d’inquiétude sans savoir pourquoi. A cet instant, personne ne pouvait imaginer que l’horreur était en train de se passer ailleurs! A 19h, un interminable cortège d’ambulances, aux gyrophares actionnés et sirènes stridentes, sillonne les Arcades en direction de l’hôpital.
Le centre-ville s’emporte et l’inquiétude s’y installe. Les gens se regardent, ébahis, «C’est‘louzine (l’usine) de Sonatrach!» C’était, il est vrai, le seul mastodonte capable d’ameuter autant d’ambulances. Skikda comprit à cet instant que l’assourdissante explosion venait de sa zone pétrochimique implantée à moins d’un kilomètre, à vol d’oiseau. Presque à côté.
19h10. L’hôpital est assiégé par des centaines de personnes.
«Il y a des dizaines de morts!» disait-on.
«Non, les morts se comptent par centaines», renchérissent les autres.
Personne ne pouvait s’immiscer à travers cette masse humaine si compacte qui assiégeait le portail de l’hôpital pour connaître la vérité. Personne.
«On veut donner notre sang pour les blessés, laissez-nous passer», crie la foule à bout de nerfs.
«Nous sommes des parents de travailleurs, laissez-nous entrer», suppliaient des membres de familles en pleurs.
19h45. L’hôpital est rouge. Rouge de sang et de larmes. Les couloirs des urgences, larges de plus d’un mètre pourtant ne suffisaient plus pour laisser s’entrecroiser les brancards. Les ambulances ramenaient encore des blessés opérant à l’unité 40 du complexe gazier de Skikda, celle qui venait d’être pulvérisée par l’explosion.
Les urgences de l’hôpital n’arrivaient plus à contenir autant de monde et on recourra alors à l’utilisation des couloirs comme salle de soins. On ne communiquait pas comme si on voulait se forcer à croire que ce n’était là qu’un cauchemar et que tout allait s’arranger. Malheureusement, il n’y avait pas que des blessés. Il y avait des morts, trop de morts. Vingt-sept jeunes employés du GNL venaient de rendre l’âme sur place dans la fournaise de la bêtise. Certains avaient même été déchiquetés.
Même après 23h, le cortège des ambulances se poursuivait et les sirènes entonnaient alors comme une malédiction.
Le lendemain, mardi 20 janvier 2004, la ville essaya de se relever avec un insupportable mea culpa. Le président Bouteflika arrive à Skikda pour rendre visite aux blessés.
«On a trouvé du mal à soigner les brûlés», lui rapportaient quelques médecins.
Sous l’émotion, Bouteflika promet alors de construire un nouvel hôpital des grands brûlés. Il tiendra sa promesse et le construit à… Batna!
Photo: Un site totalement détruit, ce qui renseigne sur l’intensité de l’explosion
Khider Ouahab
Posté Le : 21/01/2016
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: El Watan ; texte: Khider Ouahab
Source : elwatan.com du mardi 19 janvier 2016