Algérie

ÉVOCATION : ABDELKADER ALLOULA, GRAND DRAMATURGE ALGÉRIEN “Le goual qui a tout dit”



ÉVOCATION : ABDELKADER ALLOULA, GRAND DRAMATURGE ALGÉRIEN  “Le goual qui a tout dit”
Le dramaturge, auteur et comédien, Abdelkader Alloula. ©D. R.

Son parcours d’auteur, de metteur en scène et de comédien sera prolifique et d’un impact certain sur la société.
Alloula devient un symbole de sérieux dont les œuvres traduisent fidèlement les préoccupations et les aspirations de ses compatriotes.

Ghazaouet, ex-Nemours, appelé par les Romains Ad Fratres à cause des deux rochers près de la côte, offre au visiteur l’image d’un lieu accueillant, particulièrement en été. Dans un instant d’intemporalité, l’esprit déambule dans les rues de la ville où la terre, le soleil et la mer célèbrent la beauté de Taghzouyt, blottie entre la Méditerranée et les monts des Traras.
Près du port, dans une petite crique entourée de rochers, des enfants, joyeux, s’amusent à plonger dans une eau limpide. Les falaises alentour renvoient l’écho de leurs éclats de voix. Parmi eux, l’on peut distinguer un garçon à la peau bronzée et au regard vif, intelligent. On entend ses camarades l’appeler Abdelkader. Le prénom évoque immédiatement celui qui est né ici le 8 juillet 1939. Les clameurs des bambins s’élèvent dans le ciel, chevauchent le vent qui les poussent vers l’est jusqu’au Murdjadjo, replongent de nouveau vers la mer, longent Mers El-Kebir et pénètrent à Oran par la porte de Sidi Lahouari. Ville au cœur chaud, palpitant de générosité, éblouissant le visiteur de son charme méditerranéen, Oran voit grandir l’enfant de Ghazaouet qui deviendra un grand dramaturge dont la renommée franchira vite les frontières du pays. De son empreinte inspirée, Abdelkader Alloula marquera pour longtemps la culture algérienne. Et ses ignobles assassins n’y pourront rien. Après ses études secondaires à Oran où il s’initie au théâtre amateur, c’est avec la troupe Echabab qu’il se lancera dans le théâtre dès 1956, ce qui le conduira à côtoyer les milieux qui militent pour l’indépendance de l’Algérie. La passion du sixième art ne le quittera plus. Très proche de la vie quotidienne de ses compatriotes, il adopte l’arabe populaire comme langue d’expression qui touche un large public. Ses thématiques, elles-mêmes inspirées de la condition de l’Algérien, interpellent les consciences, rappelant à chacun ses responsabilités, citoyen fut-il ou autorité. Son parcours d’auteur, de metteur en scène et de comédien sera prolifique et d’un impact certain sur la société. Alloula devient un symbole de sérieux dont les œuvres traduisent fidèlement les préoccupations et les aspirations de ses compatriotes. Il puise dans le patrimoine national et universel, met en scène de grands auteurs comme Rouiched, Tewfik El Hakim et Gorki. Il écrit lui-même et réalise plusieurs pièces, ce qui fait de lui un des plus grands auteurs de sa génération en Algérie. C’est à ce titre qu’en 1965, il participe à la création de l’Institut national d’art dramatique de Bordj El-Kiffan, à Alger. Compétent, il dirige le TRO, puis le TNA de façon éphémère, ses idées et sa méthode de travail n’étant pas du goût du ministère de tutelle. Dans le théâtre, la liste de ses œuvres est longue, on peut citer : El Khobza (1970), El Goual (1980), El Adjouad (1985)… Abdelkader Alloula a joué comme acteur dans de nombreux films dont : Les chiens de Hachemi Cherif (1969), Combien je vous aime de Azzzedine Meddour (1985), Tlemcen de Mohamed Bouamari (1988), Hassane nia, de Ghaouti Benddedouche (1990)… Il a en outre participé à des spectacles comme Les enfants de La Casbah, Hassan Terro, Dom Juan, etc. Ce que les gens ignorent peut-être c’est qu’Alloula a écrit un roman en 1989, Le ciel est serein (Enal) qui relate une histoire humaine. On lui connaît aussi un essai, Le miracle de la Tafna, écrit la même année. C’est à la vie et au parcours de ce géant de la culture algérienne à l’œuvre immense, rigoureux, professionnel et engagé aux côtés de son peuple que des terroristes ont brutalement mis fin un certain 10 mars 1994. L’homme a succombé à ses blessures le 14 mars à Paris, mais son esprit a survécu, en témoigne le foisonnement d’auteurs, d’acteurs et de metteurs en scène qui ne cessent de s’inspirer de son œuvre. C’est le meilleur hommage qui peut être rendu à El Goual, l’homme qui disait toutes les vérités.



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