Evocation

Kateb Yacine le condor poétique L’évocation du barde de l’Algérie Kateb Yacine à la veille de dix-neuvième anniversaire de sa mort, le 28 octobre coïncide avec celui -à quelques jours prés- d’un autre grand qui l’aura précédé Rimbaud. Reflétant à eux deux époques de rupture et de violence extrême et tous les deux ont usé d’une formule lapidaire que la poésie est, en avant de l’action. Kateb Yacine, le poète était possédé par ses visions, en devenait si pénétré, que ses explosions poétiques nous parviennent chauffées à blanc telles des météorites et n’épargnent plus rien. Ainsi l’œuvre de Kateb Yacine est tout de suite placée dans un mouvement historique de révolte, plus encore dans l’ambiance -selon le regard du colonisé et son monde de vases clos-, somnambule, circulaire.Dans la spirale de la mémoire éclatée où il ressort des personnages hantés par le souvenir des ancêtres et ce futur des incertitudes. Dont l’ombre crépusculaire est mise en perspective pour l’Indépendance.  S’inscrivant surtout dans un romanesque d’un procédé littéraire particulièrement joycien, mêlant tous les genres, le cheminement du roman total passe d’abord par le premier recueil «Soliloques». Verves d’un jeune nourri du feu de de Nerval, de Lautréamont, de Baudelaire en premier. Symbolisme nécessaire pour atteindre la prose dont le noyau central nous arrive du vécu même de ses proches, «Nejma»: sa cousine dans la vie, sublimé dans sa fiction fiévreuse. Un jour, Yacine dira «que je pensais à cette étoile, je sentais que je trahissait mes compagnons. Ce sentiment amoureux m’éloignait de mon combat, dilemme du militant incarcéré par Lakhdar, tantôt dévoré par la vierge au sang obscur, tantôt la révolution en marche et ses labyrinthes.» On aura en 1956, ce pavé dans la mare parisienne et les région métropolitaines notamment dans le milieu littéraire. Une voix singulière magrébine, devant des départements de second collège, voix jusque là creusant sa galerie vers la lumière et jetée à la face du monde cette étoile tombé d’en haut bouleversait l’actualité d’une guerre qui anéantissait le colon lui-même et son concept de système des lumières, l’onde de choc de Nedjma autant sur le lecteur, le critique ou le politique français à permit de toucher du doigt comment l’Algérie doit être vue par le peuple français. C’était un coup de maître génial comme on en fait une fois tous les siècles. Nous n’étions pas uniquement à la valeur littéraire. Mais c’était la déclaration du 1er novembre poétique, lancée par un homme déchiré, offensé, blessé, renié, jeté dans un grand silence les yeux fermé. C’était un algérien qui disait non à cet expropriation d’un pays, comme les autres Mohamed Dib, Mammeri, Mouloud Féraoun… La suite n’était que confirmation. «Polygone étoilé», «Le cercle de représailles», sont rendus à une dimension plus large allant partout où un peuple souffre et se bat. Après l’indépendance, il devine qu’une nouvelle bataille s’engage, la construction d’un pays décolonisé. Il le dira sans ambages «c’est la révolution entres frères» et Kateb sera l’écrivain le plus controversé parce qu’il se «jette dans la bataille corps et âme». Mêlant répondant du tac au tac à ses détracteurs mais toujours fidèle à sa conviction de nationaliste . A Sidi Bel Abbés Kateb Yacine habite Sidi Lahcen, une petite commune qui l’accueille en frère. Au théâtre de la ville à titre d’exemple ‘Ammi Merouane disait de lui «c’est le père des pauvres» rappelant en filigrane Jean Valjean, livre que Yacine considérait comme le plus représentatif de l’amour humain. Il y a aussi ce qu’on occulte et ces vers viennent pour éclairer un peu l’intérieur de ses entrailles de poète dans ce poème prémonitoire écrit à dix sept ans dans ces années de braise. Ecoutons ce dernier vers avant de finir l’évocation: Le Coran seul/ M’accompagna jusqu’au cimetière. A. Mehaoudi