Quand leurs bombes déchiquetaient nos enfants...
Le 1er Novembre 1994. L’Algérie fêtait, ce jour-là, le quarantième anniversaire du déclenchement de la Guerre de libération nationale. Les festivités officielles étaient, chaque année, organisées dans une des quarante-huit wilayas que compte le pays.
Cette année-là, c’était la wilaya de Mostaganem qui avait été retenue et la cérémonie devait avoir lieu dans le carré des Martyrs de la commune de Sidi Ali, c’est-à-dire l’ancienne Cassaigne coloniale qui, dans l’Ouest algérien, était l’une des régions qui ont eu l’honneur de connaître la première balle du premier jour inaugurant la révolution armée pour l’indépendance nationale, sous le commandement du regretté Larbi Ben M’Hidi. C’est dire que le choix de l’attentat terroriste, en cet endroit précis, n’avait rien de fortuit, d’autant que la médiatisation était garantie du fait de la présence importante des caméras et de l’ensemble des médias, cérémonie officielle oblige. C’est au moment où celle-ci se déroulait avec l’allocution officielle des autorités présentes que la bombe a explosé, à proximité de l’endroit où se tenaient de jeunes scouts. Cinq d’entre eux sont déchiquetés alors que sept autres sont blessés dont certains très grièvement. Alors que cet attentat programmé et exécuté par le GIA, unifié depuis le 13 mai précédent avec le FIS dirigé alors par le djaz’ariste Mohamed Saïd, avait horrifié le monde entier, les autres dirigeants du FIS, leurs relais et leurs propagandistes ont essayé de mettre ce massacre sur le dos des forces de sécurité algériennes. Dans un communiqué daté du 13 novembre 1994, ‘l’instance exécutive à l’étranger’ accusait l’Etat algérien d’avoir assassiné «pas moins de 1.000 citoyens entre le 1er et 9 novembre dont une majorité de civils innocents de manière sauvage, quand chaque matin les passants retrouvent des cadavres mutilés, jetés dans la rue dans le but de les terroriser» et d’avoir «assassiné des jeunes scouts dans un cimetière (en) présence des caméras de la télévision qui étaient en place depuis la veille». Sans pudeur aucune, un «chercheur» plus islamiste que les islamistes, François Burgat, fervent adepte du «Qui tue qui?» reprend ce mensonge grossier dans un livre (l’islamisme en face, Editions La Découverte & Syros, Paris, 1995). Il écrit: «Le 1er novembre 1994, lorsqu’une bombe éclate dans un cimetière de Mostaganem, tuant quatre jeunes scouts rassemblés pour célébrer le quarantième anniversaire de la «Toussaint rouge» de 1954, les caméras de la télévision sont installées là depuis deux jours, alors que rien de particulier ne justifie leur présence dans l’une des innombrables enceintes de la commémoration du soulèvement armé de 1954. L’horreur, qui coïncide avec l’annonce par le Président Zeroual de 1’»impossibilité de dialoguer avec le FIS adepte de la violence» et l’interruption des négociations amorcées avec le FIS, va bénéficier cette fois de l’impact du quasi-direct. Selon un scénario bien rodé, le coupable présumé sera arrêté quelques jours plus tard au terme d’une poursuite où il perdra malheureusement la vie, et l’opinion publique toute possibilité de vérifier la validité de ses aveux». En réalité, le FIS et l’ensemble des autres organisations terroristes avaient, à cette époque, perdu tout espoir d’influer sur le cours de l’évolution de la situation politique dans le pays et s’étaient engagés tous azimuts dans une stratégie de terre brûlée dans l’ensemble du territoire. Le Chef de l’Etat, Zeroual, avait, en effet, révélé dans un discours radiotélévisé, diffusé la veille de ce 1er novembre 1994, l’échec du dialogue avec le FIS, déclaré son «dossier définitivement clos» et annoncé l’organisation d’une élection présidentielle avant la fin 1995. Le chef de l’Etat avait réellement et concrètement tout tenté avec les dirigeants du FIS, notamment Abassi Madani et Ali Benhadj, qu’il avait fait sortir de prison pour les installer dans la résidence d’Etat, Djenane El-Mithaq, le 13 septembre précédent pour négocier vainement un compromis avec eux.
Le jour même de l’horrible attentat de Sidi Ali, Anouar Heddam, qui se présentait alors comme «Président de la délégation parlementaire du FIS», interrogé par France Info, avait déclaré: «L’Algérie est en état de guerre. La lutte armée va s’intensifier. Il n’y aura pas d’élection, ça c’est promis». De son côté, Moussa Kraouche, en tant que dirigeant de l’association «Fraternité algérienne en France» (vitrine légale du FIS à Paris) n’y a vu dans le discours de Zeroual que des «paraphrases inutiles», l’accusant d’avoir «cédé aux pressions de puissances étrangères hostiles à l’Islam (...) pour faire obstacle à l’édification d’un Etat islamique» (L’Humanité du 2 novembre 1994).
L’attentat de Sidi Ali prévoyait un carnage considérable d’autant que la cérémonie de commémoration qui s’y déroulait avait un caractère officiel et solennel et où était attendue une forte présence de femmes, du fait d’un appel national qui avait été lancé le 22 octobre précédent par huit associations féminines pour faire de ce jour «un grand moment de résistance (...) pour dire non à l’oubli de tous les martyrs de l’Algérie moderne et démocratique, non à la trahison des idéaux de Novembre 1954, non à la trahison de l’Algérie et à la capitulation devant le terrorisme intégriste, non à la mafia politico-financière, pour la défense de l’Algérie républicaine, libre et démocratique».
Le martyre de ces jeunes innocents de Sidi Ali a été plus fort que tous les crimes innommables du GIA encouragés par les Kebir, Anouar et autres Kraouche. Il le sera davantage pour peu que l’amnésie conquérante ne se répande sur la mémoire que leur doit leur patrie. Qu’ils reposent en paix.
Mohamed Issami
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Posté Le : 01/11/2006
Posté par : sofiane
Source : www.voix-oranie.com