Algérie

Éviter le procès de la justice



Si les hommes prenaient conscience de la sacralité de l'acte de rendre justice, il n'y aurait point d'injustice. La grandeur d'une nation se mesure quant à elle au rang accordé à la justice afin de garantir que nul ne soit au-dessus des lois. Le hasard a parfois cet on ne sait quel pouvoir de provoquer une simultanéité de faits qui invite à faire le parallèle entre deux situations.Alors que le Tout-Paris est ébranlé par un feuilleton de scandales financiers dont la justice s'est saisi et doit enquêter sur l'implication de ministres, à Alger, le juge d'instruction chargé de faire la lumière sur l'assassinat du directeur général de la Sûreté nationale se prononce contre la convocation de l'ex-ministre de l'Intérieur. Pourquoi une telle promptitude à prendre cette décision alors que dans la résolution d'une affaire de crime, tous les témoignages devraient être les bienvenus 'De plus, en quoi la convocation par la justice ternirait-elle l'image d'un ministre ' C'est au contraire un acte de citoyenneté et de responsabilité que d'aider la justice de son pays à faire éclater la vérité. Mais aussi, convocation n'est nullement synonyme d'accusation. Pourquoi donc cette crainte à demander au premier responsable du secteur ' au moment des faits ' d'apporter un éclairage à l'affaire ' D'autant que le département de Zerhouni à l'époque, à savoir le ministère de l'Intérieur, avait déclaré quelques heures après l'assassinat d'Ali Tounsi et avant que la justice ne fasse son enquête que le présumé coupable, Oultache, avait été pris d'une crise de démence.Quelques jours plus tard, le même ministre affirmait l'existence d'un « différend personnel entre les deux hommes ». La fiabilité et la crédibilité d'une instruction reposent sur l'exploitation de toutes les informations disponibles. Plus encore, aller chercher celles qui sont cachées. Qu'il s'agisse d'un différend personnel ou d'un conflit d'« ordre clanique », la recherche de la vérité impose une enquête éloignée des approximations. Il ne s'agit pas là du seul cas où la justice s'abstient d'auditionner des ministres ou de hauts fonctionnaires de l'Etat.C'est même devenu une tradition. Le pouvoir judiciaire semble avoir pris pour résolution de ne point appeler les ministres à la barre, et ce, quelle que soit la gravité du préjudice ou du crime. L'épisode des scandales de l'autoroute Est-Ouest ou de Sonatrach n'est que l'expression de ce fourvoiement de la justice algérienne devenue boiteuse, car au lieu de quérir son autonomie, elle continue à s'adosser sur le pouvoir exécutif. La justice algérienne, dont les dogmes s'inspirent de ceux de l'ancien colonisateur, est invitée à regarder ces jours-ci du côté de la rive nord de la Méditerranée pour méditer ce que égalité devant la loi veut dire. Et ce, pour éviter, comme dirait le philosophe français André Frossard, que « les procès finissent toujours par celui de la justice ».


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