Algérie

Europe: les métastases de l'hiver



«Le racisme, le manque de tolérance caché sous l'arrogance, les guerres et leurs conséquences marquent l'histoire de nos pays» (Günter Grass, écrivain et artiste allemand)

Le froid glacial qui a givré l'Europe ces trois dernières semai nes a réveillé les virus les plus nocifs comme ceux de la grippe, de la gastroentérite…mais aussi celui, plus pernicieux et meurtrier, le virus du racisme et de la xénophobie contre lequel la communauté humaine peine à lui trouver un antidote efficace. Dès la première semaine de gel en Europe, le virus du racisme et de la haine de «l'étranger» a frappé fort, d'abord aux Pays-Bas, avec le lancement par le parti politique d'extrême droite (PVV) du populiste Geert Wilders, d'un site internet appelant ses concitoyens à dénoncer les polonais, les roumains et les bulgares pour les «nuisances» qu'ils occasionnent à la société hollandaise. Un questionnaire rappelle le type de «nuisances» : un polonais, un bulgare ou un roumain vous a-t-il pris un travail ? A-t-il pollué ? A-t-il occupé un logement que vous convoitiez ? Triche-t-il avec les lois ? Et le questionnaire laisse le libre choix aux hollandais de dénoncer d'autres comportements ou situations qu'ils ne leur sembleraient pas relever du «normal». Le leader extrémiste s'engage à porter leurs doléances et plaintes par devant le gouvernement auquel il est associé par ailleurs. Des milliers de «dénonciations» ont été enregistrées en quelques semaines. Bien sûr, les trois pays concernés ont manifesté leur «réprobation» et ont saisi la Commission européenne, puisque ils sont membres de l'UE. La Commission a promis qu'elle va examiner la question. Faut-il s'attendre de la part de la Commission, gardienne des traités de l'UE, une réaction appropriée ? Pa si évident que cela, puisque dans le même temps, le ministre d'un autre pays membre de l'UE, la France, se permet depuis longtemps des provocations racistes (des écarts de langage estiment ses amis) sans aucune réaction de la Commission ou du reste de l'Europe. Claude Géant, pour le nommer, ministre de l'intérieur s'est déjà plaint de la délinquance des roumains en France ; a estimé qu'il y a trop d'immigrés même légaux ; a stigmatisé les musulmans et a conclu, dernièrement, que «toutes les civilisations ne se valent pas». Et puis, il y aussi son mentor, Nicolas Sarkozy, qui a organisé la chasse au roms, aux réfugiés libyens dont il bombardait le pays et qui veut un référendum sur les chômeurs et les immigrés. A la poubelle la charte sociale et celle des droits fondamentaux de l'UE.

Passons… les frontières françaises et hollandaises et voyons la Belgique, située entre ces deux pays. Sapristi ! Ce n'est pas mieux. Pendant que des ministres de droite comme de gauche se plaignent, chacun à sa manière et avec son vocabulaire, des travailleurs «malhonnêtes» venus de l'Est européen et qui travaillent au noir ou se font payer deux fois moins qu'un belge ; la fille du leader de l'extrême droite flamande s'est offerte en poster géant où elle pose en «bikini et burqa». La blonde rabat la burqa vers l'arrière et offre un corps langoureux en bikini. Les fétichistes et autres pervers jubilent.

Plus loin à l'université libre de Bruxelles (ULB), une invitée… française : la journaliste et essayiste Caroline Fourest. Sujet du débat : «l'extrême droite est-elle fréquentable ?» Le débat n'a pas eu lieu. Raison : l'irruption dans l'amphithéâtre d'un groupe au visage caché par un foulard et hurlant : «burqa bas ! Bas !». Le groupe accuse Caroline Fourest d'être au service de l'extrême droite qu'elle prétend dénoncer. Rien que cela ! L'invité, ahurie mais courageuse a répondu en substance: «j'ai jamais vu ça, même dans les endroits réputés islamistes, et d'avertir, jamais je ne reviendrais à l'ULB.» Passons, ce n'est qu'une conférence dans une université, comme il y en tant. Peut-être, mais le silence de la classe politique belge sur cette «atteinte au droit à l'expression», comme celui des associations antiracistes ou de défense des libertés ou encore du Conseil des musulmans de Belgique (EMB) demeure énigmatique. A l'inverse, les cercles et sites islamistes ou leurs sympathisants se sont fondus en communiqués excommuniant Melle Fourest. Une seule exception : Tariq Ramadan, islamologue et président de «European muslim network» qui tout en réaffirmant son opposition aux thèses de Caroline Fourest, a condamné l'action menée contre le débat et la liberté d'opinion et d'expression. Cette actualité politiquement violente et socialement dangereuse se développe dans trois pays fondateurs de l'UE. Faut-il voir en eux le signe de «parents indignes de l'Europe?» Invité lui aussi lors d'une conférence sur le 20ème anniversaire du traité de Maastricht (1992), l'ancien président de la Commission européenne (1985 -1994), le français Jacques Delors, a déploré «les résistances nationales et le manque d'esprit de coopération et de solidarité entre les 27 Etats membres, lorsqu'il s'agit de lutter contre la crise de la dette.» Jaques Delors, comme l'actuel président Manuel Barroso, ont répété que seule le retour à la méthode dite «communautaire» (solidarité des 27 membres) au lieu et place de celle dite «intergouvernementale» (politique des clans) peut aider l'UE à s'en sortir de la crise. Oui, mais pour cela il faut que les 27 Etats membres de l'UE, à défaut de parler la même langue, veulent la même Europe rêvée par ses pères fondateurs.

Celle d'aujourd'hui sombre, chaque jour un peu plus, dans le désespoir, l'intolérance et la violence, renie ses «valeurs», oublie ses leçons d'histoire. Suicidaire.








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