Algérie

Europe, la folle semaine qui va renverser le choix de l'austérité L'analyse d'El Kadi Ihsane



Europe, la folle semaine qui va renverser le choix de l'austérité L'analyse d'El Kadi Ihsane
D'abord des fresques à évoquer Zola. L'entrée de l'Union européenne en récession au dernier trimestre 2012 déroule son lot de drames sociaux au premier trimestre 2013.
La barre des 6 millions de chômeurs a été dépassée cette semaine en Espagne. Le record de chômage français de janvier 1997 a été battu, la semaine dernière également, avec 3,224 millions de demandeurs d'emplois enregistrés par le pôle du même nom. 26 millions de personnes étaient sans emploi dans l'Union européenne au début du mois d'avril. Ce qui équivaut à 10,9 % de la population active, selon des chiffres publiés le 2 avril 2013 par l'Office européen de statistiques Eurostat. Ce taux est de 26,4% en Grèce. A la cascade de chiffres déprimants est survenue ' des Etats-Unis ' la péripétie insolite qui a donné à cette semaine des allures de soulèvement moral contre l'austérité. Deux économistes de la prestigieuse université de Harvard, Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff, sont parvenus, dans une étude publiée en 2010, à la conclusion que la croissance économique dans l'histoire moderne ralentissait brutalement quand l'endettement d'un pays dépassait l'équivalent de 90% de son PIB.
Les études de ces deux chercheurs étaient régulièrement citées par les responsables politiques internationaux pour justifier des mesures d'austérité drastiques qui ont marqué la période 2010-2013. Débâcle intellectuelle inattendue, les deux économistes ont reconnu des erreurs dans leurs calculs. Une simple méprise dans le codage du tableur Excel qu'ils ont utilisé pour faire tourner leur modèle. Erreurs révélées par un étudiant et corroborées par d'éminents collègues. Conclusion, il n'est pas possible d'affirmer qu'un niveau d'endettement public dépassant les 90% du PIB entraîne une brutale halte de la croissance. Les deux chercheurs maintiennent toutefois qu'un tel seuil ralentit la croissance. Mais ce n'est pas tout à fait pareil. Surtout lorsque cela tombe dans cette semaine où le tour d'Europe des politiques d'austérité ressemble à un hôpital de guerre. Un désastre non sans conséquences plus inquiétant pour le continent de la paix durable.
De plus en plus de chroniqueurs politiques comparent, en effet, la situation à celle de la Grande dépression du milieu des années 30.
Le contexte social en est devenu propice pour la montée des grands mouvements extrémistes de droite qui remettent en cause les fondements démocratiques des Etats. Attaqué partout dans les Etats membres, puissamment en Italie et en France, le lien à l'Europe communautaire se dilue sous les mots d'ordre nationaux chauvins. La situation est grave, mais pas désespérée. Car l'Europe est un espace de liberté et de débats contradictoires. Et les idées qui combattent depuis 2008 le recours systématique à l'austérité en priorité pour sortir de la crise des finances publiques finalement réussit un grand bond en avant ces dernières semaines, «couronnées» par une dramatisation du tableau les derniers jours. Un grand bond, jusqu'à amener le président de la commission européenne, José Manuel Barroso, à déclarer, face à l'évidence remontant de partout, que «la politique d'austérité avait atteint ses limites».
Un tournant est bien amorcé. Retour sur le parcours de la crise : fin 2008, les Etats-Unis sont brutalement frappés par l'effondrement de Wall Street, après une année de résistance à l'éclatement de la bulle des subprimes, les crédits immobiliers insolvables. Très vite les titres toxiques polluent l'activité financière dans toute l'OCDE, et au-delà. C'est le grand choc du premier semestre 2009, vécu et anticipé par l'Algérie à travers un moment critique, la réunion de l'OPEP d'Oran de décembre 2008 qui stoppera in extremis la dégringolade des cours du brut en dessous des 40 dollars. Ils étaient à près de 150 dollars 9 mois plus tôt. Les politiques occidentales de recapitalisation et de soutien aux banques ont permis de remettre de la liquidité dans les circuits et de sortir du rouge dès la fin de l'année 2009. Mais est arrivé tout de suite derrière le second épisode de la crise. Celui de l'insolvabilité des Etats. Notamment les maillons faibles de la zone euro, la Grèce, le Portugal, l'Irlande, puis l'Italie. Les Etats n'arrivent plus à refinancer leur dette.
Les marchés spéculent sur leur défaillance. Les taux d'emprunt de leurs émissions s'envolent. C'est l'impasse de la dette souveraine dès le début de 2011. L'entrée dans le cycle actuel. Partout en Europe le mot d'ordre est alors à l'austérité. En Grande-Bretagne et en Espagne des programmes de droite - Cameron et Rajoy - arrivent à se faire élire sans cacher les projets de coupes sombres dans les budgets publics qu'ils s'apprêtent à donner. Un consensus mou existe parmi les élites pour serrer la ceinture deux ans ou trois, retrouver des comptes publics proches de l'équilibre et reprendre le chemin vertueux de la croissance, non dopé par le déficit budgétaire. C'est ce scénario de l'espérance qui est symboliquement mort en Europe la semaine dernière. Plus personne ne voit le bout du tunnel des politiques d'austérité. Elles étranglent partout l'activité, fabriquent de la récession, creusent les déficits faute d'impôts à prélever. Le cercle est vicieux. Plus personne ' Mme Merkel et l'Allemagne, excédentaire, continuent de ne jurer que par le retour rapide à l'équilibre des finances publiques de leurs partenaires européens. L'Allemagne, bientôt seule contre tous. Mais là une autre Histoire s'insinue.


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