Peut-on croire au projet d'une zone de paix et de prospérité partagée en Méditerranée, lorsqu'il a fini en guerre en Libye, Syrie et en violences ailleurs ' Renégocier l'Accord d'association avec une Europe au bord de l'implosion politique n'est plus un tabou.Ainsi, alors même qu'elle manifeste des signes inquiétants sur sa cohésion politique et son avenir commun, l'Europe nous revient dans l'actualité nationale par des critiques voilées sur la capacité du gouvernement algérien à comprendre et appliquer les termes de l'Accord d'association qu'il a signé et ordonné son application depuis 2005. De leur côté, les gouvernants algériens reviennent, non pas sur le contenu et les termes de l'Accord d'association, mais sur la «découverte» de ses effets pervers sur l'économie du pays et revendiquent la renégociation de certains des chapitres et conditions dudit Accord. Qui a raison et qui a tort ' Personne et les deux à la fois, pourrait-on en conclure, tant la coopération internationale d'une manière générale est sujette à des considérations politiques et géostratégiques complexes, particulièrement avec l'explosion du marché international depuis ces dernières vingt années sous l'effet d'une mondialisation tous azimuts. Les conditions politiques et géostratégiques des années 90 qui ont prévalu lors des négociations des accords d'association avec les pays du Maghreb central (Tunisie- Algérie- Maroc) garantissent-elles, aujourd'hui, «l'idéal» rêvé de la zone de libre échange en méditerranée ' Rappelons qu'il s'agissait d'instaurer, au travers d'une zone de libre échange économique, une «zone de paix et de prospérité». Que s'est-il passé pour que le rêve d'un projet euro-méditerranéen de paix et de prospérité se soit, rapidement, transformé en cauchemar fait de violences et de guerres ' Hélas, c'est le triste constat aujourd'hui. Et dire que la guerre en Libye, en Syrie, l'instabilité politique en Egypte, Tunisie, Liban et ailleurs ont été qualifiées de «printemps arabe». Entre un Nicolas Sarkozy qui proclamait sa ferme volonté de relancer l'Union pour la méditerranée (UPM) tout en bombardant la Libye et un François Hollande qui se transforme en un va-t-en guerre en Syrie, les gouvernants des pays sud-méditerranée encore debouts hésitent à s'engager sur le long terme dans de vrais partenariats économiques et politiques. Nonobstant les défauts, tares et rigidités politiques qui les caractérisent, les pays sud-méditerranée, donc l'Algérie aussi, ont toutes les raisons de douter de la sincérité politique européenne et de rester vigilant sur tout engagement commun à long terme. L'Algérie a négocié, contrairement à une idée répandue, un accord d'association plus consistant, précis et honorable entre les années 1993 et 2005, à tel point que nos voisins immédiats, Maroc et Tunisie, qui avaient signé bien avant nous leurs accords respectifs (1994 et 1996), ont demandé la révision de leurs accords pour les aligner sur celui de l'Algérie. Ils avaient signé un simple accord commercial qui ignorait, par exemple, dans le chapitre «justice affaires intérieures» la question de la «libre circulation des personnes». Cependant, le gros handicap qui grippe encore l'Algérie des retombées de l'accord d'association est d'ordre «systémique», pour reprendre un concept à la mode d'aujourd'hui. Autrement dit, la structure, le fonctionnement et la philosophie du système économico-politique de l'Algérie est loin de standards structurels de l'économie européenne. Faut-il par exemple, rappeler que l'Etat algérien garantit et assure le financement des principaux et névralgiques domaines de la survie sociale et économique du pays ' Le budget de l'Etat supporte à lui seul les secteurs de l'éducation nationale, la santé, la majorité du parc immobilier, les routes, la sécurité sociale et même les associations sportives amateurs. L'Algérie fonctionne en réalité comme une économie du bon vieux temps socialiste, tout en se prévalant de construire une économie moderne calquée sur les standards internationaux, c'est à dire occidentaux. En d'autres termes, l'Algérie déclare dans le discours politique aller vers une économie sociale-libérale, pour ne pas dire ouvertement capitaliste, alors qu'elle pratique celle d'un socialisme désuet et dépassé. Schizophrénique. Dans ces circonstances, comment imaginer sur le cours terme (2022) ou le long terme, une issue qui satisfasse les deux partenaires, algériens et européens, pour une coopération juste, équilibrée qui garantirait, justement, une zone de prospérité et de paix partagées ' En revanche, est-il possible aujourd'hui de parvenir dans un accord de partenariat à garantir une paix durable, tout en ayant des systèmes économiques et politiques différents, voire même opposés idéologiquement ' Car c'est ce malentendu de départ qui entrave la mise en place durable de l'accord d'association Algérie Union européenne : l'idéologie. Maintenant que l'Europe libérale est elle-même confrontée à des risques d'implosion politique qui menace sa propre solidarité et survie en tant qu'union, faut-il craindre la disparition définitive d'une zone de paix et de prospérité en méditerranée ' L'Algérie, pour sa part, doit avoir le courage de mener de vraies réformes politiques et économiques adaptées aux exigences, logiques et impératifs de ce nouveau monde ' Tout le problème pour l'Algérie est d'imaginer une transition vers une économie productive performante, sans heurter brutalement les «acquis» et équilibres sociaux qui ont fait son histoire et garantissent encore sa stabilité. Elle peut, progressivement, entrer dans la performance économique mondiale. Et elle en a les capacités, pour peu que la volonté politique y soit.
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Posté Le : 21/09/2015
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Bruxelles
Source : www.lequotidien-oran.com