Le couple « Merckozy » sauve l'Europe chaque semaine et doit
recommencer la
semaine suivante !
Le scénario se répète à l'infini. Chaque semaine, voire dorénavant
plusieurs fois par semaine, les (ir)responsables
européens se réunissent en toute urgence, décident la mine grave, de mesures
de plus en plus spectaculaires, annoncent l'air soulagé que la catastrophe est
évitée de justesse grâce à une austérité qui empire à chaque fois. Patatras !
Le lendemain, voire dans les heures qui suivent, la réponse des «marchés»
ne se fait pas attendre : nouvelles menaces des «agences de notation»,
dévissage des cours de bourse… Bref, la finance internationale
ne croit aucunement aux solutions proposées et continue sa spéculation
irresponsable.
Comme dans les feuilletons populaires, on prend chaque jour les
mêmes acteurs, on trouve toujours une catastrophe supplémentaire (affaire de
famille, problème de couples, conflits moraux, revers de fortune), ça finit
bien, tout le monde pleure et on recommence le lendemain. La différence, c'est
qu'ici, on n'est pas dans un soap opéra made in US, dans une novella
brésilienne ou dans une sirupeuse et pleurnicheuse romance de la télévision égyptienne,
on est dans la réalité
dure. Et les téléspectateurs de cette tragi-comédie mondiale
seront également les payeurs de l'incompétence des gouvernants et de la rapacité des «
marchés ». Et ils paieront des larmes de sang.
LE COUPLE «MERKOZY» PREND LE POUVOIR EN EUROPE
Lundi, Sarkozy et Merckel se réunissaient à nouveau. On allait voir
ce qu'on allait voir ! Le « couple Merckozy » ont pris une série de décisions
pour les 27 pays européens qui se réuniront le 9 et 10 décembre. Et c'est Mme
Angela Merckel qui porte la
culotte : jeudi, si aucun accord n'est trouvé à 27, la France et l'Allemagne
iront « à marche forcée » vers un traité avec les 17 pays qui ont adopté
l'Euro. Finie l'unanimité qui permettait aux petits pays de se faire entendre :
le texte pourra être approuvé par 85% des états. Ce nouveau traité rejette les
Eurobonds qui marquaient la solidarité financière entre les membres de l'UE.
En revanche, seront mis en place de sanctions automatiques pour les états qui
ne respecteront pas la sacro-sainte obligation d'un déficit budgétaire
qui ne devra pas être supérieure à 3% du PIB national. Mise en place également
d'une Règle d'or, qui inscrira l'austérité et la rigueur dans les
constitutions nationales ! Merckozy a réaffirmé son soutien ému à la Banque Centrale
européenne, naturellement « indépendante » et concrètement impuissante, le tout
sous l'Autorité de la Cour de
justice de l'UE dont on se demande ce qu'elle vient faire là. Pour garantir la rigueur et l'austérité,
les 27 pays sont convoqués tous les mois par le couple infernal.
Comme beaucoup, vous ne comprenez pas grand-chose au détail et
surtout à l'efficacité de ces énièmes « mesures stratégiques décisives» ?
Qu'importe. «Les yeux du monde entier sont tournés vers l'Europe », a déclaré à Berlin le secrétaire américain au Trésor Timothy Geithner,
se disant toutefois «très encouragé par les événements des deux dernières
semaines en Europe». Il s'exprimait aux côtés du ministre allemand des Finances
Wolfgang Schäuble, qui s'est dit « très confiant dans le fait que les décisions
prises le 9 décembre» contribueront à «un retour de la confiance» des
investisseurs. Les agences de notation n'ont toujours pas confiance. L'une
d'entre elles, Standard and Poor's a menacé de réviser à la baisse la note de la dette de 15 des 17 pays
que compte la zone euro,
dont l'Allemagne et la France,
qui bénéficient actuellement de la meilleure possible,
le fameux «Triple A». Les marchés boursiers européens ont évidemment accusé le
coup.
Curieusement, les trois agences de notation, véritables vautours du
marché, ont repéré en bons charognards, le vice principal des mesures prises par
l'Union européenne : elles sont là pour conseiller les,préteurs
internationaux et garantir leur meilleur profit. Les États européens sont
endettés ? Il faut évidemment couper dans les budgets des États et notamment
les dépenses sociales et de fonctionnement. Là, les agences de notation sont
contentes, elles hoquettent même de bonheur. Mais l'inquiétude les saisit
aussitôt. Si les pauvres ne consomment plus et que la récession s'installe,
alors les recettes fiscales vont faire défaut et l'Europe ne pourra plus
rembourser sa dette ! Horreur ! Malheur !
«En pliant dans l'urgence et sans réflexion aux demandes
présupposées des «marchés», les États les renforcent, après avoir fait la démonstration en
2008 qu'ils viendraient à leur secours en dernier recours quelles que soient
leur irrationalité et leur volatilité. Cela sans pour autant assurer la viabilité de leurs
comptes publics », note Bastien Piget de l'IRIS qui s'en prend à juste raison à
l'extrême volatilité et irresponsabilité des marchés financiers, l'incapacité
des États à les contrôler et à les fiscaliser, et les limites des marges de
manÅ“uvres des États pour lutter contre les conséquences économiques et sociales
de ces marchés. Quitte à sacrifier tout espoir de reprise de la croissance, les
gouvernements européens renvoient la
note à leurs seuls citoyens, jugés
trop bien protégés dans l'actuelle phase de mondialisation.
LES RICHES TOUJOURS PLUS RICHES !
Comment expliquer une telle imbécillité dogmatique, une telle
théorisation de l'impuissance avouée face au « rempart de l'Argent » ? Après
tout, tout le monde ne peut pas être bête en même temps. Quatre facteurs
peuvent expliquer en partie l'aveuglement actuel des gouvernants. Tout d'abord
nos élites financières, économiques et politiques ont été formées dans les
mêmes grandes écoles au lait des théories les plus outrancières du
néolibéralisme économique. Les parcours professionnels font alterner des postes
dans le privé, dans la
haute fonction publique et dans les cabinets ministériels: un
quart des patrons des plus grandes entreprises françaises ont appris leur
métier de dirigeant d'entreprise au gouvernement ! La croyance naïve
dans l'autorégulation nécessaire et spontanée des marchés, la foi militante que
seul l'argent crée de l'argent, la conviction que les salariés sont comptablement
des charges pour leurs entreprises et plus généralement, pour la société, sont de faux
prédicats largement partagés par nos élites autoproclamées.
Sur le plan anthropologique,
on pourrait rajouter un zeste de mauvais christianisme pour qui tout péché
mérite sanction et tant qu'à punir, il vaut mieux
cogner sur ceux qui y sont déjà depuis longtemps habitués. Mais dans le cas,
les pauvres n'y suffiront plus et les classes moyennes plongeront également.
Dans un registre plus
prosaïque, nos élites ont bénéficié largement des fruits du pillage général,
avec de très grands enrichissements personnels : c'est le partage des
prébendes. Les quelques lignes qui précèdent ont un furieux accent de
dénonciation très « rétro », riches contre pauvres ?.
Laissons parler le rapport présenté lundi par l'OCDE, l'Observatoire du
développement et de la coopération économique, peu connu pour un
gauchisme excessif. L'OCDE souligne l'augmentation des inégalités de revenus
dans la plupart des
pays industriels, augmentation liée d'abord aux écarts de salaires. La situation s'est,
aggravée en Allemagne, en Italie, au Royaume-Uni, au Japon. Certes, la hausse n'est pas toujours
comparable à celle enregistrée aux États-Unis : 1 % des ménages les plus aisés
percevait 8 % du revenu global en 1980 ; il s'en arroge aujourd'hui près de
18%. En 1980, le revenu des 10 % les plus riches représentait aux États-Unis 10
fois celui des 10 % les plus pauvres, 15 fois aujourd'hui. Il faut partout
freiner cet écart grandissant: « ce n'est même pas une question morale. C'est
une question économique. » Le secrétaire général de l'OCDE, Angel Gurria, qui
présentait lundi le deuxième rapport consacré aux inégalités, a insisté sur
l'impact négatif de celles-ci sur la croissance, à travers le monde. Les inégalités
provoquent le désespoir de nombreux jeunes, freinent la mobilité sociale,
et par-là même les performances économiques des pays où elles sont les plus
élevées ; elles alimentent un sentiment antisystème, et contribuent à faire
prospérer les idées protectionnistes.
LE RETOUR DES MEFIANCES NATIONALES
Enfin, auto-persuadés sur le plan de la politique économique,
nos élites regardent avec de plus en plus de circonspections les mécanismes
démocratiques. « Le peuple n'y comprend rien : faisons son bonheur sans lui
demander son avis.
« Sur le plan politique, les appels en faveur d'un fédéralisme
européen, d'un nouveau traité, d'un rôle renforcé pour la BCE, d'une capacité de
contrôle accru de la
Commission européenne sur le budget et les politiques des
États membres sont aussi présentés comme autant de portes vers la sortie de crise ou de
moyens d'en éviter une reproduction », remarque Bastien Piget, qui note
toutefois que ces modifications constitutionnelles doivent faire l'objet de
référendum ou de votes parlementaires. Hélas, dans le climat actuel ces votes
parlementaires et a fortiori des référendums auraient des issues bien
incertaines. Les présidents de l'UE et de la Commission européenne,
l'un, Herman Van Rompuy, totalement inconnu, et l'autre, José Manuel Barroso,
qui ne doit sa longue durée dans le poste à son incompétence gesticulatrice,
ont présenté mardi deux options pour modifier le traité de l'UE afin de
renforcer la
discipline budgétaire de la zone euro, dont une,
rapide, qui ne nécessiterait pas de ratification dans les différents pays.
Tout le pouvoir aux experts !
«D'un point de vue démocratique, il y a une contradiction fondamentale à
vouloir simultanément produire un saut qualitatif dans l'intégration européenne
tout en refusant aux citoyens le droit de s'exprimer sur les décisions prises à
l'échelle européenne. Il y a aussi un paradoxe à voir des acteurs européens
comme le président de la Commission européenne José Manuel Barroso, dont la légitimité, la crédibilité et
l'action depuis le début de la
crise sont contestés jusqu'au cÅ“ur même des institutions
européennes, s'emparer ces derniers jours de la crise comme d'une
occasion de renforcer leurs prérogatives face aux autres institutions
européennes ou aux États membres », conclut le chercheur de l'IRIS.
La situation
actuelle, loin de nourrir la volonté d'une nouvelle
étape, encore plus fédérale de l'Union européenne, institution depuis longtemps
vécue comme très loin des citoyens européens, alimente plutôt des exigences
démocratiques à la base,
mélangées avec la
conviction largement partagée parmi les populations, que les
politiciens locaux sont plus aisément contrôlables que les eurocrates de
Bruxelles : depuis le début de la crise grecque, neuf gouvernements ont connu des
alternances et Nicolas Sarkozy comme Angela Merckel affrontent une élection
décisive, l'an prochain.
Mais la méfiance va plus loin
et les Européens commencent à se méfier les uns des
autres. Les Européens du Nord sont convaincus que ceux du Sud sont des
feignants. Au cours du sommet qui démarre demain, il est fort possible que les
25 pays européens s'exaspèrent en public des diktats du couple franco-allemand.
En France même, on s'irrite de plus en plus de « l'arrogance allemande » et le
rappel aux trois dernières guerres (1970, 1914, 1940) perce même dans quelques
propos publics. Staard & Poor's a placé lundi soir «sous surveillance
négative» les notes de quinze pays de la zone euro, dont l'Allemagne, l'Autriche, la Finlande, la France, le Luxembourg et
les Pays-Bas, qui bénéficient actuellement du triple A. Les pays européens
menacés par S&P, ne comprennent pas que l'Angleterre qui a, sur beaucoup de
points les plus mauvais résultats, conserve son Triple A. Et les USA n'ont
jamais vraiment apprécié l'Euro.
Du coup, la
théorie d'un vaste complot anglo-saxon contre la monnaie européenne
refleurit. Il est vrai cette hypothèse n'est pas totalement surréaliste.
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Posté Le : 08/12/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Pierre Morville
Source : www.lequotidien-oran.com