En jetant successivement les yeux sur des cartes de différents pays, on ne tarde pas à remarquer que chaque région possède un type particulier de noms géographiques : c'est un phonétique spéciale, un ensemble de caractères communs, un rythme, qui les rendent facilement reconnaissables et leur donnent pour ainsi dire à tous un air de famille. Bien peu de ces noms s'offrent à notre esprit avec une signification; ce sont à proprement parler des noms propres, qui ne représentent rien en dehors de la localité particulièrement désignée. Cependant on ne peut nier qu'ils n'aient, au point de vue linguistique, une importance quelquefois très grande. Emanations directes d'un peuple, d'une race, ils en représentent intimement le génie au même titre que la langue elle-même, et souvent avec certains caractères archaïques que celle-ci a perdus. Toujours en voie de transformation, sujette de mille influences venant du dehors, la langue peut varier, dans une période relativement courte, de façon considérable, et cela sans que la race se soit sensiblement modifiée. Les noms géographiques, sans doute, changent eux aussi; mais on ne peut nier cependant qu'ils n'aient une fixité bien plus grande. Ce sont de véritables témoins du passé qui nous représentent un état de la langue plus ou moins ancien.
Il est d'autres circonstances où ils deviennent plus précieux encore. A la suite de certaines invasions, le peuple conquis peut être réduit ou absorbé, sa langue disparaître ou tomber dans l'oubli : or le conquérant n'apporte généralement dans les lieux où il s'établit qu'un petit nombre de dénominations nouvelles; la grande masse des désignations anciennes subsiste, plus ou moins modifiée, pour s'adapter au génie des vainqueurs, et les radicaux de la langue primitive, dont ils sont quelquefois les seuls documents, ne tardent pas à se révéler aux yeux de l'observateur. Il n'en est pas ainsi quand une dénomination artificielle est imposée par ordre de l'autorité, comme on le voit journellement en Algérie où, sous l'empire d'un sentiment plus patriotique qu'éclairé, les noms de Richelieu, Pasteur, Fort Lallemand et combien d'autres, ont été substitués à ceux beaucoup plus africains de Ghumerian , Seriana et Hassi Belh'eiran. Mais il faut avouer qu'on trouve peu d'exemples de semblables transformations dans l'histoire. Telle n'était pas, notamment, la coutume des Romains, à part de très rares exceptions : Constantine, par exemple substitué à Cirta, ou encore l'épithète Caesarea adjointe à Yol. La désignation des localités n'est jamais affaire de mode ni d'arbitraire.
Nul doute qu'à l'origine les noms propres aient tous eu leur signification. Robinson arrivant dans une île qu'il ne connaît pas ne saurait en désigner les différentes parties que par des noms communs, rappelant le plus souvent une particularité locale. Or il arrive chez les peuples primitifs qu'à la suite d'un usage continuel, le sens des noms géographiques tend à perdre tous ses caractères généraux et communs pour se particulariser de plus en plus, s'identifier pour ainsi dire avec l'objet spécial et unique que ces noms déterminent, en dehors duquel ils ne représentent bientôt plus rien. Comme nous l'avons remarqué ci-dessus, ils acquièrent une fixité plus grande, et l'idiome national changeant par la suite, le souvenir de leur sens primitif finit quelquefois par se perdre complètement.
Sans doute, il est fort difficile de déterminer actuellement quelle a été la signification première de la plupart de nos termes géographiques, tels que Nièvre, Alpes, Garonne, etc. Nous avons affaire ici à tant d'idiomes superposés qui ont tellement varié dans le cours des siècles, que la critique la plus rigoureuse, à défaut d'autre guide, serait impuissante à découvrir la vérité. Mais il n'en est pas de même pour les langues sémitiques et en particulier, chose bizarre, pour les idiomes vulgaires. Ceux-ci n'ont point subi d'évolutions analogues à celles de nos langues européennes si précises et si perfectionnées. Ils ont traversés les siècles sans éprouver les atteintes du temps, immuables comme les populations qui les parlent, et sont encore aujourd'hui dans leurs parties essentielles tels que nous les montrent les plus anciens documents laissés par l'antiquité. C'est ainsi que l'historien sémitiques a pu dire sans exagération qu'un sémite du temps d'Abraham mis en présence d'un bédouin de nos jours pourrait se faire comprendre de lui, le fond du langage étant resté le même.
Ce qui est vrai de l'arabe l'est aussi du berbère. Entre les dialectes des Zenaga, descendants des nomades Sanhadjiens et ceux des montagnards de la Kabylie; entre le chelh'a du Sous et le Chaouïa de l'Aurès, il y a moins de différences qu'entre le français et l'espagnol, par exemple, qui sont toutes deux des langues latines de formation récente; ou, si l'on veut, infiniment moins qu'entre le patois picard et le provençal. Du Nil à l'Océan, c'est une même grammaire; un même vocabulaire : les lois de la phonétique et les permutations de consonnes étant rigoureusement déterminées, on peut d'un dialecte à l'autre sans secousse, par une série de transitions insensibles. Or, comme nous sommes en présence de populations qui, depuis des milliers d'années, ont eu peu de point de rapports entre elles et n'ont pu exercer aucune influence les unes sur les autres, il faut en conclure : ou bien que la langue est restée la même depuis une assez haute antiquité, ou bien que ces idiomes ayant changé, ils ont évolué d'une manière parallèle. Cette seconde hypothèse est difficile à admettre pour une aussi grande étendue de pays, présentant des contrastes frappant dans la configuration du sol, et des conditions climatologiques si diverses. Nous en concluons donc que le berbère, comme l'arabe vulgaire, -deux langues qui ne s'écrivent pas,- a subi peu de modifications dans le cours des siècles. Nous faisons abstraction, bien entendu, de l'influence exercée sur lui par l'islamisme dans les temps modernes.
Ces préliminaires admis, il est évident qu'une étude attentive des noms géographiques de l'Afrique du Nord doit conduire à quelques résultats. Sans doute, tout n'est pas explicable, et bien des termes resteront obscurs. Et puis le champ de l'hypothèse est si vaste et les erreurs étymologiques sont quelquefois si vraisemblables, qu'il est bien difficile de les éviter entièrement. Nous n'avons pas ici l'intention de mener à bien un pareil travail, mais simplement d'en tracer une rapide esquisse en ce qui concerne la région de l'Aurès qu'il nous a été donné de parcourir pendant deux années. Cette région a été jusqu'ici peu étudiée, sans doute en raison de son éloignement et de la difficulté des communications. C'est cependant une des plus intéressantes de l'Afrique du Nord, tant par les souvenirs historiques dont elle pleine, que par le caractère nettement berbère de ses habitants et de la langue en usage.
Nous constatons, à la première inspection de la carte, que les noms français n'ont pas encore fait leur apparition. Les quelques vocables qui aient acquis une certaine notoriété dans notre langue tels que Batna, Khenchela, Biskra, ne sont que la reproduction exacte de vocables indigènes. nous nous trouvons donc en présence d'une masse de noms bien africains, dont il s'agit de rechercher l'origine.
Un petit nombre sont purement arabes et facilement reconnaissables. Ainsi : El-Kantara (le pont) ; Djebel Ah'mar Khaddou (la montagne -a- sa joue rouge); Beni Bou Slimane (les fils d'Abou Slimane); El Oued el-Abiodh (la rivière blanche); etc. Cette langue est assez connue pour qu'il nous soit inutile d'insister.
Il faut se garder de confondre avec ces noms ceux qui affectent une forme arabe, mais sans nous présenter de sens intelligible et sans pouvoir se rattacher à aucun radical arabe connu. Tels sont Biskra, Ghasira, Medrona, etc. Cette apparence arabe, le plus souvent simplement caractérisée par un t final, masque une forme plus ancienne et véritablement indigène, que les habitants du pays n'emploient qu'entre eux, réservant l'autre pour les étrangers, Arabes ou Européens. C'est ainsi que Biskra correspond chez eux à Biskert; Medrona à Hamdrount. On voit par ces exemples que le t arabe représente la caractéristique berbère & / th du féminin. Cependant il n'en est pas toujours ainsi : Ghasira correspond à Ighasiren.
D'autres fois, et c'est le cas le plus fréquent, un mot arabe est accolé à un vocable étranger. Ainsi Aïn Tamellalt, Djebel Bou Ighial, Theniet Tisiouanin, etc. Quelquefois les deux noms, arabe et indigène, ne sont que la traduction l'un de l'autre, comme dans Oued Souf, Djebel Taourirt. On trouve même sur nos cartes de triples superpositions d'un même sens : source d'Aïn Thala.
Tel est, sommairement exposé, le contingent fourni par la langue arabe à la toponymie locale.
Ce contingent peut paraître considérable : il l'est moins cependant qu'on pourrait le croire. Chaque fois qu'ils s'adressent à des étrangers, les indigènes s'efforcent de caser dans leurs discours le plus grand nombre de mots arabes possible. Croyant ainsi nous être agréables en nous rendant leurs paroles plus facilement intelligibles. Lorsqu'ils s'agit de toponymie, il leur arrive même fréquemment de traduire d'une manière complète le vocable indigène en un ou plusieurs mots arabes correspondants : c'est ainsi que Souf Amellal devient l'Oued El-Abiodh. D'où une dualité dans un grand nombre de désignations locales; d'où encore ce fait, que la carte peut nous paraître surchargée de dénominations arabes, alors qu'à côté et indépendamment de cette toponymie il en existe une autre : c'est celle que nous avons l'intention d'étudier ici. Son caractère berbère est indiscutable et, le plus souvent ne laisse prise à aucun doute. Ce sont bien les mêmes noms que l'on retrouve en Kabylie, dans l'Ouarsenis, au Maroc, dans le Touat et le Sahara central, jusque sur les bords du Niger et jusqu'aux rives du Nil. Quels sont les principaux caractères de cette toponymie ?
En berbère, comme en arabe, les noms de lieu sont du genre féminin. Cette forme est caractérisée :
Au singulier, par l'addition d'un th - & (ou t - t ) au commencement ou à la fin du mot, souvent à l'un et à l'autre. Ex. Thaderr'alt -&aderualt-, village de la fraction de R'asira; Aïn Taber'a, source de l'Ahmar Khaddou; Djebel Tafrent, montagne de l'Ahmar Khaddou, du Dj. Chechar, etc.
Au pluriel, par le ti (ti) ou thi (&i) et la terminaison in (in). Ex. Theniet Thizouggar'in - &niyet &izuga$in (col Bi Bou Slimane); Djebel Thir'ardin - adrar &i$ardin (Dj. Chechar); H'akliath en tir'animin - haqlia& n ti$animin (village de Ouled Daoud - Aith daoud); Djebel Bou Telar'min - Jbel bu tela$min, montagne de Oued Abdi, etc.
Nous ne voulons pas multiplier les exemples, qu'on trouve en assez grand nombre ci-après, dans notre vocabulaire. Mais il importe de remarquer que telle est la caractéristique générale des noms de lieu berbères, le critérium qui permettre, trois fois sur quatre, de les reconnaître. Voyons maintenant quelle est la limite de cette règle et quelles sont les exceptions.
Il y a d'abord toute une catégorie de noms géographiques dont nous n'avons pas voulu parler, parce qu'ils ne sont pas, à vraiment dire, des noms propres. Ce sont les termes d'un usage très général qui servent à désigner les accidents de terrain, les cours d'eau, etc., véritables noms communs qui se trouvent disséminés, et toujours les mêmes sur toute l'étendue de l'Afrique du Nord, tels que Ad'rar - adrar (montagne), Ourir - urir (colline), Ikhf - ixf (pic -propr. tête), Ich - ic (pic, -propr. corne), Thizi - &izi (col), Ir'zer - i$zer (rivière), Thit' - &ip ( source), etc. Comme on le voit, peu de ces noms présentent les caractères du féminin. Quelques-uns dont le sens s'est spécialisé dans une localité, ou a été mal interprété par des populations étrangères qui sont venues s'implanter dans le pays, sont devenus de véritables noms propres. Ex. Ich, qçar du sud oranais; Ad'rar, nom d'une région montagneuse du nord du Sénégal. Plus souvent, ils entrent dans la composition de noms propres. Ex. : Ich em oul - ic m ul " la corne du coeur " (montagne des Oued Daoud); Ras Taourirt, montagne des Bi Bou Slimane.
Ces noms communs sont trop connus pour qu'il nous soit nécessaire d'insister. il en est un cependant qui nous paraît mériter une mention spéciale, c'est le radical OUR - or, que l'on retrouve précédé de la formation -m - m dans le mot Thamourth - &amur&, mot généralement usité dans tous les dialectes berbères pour désigner la terre, le pays. C'est dans la même racine qu'il faut chercher l'origine du kabyle ourthou " verger " . Enfin elle entre dans la composition d'un certain nombre de noms propres : Ourmellal - urmelal (" la terre blanche ", Dj. Chechar); Ouarsenis - uarsenis, composé de our et de la racine SNS que l'on retrouve chez les Beni Snous et peut-être Ouargla (our-Djelan).
Un assez grand nombre de noms géographiques affectent la terminaison ou : oued Agardou, rivière du Dj. Chechar; Djebel Galat'ou, montagne de Bi Bou Slimane; Mellagou, plaine et rivière des Bi Oudjana, etc. Bien peu de ces substantifs peuvent être rattachés à des racines encore en usage, ce qui porterait à leur attribuer une certaine ancienneté. Cependant cette terminaison est tellement dans le génie de la langue berbère, qu'elle s'applique encore de nos jours à des noms arabes. Ainsi Aqbou n'est qu'une altération de l'arabe (quba - dôme).
Font encore exception à la règle, les noms géographiques formés à l'aide de noms d'hommes. Ex.: Aïn Oubezza " la fontaine de Bezza "; Ras Babar " le sommet de Babar "; Hizi en Ferkous " le col de Ferkous ". Cependant le nombre des désignations ainsi formées est assez restreint, et l'on doit admettre les explications fournies à cet égard par les indigènes qu'avec une grande prudence. Ceux-ci restent rarement à court lorsqu'on les interroge sur une étymologie, et s'empressent de l'expliquer avec un nom propre lorsqu'ils ne trouvent rien de plus plausible.
Certains noms de lieux empruntés aux plantes, tels que Aïn Ourmes " la fontaine du guet'af " (atriplex halimus, ar. gt'af); Ideles (dans le Sahara central), le diss, ampelodesmos tenax; Aïn Leblabin " la fontaine des lierres ". Il est à remarquer que le nom de la plante mis au féminin désigne l'endroit où cette plante croît en abondance, comme chez nous les mots palmeraie, saussaie, olivette, désignent les lieux complantés de palmiers, de saules, d' oliviers. Ex.: Thizi en taremmast - &izi n taremast " le col où pousse le guet'af ". D'autres fois, le féminin sert à désigner simplement un seul individu de l'espèce. Ex.: Qçar Tarmount " le qçar du grenadier ".
Enfin certains noms géographiques empruntés aux couleurs rejettent la forme féminine. Le plus souvent, les noms de couleurs remplissent le rôle d'adjectifs et s'accordent en genre et en nombre avec les noms auxquels ils se rapportent. Ex.: Souf Amellal - sof amelal (en ara. Oued El-Abiodh) " la rivière blanche " "; Aïn Tamellalt " la source blanche "; et hors de l'Aurès: Oullan melloulin - olan melolin " les sources blanches " (dans l'Adrar Ahnet); Ad'rar Set't'ouf - adrar sepuof " la montagne noire (près du Cap Blanc). Quand le nom de couleur est exprimé seul, tant au singulier qu'au pluriel, il est toujours du féminin. Ex.: Thizouggar'in - &izuga$in " les rouges "; Tamellalt " la blanche ", etc.
Notons pour terminer que certains noms présentent les caractéristiques du féminin berbère, alors qu'eux-mêmes sont étrangers, le plus souvent arabes. Le contact des deux langues est si intime depuis des siècles, qu'il s'est produit une sorte de pénétration réciproque; et, de même que les radicaux berbères ont revêtu une forme arabe, on trouve des mots purement arabes encadrés dans les désinences du berbère. Ex.: Takroumt, village de Oued Abdi, berbérisation de l'arabe krouma " la nuque " ; Thizi n tmesloukht " le col de l'écorchée ", en arabe lmesloukh ; Tifert'asin, pluriel féminin berbère de l'arabe fertass " chauve ", etc.
Nous devons reconnaître qu'il y a un assez grand nombre de noms locaux qui n'entrent dans aucune des catégories ci-dessus énumérées et n'offrent en berbère aucune signification plausible. Il faut en conclure qu'ils se rattachent à un radical dont la signification s'est perdue, ou qu'ils ont subi eux-mêmes des modifications assez importantes pour rendre leur origine difficile à reconnaître. mais on est en droit de se demander également s'ils ne proviennent pas d'une langue étrangère au berbère, s'ils ne représentent pas les vestiges d'une toponymie antérieure à la toponymie actuelle. Cette question nous amène naturellement à traiter des noms géographiques de l'antiquité qui sont parvenus jusqu'à nous.
Nous avons déjà dit plus haut que les Latins n'avaient implanté dans l'Afrique du Nord qu'un nombre relativement restreint de termes géographiques. Dans la grande majorité des cas, ils se sont contentés de latiniser des noms préexistants.
Quels pouvaient être ces noms? Les Carthaginois possédant de nombreux comptoirs sur le littoral et dans la Tunisie actuelle, il est possible, probable même qu'un certain nombre soient d'origine punique. Gesenius a donné ainsi un nombre considérable d'étymologies tirées de la langue phénicienne . Hâtons-nous d'ajouter que très peu, d'ailleurs , sont acceptables. Et puis l'occupation carthaginoise a été restreinte à quelques points du littoral et à une bande de terre en Tunisie qui est devenue ensuite la province romaine de l'Afrique propre. Il est donc peu probable que des points situés assez avant dans l'intérieur aient jamais porté un nom punique. Il est vrai que la langue phénicienne était fort répandue dans le pays, où elle a progressé même sous la domination romaine. Les nombreuses stèles puniques découvertes dans ces dernières années en sont un éclatant témoignage; mais nous doutons fort que cette langue soit jamais arrivée jusqu'à l'Aurès, j'entends à être parlée et comprise du peuple, comme il est nécessaire pour qu'elle ait pu former une toponymie.
En règle générale, ce n'est donc pas dans la langue punique que nous chercherons l'étymologie des anciens noms géographiques. A priori, nous sommes en droit de supposer que ces noms sont berbères, puisque la race berbère couvrait l'Afrique du Nord depuis les temps les plus reculés de l'histoire; et comme, d'autre part, nous avons des raisons de croire que la langue berbère a varié relativement peu depuis l'antiquité, il importe de rechercher si les règles rapidement esquissées ci-dessus peuvent se vérifier sur les noms qui ont été légués par les auteurs anciens ou les inscriptions.
Or nous ne tardons pas à reconnaître qu'un grand nombre de ces noms présentent la caractéristique du féminin berbère : Thagaste, Thala, Thapsus, Tingis " Tanger ", Thysdrus " El Djem ", Tacape, Thamugadi, Tipaza, et combien d'autres . Une particularité qui se présente dans un certain nombre de dialectes berbères de ,nos jours consiste à substituer dans certains cas au th initial une légère aspiration ; on a même voulu y voir un signe d'usure propre à des dialectes en voie de décomposition. Or le même fait se produisait dès l'antiquité, puisque nous voyons exister concurremment les formes Tacape et Cape, Tamazaco et Mazaco, Thelepte et Leptis, de même que de nos jours on dit Hizougar'in pour Thizougar'in.
Quelquefois même le nom actuel n'est autre que le nom berbère antique arabisé par la terminaison en t. Ex. : Tebessa qui correspond à l'antique Theveste, mot qui devait se prononcer Thebbest .
Le pluriel en en (en), in (in), semble plus rare. On peut le voir dans le noms des îles Kerkinna, dans Katennae 'Tenès "; mais il est probable que ces deux noms sont d'origine phénicienne. Cependant on retrouve bien le pluriel berbère dans le nom des Causini, en grec Kansini, peuple de la Maurétanie tingitane que Ptolémée place entre les Salinses et les Bakouates; dans celui des Biliani, tribu de la Maurétanie césarienne, et dans beaucoup d'autres ethniques. Enfin tous les noms en aï, eï, tels que Bar'aï, Thabudeï , sont des pluriels infidèlement transcrits dans la langue des vainqueurs. Quelquefois le nom antique nous révèle la véritable prononciation berbère que le sauteurs arabes nous ont transmise altérée. C'est ainsi qu'une inscription découverte au col de Fdoulès et publiée par la Société archéologique de Constantine nous donne le nom de Ucutaman gens; il s'agit évidemment de la grande tribu berbère des Ketama d'Ibn Khaldoun, dont le vrai nom devait être : Ikutamen.
Nous avons noté parmi les exceptions à la règle du féminin les noms à déterminaison -ou. Cette finale a également existé dans l'antiquité, où nous la retrouvons dans Simittu (Chemtou), Chulllu (Collo), etc. De même qu'elle s'applique actuellement à des mots d'origine arabe, comme Aqbou, elle paraît s'être ajoutée, dans l'antiquité, à des vocables d'origine phénicienne comme Rusucurru (Dellys).
Telles sont les remarques générales qu'ils nous est donné de faire sur la toponymie ancienne. Il en ressort la confirmation éclatante du fait que nous avons énoncé plus haut , à savoir que cette toponymie est berbère, presque exclusivement berbère. Le temps nous manque pour entreprendre maintenant une étude détaillée des noms que l'antiquité nous a laissés; d'ailleurs une pareille étude n'ajouterait rien aux résultats généraux indiqués ci-dessus et aboutirait, les trois quarts du temps, à des étymologies hasardeuses. M. Vivien de Saint-Martin a déjà une série d'identifications de noms modernes avec les désignations anciennes, identifications pour la plupart très ingénieuses.
En ce qui concerne l'Aurès dans l'antiquité, nous possédons très peu de renseignements, et un très petit nombre de désignation anciennes sont parvenues jusqu'à nous. Les indigènes ont dû subir une certaine empreinte latine dont ils n'ont pas absolument perdu le souvenir ; mais la véritable colonisation romaine s'arrêtait à cette ligne de villes et de postes bordaient la plaine de Lambèse à Khenchela. Le gros massif de l'Aurès, comme celui de la Kabylie, est resté en dehors du mouvement qui romanisait l'Afrique. C'est ce qui explique pourquoi les noms antiques qui ont pu être reconstitués sont si peu nombreux. En voici les principaux :
- Lambessa (Lambèse). on a beaucoup discuté sur le sens de ce préfixe Lam- que l'on retrouve dans un si grand nombre de noms topiques . La signification n'en est pas encore déterminée d'une façon certaine. Quant au b, que l'on retrouve dans lambdia, Lambafudi, nous croyons qu'il provient tout simplement d'un redoublement de l'm. Il est possible que la véritable prononciation du mot ait été Thalemmast - &alemast. Chaouïa alemmas " le milieu " (?).
- Thamugadi - &amugadi. Faut-il rattacher ce mot à la racine ougged " craindre ". Thamugadi serait alors une sorte de " pays de la peur "?
- Baghaï ou Bar'aï - ba$ay. Ce mot est évidemment le pluriel de taber'a " ronce ", très usité actuellement dans l'Aurès, où l'on trouve une source qui porte de nom d'Aïn Tarber'a. Le pluriel est thibr'aïn - &ibrain .
- Zerboulè, Toumer, Petra Geminiana, toutes localités de l'Aurès oriental, ont fait l'objet d'une étude approfondie de M. le commandant Rinn , qui a cherché avec assez de sagacité à les identifier à des localités actuelles correspondantes.
- Biscera, actuellement Biskra. Le nom berbère Biskhert - bisxert nous paraît représenter avec assez d'exactitude la prononciation du nom ancien ainsi que le prouve l'adjectif Vesceritanus qui en est tiré. Ptolémée dit Oueskether, par métathèse du th et de l'r.
- Ad Badias, actuellement Bades - Bades.
je suis intéressé a ce type d'études Merci
HICHEM TIAR - Administrateur - Annaba, Algérie
03/12/2013 - 153942
merci pour cet arucle de G MERCIEr je vous propose un forum sur la topnymie des Aures pour donner tous le toponymes d'Algerie
Aurès - Enseignat - Aurès
03/11/2008 - 2133
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Posté Le : 02/09/2007
Posté par : nassima-v
Ecrit par : Gustave Mercier
Source : http://aureschaouia.free.fr