Algérie

Etude réalisée avec la collaboration d'experts juristes, économistes, politologues et sociologues



La sortie de crise en Algérie implique des objectifs précis autour de quatre axes directeurs : dialogue productif, Etat de Droit, démocratie et réformes. Cette présente et modeste analyse se veut une contribution au débat qui engage l'avenir de l'Algérie qui a un répit de deux ans, ne souffrant pas d'une crise financière mais d'une crise de gouvernance. Il ne s'agit pas de créer des commissions administratives auto-désignées bureaucratiquement, éloignées des préoccupations de la société, ancienne culture bureaucratique car le temps presse.La crise de gouvernance actuelle risque de se transformer en crise économique et sociale avec des incidences géostratégiques isolant l'Algérie de l ?arène internationale horizon 2022 avec la cessation de paiement avec l'épuisement des réserves de change , si l'on ne résout pas la crise politique et on ne change pas de cap sur le plan économique , interpellant le Politique et toute la société. La construction de la démocratie, tenant compte des anthropologies culturelles, au vu des expériences historiques, ne se fait pas d'une baguette magique étant un processus de longue haleine et de luttes sociales et politiques. Et la finalité, en démocratie, ce sont des élections transparentes avec une concurrence loyale qui donneront la réelle représentativité tant des segments des partis politiques que de la société civile 1.-La refondation de l'Etat pose fondamentalement la problématique de la moralisation de la société algérienne renvoyant à l'actualité des analyses ibn khaldoudiennes de décadence de toute société anémique : méditons les expériences du syndrome hollandais (corrélation entre l'aisance financière et la corruption généralisée) , la Roumanie communiste qui avait une dette extérieure zéro mais une économie en ruine et une misère croissante et récemment la semi faillite du Venezuela première réservoir pétrolière mondiale. En effet, la moralisation renvoie aux différents scandales financiers qui touchent certains secteurs publics et privés, la corruption relatés chaque jour par la presse nationale, encore que dans tout Etat de droit cela implique la présomption d'innocence afin d'éviter les suspicions et les règlements de comptes inutiles. Ces constats témoignent de la désorganisation des appareils de l'Etat censés contrôler les deniers publics et surtout le manque de cohérence entre les différentes structures en cette période difficile de transition d'un système étatique à une véritable économie de marché concurrentielle tenant compte des nouvelles mutations mondiales. Ces scandales jouent comme facteur à la fois de démobilisation des citoyens par une névrose collective du fait que ces montants détournés sont la propriété de toute la collectivité nationale et comme frein à l'investissement national et international porteur de croissance et de création d'emplois durables à moyen et long terme. Ainsi selon les rapports des organismes internationaux l'Algérie, malgré des textes juridiques louables, que contredisent quotidiennement les pratiques, l'Algérie est classée comme un pays connaissant un taux de corruption très élevé. C'est pourquoi, les hommes d'affaires tant nationaux qu'étrangers du fait du manque de visibilité dans la démarche de la réforme globale et dans le manque de clarté dans la gouvernance , se réfugient dans des segments de court terme (importation, infrastructures notamment fonction du programme de soutien à la relance économique ), sans risques, étant assurés d'être payés du fait de l'importance des liquidité bancaires et des réserves de change non fruit du travail, mais essentiellement à l'envolée des prix des hydrocarbures. Ainsi, l'Algérie est fortement dépendante tant des biens de consommation finale que de la majorité de entrants tant des entreprises publiques que privées, (taux d'intégration inférieur à 15/20%) et assistant paradoxalement à l'exode massif de ses cerveaux du fait de leur dévalorisation avec l'importation de l'assistance étrangère dont le poste au niveau de la balance de paiement atteint un niveau intolérable(10/11 milliards de dollars/an entre 2016/2018 ) qui s'ajoutent à l'importation des biens dont toutes les mesures bureaucratiques n'ont pas permis la baisse substantielle (45/46 milliards de dollars 2016/2018) , encore que le montant de l'endettement extérieur qui grâce aux remboursements par anticipation est faible (1/2% du PIB). Le divorce entre les objectifs et les moyens de réalisation (faiblesse des capacités d'absorption) entraîne un gaspillage des ressources rares, avec une mauvaise gestion que l'on voile par de l'activisme et sans bilan réel,(comme la règle des 49/51%), une fuite en avant dans des projets non maturés, ensuite mal faits, souvent réévalués expliquant le faible taux de croissance non corrélée à l'importance de la dépense publique (moyenne de 3% entre 2010/2018). Or le taux d'emploi et donc la baisse du taux de chômage, tenant compte de la pression démographique (arrivée chaque année de 350.000/4500.000 de demandes d'emplois additionnelles qui s'additionnent au stock du taux de chômage actuel sous estimé, surtout le segment féminin) est fonction du taux de croissance et des structures des taux de productivité. On ne peut assister à une baisse du taux de croissance et paradoxalement affirmer que le taux de chômage diminue ou que le pouvoir d'achat augmente, amplifié par la concentration excessive des revenus au profit d'une minorité rentière et non d'entrepreneurs mus par la création de richesses. D'où l'importance d'un discours de vérité, rien que la vérité évitant tant de verser dans l'auto- satisfaction, renvoyant à une autre culture d'Etat et donc de la mise en place de mécanismes transparents que la sinistrose devant reconnaître une non maîtrise de la gestion avec des surcoûts exorbitants et l'urgence de corriger l'actuelle trajectoire qui a atteint ses limites posant la problématique de la refondation de l'Etat. 2.-La prospérité ou le déclin des civilisations de l'Orient et de l'Occident avec ce brassage des cultures à travers le temps, ont montré qu'il ne s'agit pas de renier les traditions positives qui moulées dans la trajectoire de la modernité, peuvent être facteurs de développement : l'expérience du Japon, de la Chine, de l'Inde et de bon nombre de pays émergents l'attestent car un peuple sans sa culture est comme un peuple sans âme. Or, l'absence d'une élite organique agissante en Algérie capable d'élaborer des idées structurantes et peser par ses analyses sur les tendances et les choix majeurs qui fondent et marquent le lien social se fait cruellement sentir. Ce vide culturel a des incidences sur la dé- crédibilisation de la politique ce qui réduit l'influence des partis politiques qui avec la tendance actuelle de leur discours risquent d'être disqualifiés. Mais au- dessus de tout, l'Algérie reste un pays dynamique, plein de vitalité, qui se cherche et cherche sa voie. Un processus de mutations internes est en train de se faire, par une certaine autonomie qui annonce de nouvelles mutations identitaires - pas celles qu'on croit, mais celles qu'on soupçonne le moins qui s'imposeront. Les Algériens veulent vivre leurs différences dans la communion et non dans la confrontation que leur imposent les idéologies réfractaires et en tout point de vue fragmentaires d'où l'importance d'un dialogue productif sur la base d'objectifs précis devant de tirer les leçons du passé récent afin de forger positivement notre avenir commun. Nous devons devenir des citoyens qui se respectent parce qu'ils se respectent d'abord entre eux. Un Etat doit être un Etat de droit où la hiérarchisation sociale est codifiée par des normes admises, assimilées et intériorisées. Ces normes sont d'abord le résultat d'une grande maturation historique durant laquelle l'individu ou le groupe aurait démontré par les actes ses disponibilités à servir la communauté et ce à partir de ses qualités intrinsèques et qui font l'unanimité. Si refondation de l'Etat il y a, ce n'est pas non plus des retouches techniques touchant la réorganisation bureaucratique du territoire. La refondation de l'Etat passe nécessairement par la refondation de son esprit (philosophie) et ses lois (règles) pour qu'elles deviennent un Etat droit.. La refondation de l'Etat ne doit pas être comprise comme une négation de notre identité mais comme une nécessité que les mutations et les enjeux d'aujourd'hui imposent et dépasse et de loin l'aspect technique de la politique. Elle touche en réalité le fondement de la République et les idées qui la fondent. Un Etat fort ne se mesure pas uniquement par une quelconque action sociale et économique mais aussi, par une opposition féconde capable de prendre le relais sans violence. Aussi dans le cadre de cette refondation politique, l'Algérie ne peut revenir à elle- même que si les faux privilèges sont bannis et les critères de compétences, de loyauté et d'innovation sont réinstaurés comme passerelles de la réussite et de la promotion sociale et limiter l'action de l'immoralité et de la assabia (relations tribales et de clientèles) facteurs de la décadence de toute société. En effet, l'accumulation des richesses a suivi le processus de positionnement des cadres dans les secteurs névralgiques ou même secondaires de l'économie et surtout son domaine public. C'est presque à partir de l'accumulation des richesses dans ce secteur et leur redistribution que s'est construite la structure sociale en Algérie, structuration lente non achevée d'où l'importance de certaines fonctions électives ou nominations à des postes clefs ou les candidats y voient un moyen de s'enrichir et enrichir leurs soutiens. En effet, ce genre de situation est à prendre en considération et sa a gestion consiste à entreprendre une sorte de carte généalogique de chaque espace et le gérer au cas par cas. Car toute crise à la fois économique mais également sociale et culturelle engendre les résurgences identitaires et tribales qui peuvent les conduire à un comportement conservateur néfaste au développement du pays surtout qu'à un certain temps ils ont jouit de privilèges importants qui les poussent progressivement à former des lobbys discrets, mais efficaces de blocage tant des réformes politiques qu'économiques. C'est par rapport à ces référents que s'est constitué la assabia ethnico- financière. C'est que les exigences d'un Etat fort de sa droiture et de son droit si elles constituent un outil vital pour la cohésion nationale et le destin de la nation ne doivent pas occulter les besoins d'autonomie de
pouvoirs locaux qui doivent être restructurés en fonction de leur histoire anthropologique et non en fonction des nécessités électoralistes ou clientélistes. La refondation de l'Etat, pour ne pas dire sa fondation comme entité civile, passe nécessairement par une mutation profonde de la fonction sociale de la politique. Cela suppose en Algérie que le pouvoir bienfaisant inauguré comme contrat politique implicite par les tenants du socialisme de la mamelle afin de légitimer l'échange d'une partie de la rente contre la dépendance et la soumission politique et qui efface tout esprit de citoyenneté active, ce pouvoir doit céder la place à un pouvoir juste, justicier et de justice. C'est la norme du droit qui reprend sa place pour légitimer le véritable statut de la citoyenneté. Le passage de l'Etat de « soutien » à l'Etat de droit est de mon point de vue un pari politique majeur car il implique tout simplement un nouveau contrat social et un nouveau contrat politique entre la Nation (Oumma) et l'Etat (la Dawla). En réalité la question qui mérite d'être posée aujourd'hui : est ce que les pouvoirs politiques algériens successifs de 1963 à 2018 ont- ils édifié un Etat national d'abord et qu'est ce qu'un Etat national dans le cas algérien précisément car, il faut bien le rappeler, il n'y a pas d'Etat national standard mais que des équipements anthropologiques intrinsèques historiquement datés qui modèlent le système politique comme mis en relief par qu'Ibn Khaldoun 3.- La refondation de l'Etat ne saurait se limiter à une réorganisation technique de l'autorité et des pouvoirs. Elle passe par une transparence totale et une clarté sans nuance dans la pratique politique et les hommes chargés par la Nation de la faire car la gouvernance est une question d'intelligence et de légitimité réelle et non fictive. C'est dans ce cadre qu'il faille revaloriser le savoir et donc la compétence qui n'est nullement synonyme de poste dans la hiérarchie informelle, ni de positionnement dans la perception d'une rente. La compétence doit se suffire à elle-même et son efficacité et sa légitimité se vérifient surtout dans la pertinence des idées et la symbolique positive qu'elle ancre dans les corps et les acteurs sociaux. La compétence n'est pas un diplôme uniquement mais une conscience et une substance qui nourrissent les institutions et construisent les bases du savoir. Sans cela, les grandes fractures sont à venir et les tentatives de refondation de l'Etat ne seraient plus en mesure de réaliser les aspirations d'une Algérie arrimée à la modernité tout en préservant son authenticité. Car cette nécessaire refondation de l'Etat est une condition nécessaire pour la réussite des réformes institutionnelles et l'optimalisation de la dépense publique ainsi couplée avec de nouvelles formes de protection sociale, pour plus de justice sociale non antinomique avec l'efficacité économique, .impliquant plus de décentralisation à ne pas confondre avec l'avatar néfaste du régionalisme et de la déconcentration qui renforce la bureaucratisation. (A suivre) Dr Abderrahmane Mebtoul, professeur des universités, expert international


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