Algérie

Etre Africain



« Kahlouch, Nigrou, Babay, esclave » : c'est devenu banal dans nos rues d'entendre les insultes racistes contre des Africains. « Même durant le premier Panaf de 1969, il y a eu des incidents racistes », se souvient un historien qui regrette le silence qui entoure le phénomène. El Watan Vendredi a invité à une table ronde des étudiants issus du Congo-Brazzaville pour un débat ouvert. Comment vivent-ils les différences de culture, les clichés, les insultes racistes ' Willy : J'ai beaucoup voyagé en Algérie depuis 2003. L'Algérie est un pays comme les autres : il y a du bon et du mauvais. Même entre Noirs dans certains pays africains, la discrimination existe. Moi, je ne crois pas qu'il s'agit de racisme, mais plutôt de xénophobie. Les gens te détestent sans raison. Ils te sortent des jeux de mots, on te jette des pierres ! Mais le plus difficile reste les différences de culture, de comportement : chez nous, il est tout à fait normal de marcher bras dessus bras dessous avec une amie ou une cousine. Pas ici !Audrée : L'adaptation, au début, est difficile comme dans tout pays étranger. Ce qui m'avait le plus frappé ici, c'est la discrimination entre les hommes et les femmes. Je me suis rendu compte qu'il y a plus de mixité dans mon pays. Ici, j'ai même peur de demander à un collègue garçon de m'expliquer un cours ! Mais je me suis adaptée. Mais ce que je trouve sympathique, c'est l'accueil, surtout de la part des filles.Marius : Déjà, quand on arrive en Algérie, il y a un problème de communication. On s'imaginait un pays francophone, le plus grand pays francophone d'Afrique ! Mais ce n'est pas le cas. Et si par hasard on tombe sur un gars qui parle bien français, il peut te prendre en otage et traduire ce que te disent les autres Algériens à sa guise.Hubert : En arrivant en Algérie, je pouvais m'attendre à des attitudes racistes, mais pas de cette ampleur ! On ne s'imaginait pas aussi les différences dans les modes de vie. Je discute de beaucoup de sujets avec des Algériens, notamment sur le mariage et ses coutumes. Et à un certain moment de la discussion, on me dit « non, ça, la religion ne le permet pas ! ». Autre chose : ici, la famille c'est le père, la mère, les oncles, etc. Chez nous, la famille c'est ta femme, toi et tes enfants. La différence de religion ne crée pas beaucoup de tensions. Mais quotidiennement, des amis algériens me proposent de changer de religion ! L'autre jour, un gars m'a empêché de faire le signe de la croix ! Mais si toi, chrétien, tu es accompagné par un Africain musulman, ça passe.Marius : On ne demande jamais à un Chinois à Alger de quelle religion il est !Mobo : Et puis, nos amis algériens nous disent : vous n'irez pas au paradis !Marius : Même les enseignants universitaires commencent pas vous poser la question : êtes-vous chrétien ou musulman ' Comme si être Africain veut dire obligatoirement être musulman ! Mais si tu dis « salam alikom », c'est la clé ! Les gens t'acceptent tout de suite.Hubert : A la plage, on s'amuse bien avec nos amis algériens' Mais dès qu'on retourne à la cité universitaire, on retombe dans le discours : « Attention, ça c'est haram ! »Audrée : A Alger, c'est plus dur au niveau des insultes racistes. A l'intérieur du pays, à Tiaret par exemple, ou dans d'autres villes comme Oran, on subit moins d'injures. Au contraire, là les gens sont plus curieux et me posent des questions sur moi, mon pays, etc. On me lance des insultes ' en arabe et en français pour que je comprenne ' à cause de ma couleur, mais aussi parce que je suis une femme. Les mots, on les supporte, mais pas quand on me touche comme ça dans la rue ou les jets de pierres. Mes collègues étudiantes algériennes subissent elles aussi les injures dans la rue. Parfois, c'est pire que ce qu'on me lance à moi ! Alors, je suis devenue nerveuse : parfois je crie contre celui qui m'insulte et là il se tait.


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