Algérie

Etouffement



L'obligation qu'a eue Azzedine Mihoubi, secrétaire d'Etat chargé de la Communication, de défendre devant les députés la politique gouvernementale en matière de presse l'a, semble-t-il, dédouané de l'obligation de vérité. Le ministre a assuré que l'ENTV « n'a jamais fait l'impasse sur l'activité d'un quelconque parti politique ». Il se trouve qu'à force d'être bombardés par les seules images des formations partisanes liées au pouvoir ou gravitant autour de lui (le FLN, le RND, le MSP et accessoirement le PT) les téléspectateurs de l'Unique ont fini par oublier qu'il existe en Algérie une opposition politique. Se souvient-il encore de Saïd Sadi, d'Aït Ahmed, de Benbitour, de Rédha Malek, de Hamrouche, de Ghozali, de Benflis et bien d'autres encore qui, à un moment ou un autre, ont marqué la vie politique nationale, certains toujours en activité mais gommés, quand bien même leurs partis sont présents dans diverses assemblées élues. Cachons ces opposants qu'on ne saurait voir ! Et c'est à peu près la même logique qui est observée dans la presse écrite au-dessus de laquelle a été suspendue l'épée de Damoclès de la publicité institutionnelle : le nombre de pages distribuées par l'ANEP aux journaux peut fluctuer en fonction de la ligne éditoriale. Gare aux titres tentés par une trop grande fréquentation avec les opposants purs et durs, ceux qui ne mâchent pas leurs mots en direction des autorités.Ces journaux courent un autre risque, celui d'être expulsés des imprimeries publiques ou d'être sommés de payer leurs factures rubis sur l'ongle. Les créances peuvent être effacées ou oubliées au gré des chemins politiques empruntés. Le fisc aussi peut s'effacer et la Sécurité sociale se faire oublier. Une politique à coups de milliards de dinars : dettes des titres, dettes des entreprises d'impression et dettes du fournisseur public de papier, auxquelles il faut ajouter les milliards de dinars de subventions de l'ENTV et autres médias lourds. De l'argent du contribuable puisé à la pelleteuse. Les quelques journaux qui tentent de s'émanciper du politique et de l'économique voient leur chemin semé d'embûches. Le fait du prince relègue le droit aux oubliettes : pas de loi sur l'information, pas de texte sur la publicité institutionnelle, pas d'OJD (office de justification de la diffusion). Les médias audiovisuels restent, eux, ligotés par un cahier des charges qui fait d'eux des porte-parole gouvernementaux au moment même où l'audiovisuel satellitaire explose dans le monde. L'extrême fragilité de l'Algérie dans la guerre de communication que lui a livrée l'Egypte lors du match de qualification pour la Coupe du monde trouve sa source dans la volonté du pouvoir de priver ce secteur de liberté et de le maintenir sous sa coupe. En taisant ces quelques vérités devant les élus, Azzedine Mihoubi n'a fait que s'insérer dans la stratégie du pouvoir d'usurpation de la presse et des médias.


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