«L'Orient est une
création de l'Occident, son double, son contraire, l'incarnation de ses
craintes et de son sentiment de supériorité tout à la fois, la chair d'un corps
dont il ne voudrait être que l'esprit.» 1
Daniel Rivet dans
son livre, Le Maghreb à l'épreuve de la colonisation, rappelle que lors de la
colonisation de l'Algérie en 1830, «le Maghrébin n'est nullement la figure
indifférenciée de l'indigène qui s'installe progressivement dans l'imaginaire
colonial. Il est ce Barbaresque avec lequel on entretient une relation
belliqueuse depuis des siècles» et cette relation est en train de se prolonger
aujourd'hui à travers les sinistres propos du ministre français Claude Guéant. sur la différence de valeur entre les civilisations.
Comment peut–on
arriver à tolérer ce genre de propos que recadrent, stupidement arguments à
l'appui, des analystes zélateurs. Ces derniers avancent à chaque sortie
médiatique imprégnée de xénophobie de ce ministre, la même parade ; celle qui
fait partie d'un exercice de récupération politicienne dans le jeu électoral
des présidentielles françaises. Une posture qui ne devrait pas justifier
l'injustifiable, celui du rejet avéré d'une communauté
et de sa religion. Car lorsque on stigmatise une religion en faisant semblant
d'exonérer ses pratiquants. Ce n'est nullement une représentation lancée
impulsivement dans le mouvement de l'ambiance.
Que Guéant ait pu
commettre une maladresse aussi flagrante comme le soulignent certains médias,
cela relève de l'incongru. Car comment expliquer cet acharnement que représente
l'Autre, le musulman à travers les différentes campagnes orchestrées par Guéant
tels que la pratique du culte sur la voie publique, les enfants d'immigrés
responsables de l'échec scolaire, la fameuse circulaire sur les étudiants
étrangers et bien d'autres. Aucune frange d'étranger n'est épargnée. On y
travaille sûrement bien en amont avec des graphiques et des analyses sous le
nez. Claude Guéant, et les autres ministres qui forment le cercle rapproché de
Sarkozy sont philosophiquement d'extrême droite, c'est un truisme qui ne
devrait plus étonner personne. En somme le triple A de la xénophobie
Quand le ministre
de l'Intérieur tente de s'expliquer sur sa petite phrase sur la «civilisation»,
il s'enfonce en précisant qu'il ne visait pas la «civilisation musulmane» mais
... «la religion musulmane». Que faut-il comprendre de cet enlisement dans des
paradoxes aussi délirants et discriminatoires. On ne peut se ranger sur les
valeurs d'une civilisation lorsqu'on se prête à un comparatisme entre les civilisations
et surtout sur l'hégémonisme de la sienne par rapport aux autres. Deux préjugés
racialistes et racistes qui ont fait tant de dégâts tout au long de l'Histoire
de l'Humanité. Et quand on fait l'apologie des valeurs de sa civilisation en
faisant fi de celle qui a tissé les liens de rapprochement entre les peuples et
qui fait le berceau de l'universalité c'est-à-dire la tolérance envers l'Autre,
c'est que quelque part on a défiguré à coups de scalpel son appartenance et son
identité. S'abreuver d'un ethnocentrisme aveugle qui a généré tant de génocides
et de malheurs pour évaluer sa civilisation, relève d'une dangereuse vision
biaisée et distordue. La tolérance est la forme la plus avancée de coexistence,
la renier c'est se placer inévitablement dans le champ de l'amalgame
discriminatoire et meurtrier du religieux et de l'identitaire.
Le ministre en
charge des Cultes et de l'Immigration continue de nourrir une vision singulière
de l'Histoire, celle qui rappelle ces gens qui se hâtaient pour voir «des
sauvages» mis en scène, venus de contrées lointaines lors des Expositions
coloniales qui fleurissaient dans toutes les métropoles occidentales.
Parallèlement, la littérature enfantine transmettait pendant des générations
une image dévalorisante du colonisé qui illustrait les bandes dessinées à
l'exemple de Babar, Tintin, mais aussi dans l'Å“uvre de Jules Verne. Le cinéma
représentait et représente en grandes pompes cette campagne d'idéalisation de
l'Å“uvre coloniale civilisatrice face à des peuples ignorants. Les massacres des
amérindiens, l'holocauste, les crimes de l'esclavage et de la colonisation, les
horreurs du nazisme et du communisme sont les conséquences qui dérivent de
cette vision assassine qui place une civilisation au dessus de l'autre.
Ce fantasme
islamophobe complaisamment entretenu et ces logiques d'infériorisation de
l'Autre entraînent inexorablement l'intolérance et la peur au lieu de la
connaissance et de la coexistence. De ce point de vue, la phrase de K.Marx,
«ils ne peuvent se représenter eux-mêmes ; ils doivent être représentés», est
toujours et plus que jamais d'actualité. Appréhender l'Autre devient alors un
enjeu de civilisation et c'est ce qu'entreprend Guéant à chacune de ses sorties
islamophobes. Serait ce un traumatisme durable où: «Les cultures les plus
avancées ont rarement proposé à l'individu autre chose que l'impérialisme, le
racisme et l'ethnocentrisme pour ses rapports avec des cultures autres.» [2]
Se complaire dans
des discours d'apocalypse en galvaudant «ses valeurs» est une posture qui prône
un retour illusoire aux comportements d'autrefois dont le bilan n'est nullement
exemplaire car, entaché de tragiques égarements et de crimes contre la dignité
humaine.
* Universitaire
Note :
[1] Edward W.
Saïd, L'Orientalisme. L'Orient créé par l'Occident, Paris, Seuil, 1997.
[2] Edward W.
Saïd a décortiqué ces mécanismes dans «Culture et impérialisme», Fayard/Le
Monde diplomatique, 2000.
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Posté Le : 16/02/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Remmas Baghdad *
Source : www.lequotidien-oran.com