Algérie

Etat de non-droit, bureaucratie (I)



Etat de non-droit, bureaucratie (I)
Cette contribution est le résultat d'une enquête sur le terrain durant ce mois d'août 2012 loin des bureaux climatisés de nos bureaucrates qui croient faussement combattre la sphère informelle en pondant des lois que contredisent quotidiennement les pratiques sociales. Lors de leurs déplacements, la majorité des responsables visitent, filmés par l'ENTV, et c'est là l'essentiel pour eux, les grandes artères des villes nettoyées en l'occasion. Messieurs les responsables, pour constater le fonctionnement concret de l'économie nationale dominée par la sphère informelle, allez au niveau de l'Algérie profonde.
Enquête sur le terrain sur la sphère informelle, août 2012 Je me suis rendu après plus de 25 années dans un endroit où par le passé se réalisaient de petites transactions à 5 kilomètres d'une grande ville. Car il faut éviter de se rendre dans les centres-villes mais aller aux alentours des grandes agglomérations et vous serez surpris... J'ai demandé à un ami qui connaît bien cette région et surtout les commerçants de m'accompagner afin de me donner de plus amples explications. Il faut, me dit-il, s'habiller simplement afin de ne pas attirer la méfiance. J'ai pu alors constater à l''il nu de profonds bouleversements sur le plan urbanistique : beaucoup plus de baraques et des centaines de grandes maisons en dur qui n'ont rien à envier aux villas d'Hydra et du Golf, avec des garages sous les habitations variant entre 400 et plus de 1.000 mètres carrés, mais avec une urbanisation anarchique. Dans ce lieu, plus de 90 % n'ont pas registre de commerce et emploient des centaines, pour ne pas dire des milliers, de personnes non assurées. Ce sont par semaine des centaines de milliards de centimes en dinars algériens de transactions qui ont été multipliés par cinq, parfois pour certains produits par dix, entre 2004 et 2012, traduisant l'importance masse monétaire en circulation depuis le lancement des programmes d'infrastructures par le gouvernement. Derrière tout cela, de gros monopoleurs. Vous pouvez tout demander, il n'y pas de pénurie : des dizaines pour ne pas dire des centaines de tonnes de ciment et de rond à béton toutes dimensions sont stockés. Pas de pénurie non plus de pièces détachées. Vous pouvez trouver de tout ainsi que certains autres produits qui connaissent des tensions sporadiques sur le marché officiel. Vous pouvez également échanger de grosses sommes en devises (euros ou dollars) en l'espace de quarante-huit heures, une opération que vous pouvez répéter plusieurs fois durant la semaine (un euro vaut officiellement 100 dinars et 145, voire 150 dinars sur le marché parallèle). «Cela n'est pas propre à cette région, nous fait remarquer un commerçant informel. Nous sommes en contact permanent avec des amis de toutes les régions. Lorsqu'il ya pénurie dans un endroit, il ya les vases communicants entre les différents marchés de la sphère informelle.» Vous pouvez aller au centre, à l'est, à l'ouest et au sud du pays et c'est le même phénomène qui tend à se généraliser. Les statistiques récentes officielles de l'ONS qui montrent que plus de 50 % de la population active est dans l'informel et que 83 % du tissu économique est constitué de petits commerçants-services en est la démonstration. L'Algérie consomme mais ne produit presque rien : 98 % d'exportation hydrocarbures et important 70 à 75 % des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées. Les statistiques du centre national du registre du commerce de juillet 2012 ont annoncé une baisse des inscriptions légales. Cela ne signifie pas une baisse du nombre de commerçants qui de plus en plus nombreux se réfugient dans l'informel. Voilà la réalité que j'ai vécue en ce mois d'août 2012. Pourquoi cette situation ' Quelle est l'essence de la sphère informelle ' La sphère informelle pose le fondement du pouvoir algérien existant des liens dialectiques entre la logique rentière et l'extension de cette sphère. Or, la base de toute économie moderne est basée sur deux fondamentaux, comme le rappelait un des plus grands économistes du XXe siècle, Joseph Schumpeter : le contrat et le crédit. Le gouvernement ne peut empêcher la pratique informelle sans imaginer des mécanismes de régulation transparents, loin des mesures autoritaires, qui est légale puisqu'il existera un contrat moral entre le vendeur et l'emprunteur, contrat plus solide qu'un contrat écrit imposé. D'ailleurs, la situation géopolitique actuelle avec la peur de tensions sociales fait, parallèlement aux versements de traitements sans contreparties productives pour calmer le front social; fait que les autorités sous la pression légalisent souvent des constructions illicites, alors que le discours officiel promet, en vain, de les éradiquer. Au niveau de cette sphère informelle tout se traite en cash favorisant la corruption, la puissance de ces lobbys ayant contraint l'Etat algérien à abroger ses décisions d'exiger le chèque pour un montant supérieur à 500.000 dinars qui devait être effectif au 2 avril 2011. Cette sphère représente la majorité des activités une surface économique dépassant les 50 % et beaucoup plus hors hydrocarbures. Les chiffres en Algérie, faute d'enquêtes précises, sont les plus contradictoires; 40 à 50 % de la masse monétaire en circulation hors banques (avec une intermédiation financière informelle limitant la politique monétaire globale de l'Etat), mais beaucoup plus si l'on inclut les transactions en nature et contrôlant 65 % des segments de première nécessité : fruits et légumes, poisson, viandes rouge et blanche et textile et cuir à travers les importations auxquels les ménages algériens dont 70 % perçoivent moins de 30.000 dinars net par mois consacrent plus de 70 % de leurs revenus. Cela ne concerne pas uniquement les catégories économiques mais d'autres segments difficilement quantifiables. L'utilisation de divers actes administratifs de l'Etat à des prix administrés du fait des relations de clientèles transitent également par ce marché grâce au poids de la bureaucratie qui trouve sa puissance par l'extension de cette sphère informelle. Cela pose d'ailleurs la problématique des subventions qui ne profitent pas toujours aux plus défavorisées, parce que généralisables à toutes les couches, rendant opaque la gestion de certaines entreprises publiques et nécessitant à l'avenir que ces subventions soient prises en charge non plus par les entreprises mais budgétisées au niveau du gouvernement après l'aval de l'APN pour plus de transparence. Les différents segments de la sphère réelle et informelle entretiennent des relations diffuses et il serait utopique de l'autonomiser. La sphère informelle, produit de la bureaucratie et de la méfiance La confiance est le fondement des échanges qui permet à une économie de fonctionner, favorisant l'accélération des échanges. Et le respect du droit évitant les instabilités juridiques permet cette confiance. L'économie mondiale actuelle fonctionne avec une multiplication des échanges sans précédent grâce à la révolution dans les domaines de l'information et des télécommunications qui permet de communiquer avec des signes, comme en témoigne l'importance des transactions boursières. C'est faute de méconnaissance des mécanismes financiers internationaux que certains responsables algériens, brandissant le juridisme, se sont enlisés dans l'affaire Djeezy où l'on ne peut empêcher une vente de tout ou partie d'une société cotée en Bourse. Qu'en sera-t-il de la filiale algérienne Nedjma dont l'autorité financière koweïtienne a accordé en ce mois d'août 2012 au groupe qatari Qtel l'autorisation de procéder à l'acquisition de la totalité des actions de l'opérateur Wataniya Telecom, détenteur de la licence d'exploitation de Nedjma en Algérie ' Appliquera-t- on le droit de préemption comme cela a été le cas de Djeezy et a-t-il été prévu dans le cahier des charges ' La confiance est fondamentale dans la pratique des affaires internationales, le droit étant rarement rétroactif sauf s'il améliore les clauses précédentes. (A suivre)


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