C'est du moins ce
qui est constaté au vu de ces structures hospitalières appelées à tort ou à
raison : Centres hospitalo-universitaires (CHU).
A part
l'Etablissement hospitalier universitaire (EHU) d'Oran, aucune structure
nouvelle n'est venue égayer la morosité infrastructurelle hospitalière dédiée à
la cure, la formation et la recherche médicales.
Amené à nous
rendre aux deux plus grands centres hospitaliers du pays par nécessité, en
l'occurrence Frantz Fanon de Blida et Mustapha d'Alger, le constat est le même.
Vieillottes bâtisses du début du siècle dernier, croissance tentaculaire et
inadaptation aux exigences de modernité. Les murs lézardés qui font face au
dispensaire « Léon Bernard » laissent voir un arbuste qui défie les lois de
l'équilibre. Et ce n'est pas tant un état d'abandon de la part du gestionnaire,
mais l'usure du matériau qui se désagrège au fil du temps. Si le CHU d'Alger a
été réalisé d'un seul tenant, il n'en est pas de même pour celui de Blida qui
connut plusieurs phases d'adaptation pour passer d'un hôpital exclusivement
psychiatrique à un hôpital général. Le genre pavillonnaire en fait un
établissement dispersé et peu fonctionnel. Les plateaux techniques d'imagerie
médicale et de biologie se trouvent à « l'air libre » tout autant que le
premier cité.
De vieux hôpitaux européens péchaient par les
défauts architecturaux, mais la mise à niveau les a alignés sur les standards
technologiques les plus récents. Le CHU Brugmann de Bruxelles,
pavillonnaire à souhait, tout en gardant son aspect muséal extérieur, a su
moderniser ses services d'hospitalisation. La jonction entre les différents
services se fait par galeries souterraines et c'est ainsi qu'il vente ou qu'il
pleuve, les hôtes sont à l'abri des aléas climatiques. Les nouveaux bâtiments
de substitution poussent à côté des anciens, et ce ne sera aucunement de la
génération spontanée, cette théorie de l'évolution qui semble recueillir
l'adhésion de nos décideurs.
Lors de notre
récente visite au service de Neurologie du Pr. Arezki au CHU de Blida, impeccable
dans la tenue des espaces aussi bien de consultation que d'hospitalisation, les
contraintes techniques sont, malheureusement, bien là. L'absence apparente
d'ascenseur, en dépit de la relative raideur de l'escalier menant au service
d'hospitalisation destiné aux dames, est incongrue dans le contexte de la
spécialité où l'invalidité physique est quasi présente. L'utilisation de splits pour la climatisation ne fait que fragiliser les
services par ces équipements individuels qui, en plus de l'excessive
consommation d'énergie, rendent vulnérable et précaire le confort induit. Le
service d'imagerie médicale, notamment la grande salle d'attente pourvue d'un
seul split poussif, n'arrive pas à calmer les esprits
surchauffés par l'attente et la canicule. L'unique accès principal oblige
l'urgence couchée à s'exposer à la vue des patients qui attendent. Un jeune
motocycliste victime d'un accident de la circulation à Damous
(Tipaza) et orienté pour subir une scannographie du crâne n'a quitté
l'ambulance qui l'aurait embarqué la veille, aux environs de 1 h du matin, que
pour subir l'examen et être réembarqué pour on ne sait quelle destination. Ses
deux accompagnateurs, excédés et abattus par le circuit emprunté depuis la
veille, crient à qui veut les entendre qu'ils ne sont pas disposés à quitter
les lieux sans s'être rassurés du sort qui sera fait de leur frère. Sans sombrer
dans l'invective, l'aîné, apparemment, se dit près à accepter la mort de son
frère au service de réanimation… mais surtout pas dans l'ambulance ! Indémontable
argument.
Le parcours sous
le soleil de plomb entre les différents services est des plus éprouvants pour
les personnes vulnérabilisées par la maladie. Les bouquets d'eucalyptus et
d'oliviers, dans un état d'abandon visible par les herbes sèches, auraient
gagné à longer les allées de circulation pour les rendre plus ou moins
ombragées. La visite à l'ancienne clinique des Orangers, plus connue sous la
dénomination « Ferroudja » et consacrée à la
chirurgie orthopédique et traumatologique, incite à la déprime. Installé depuis
fort longtemps dans des locaux inappropriés, ce service lourd lutte vaillamment
contre l'adversité. Abritée dans deux bâtiments séparés par un espace commun
exigu, cette spécialité portée à bout de bras par d'héroïques universitaires
couvre, en plus de la Mitidja,
le Haut et le Bas Chélif et une partie du Littoral ouest algérois. Le pôle
d'excellence que constituait, jadis, l'hôpital de Koléa
et qui était le premier recours de la zone escarpée du Chenoua
n'est plus que l'ombre de lui-même.
Cette
attractivité est due au statut hospitalo-universitaire de la structure en dépit
de son dénuement infrastructurel : ascenseurs obsolètes et liaisons découvertes.
Le Pr. Kara, tel un capitaine de bateau dans la houle, délivre des orientations
à l'un et à l'autre : « Tu me fais le genou d'hier… toi, occupe-toi du
calcanéum, il ne doit plus attendre ! ». Près de son rustique bureau, d'anciens
patients attendent qui une ordonnance, qui une recommandation vers un autre
service. Il interpelle lui-même ses malades pour leur remettre le précieux pli.
Le Pr. Benachour, son confrère de longue date, lui vient en aide. La
grève prolongée des médecins résidents a, apparemment, densifié la charge de
travail et obligé les enseignants eux-mêmes à s'impliquer davantage. Il faut
reconnaître aussi qu'en dehors de cette contingence, l'esprit battant du Dr Zoubir Kara, qui ne date pas d'hier, est sans aucun doute
pour quelque chose. Il nous vient à l'esprit l'accident de la route dont il fut
victime sur la route Koléa-Mazafran en 1990. De
retour d'Irak au lendemain de la première guerre menée par les USA sur ce pays,
Dr Kara aurait pu, comme ses autres confrères, prendre quelques jours de repos
réparateur. C'est méconnaître ce praticien que de croire qu'il cède sous le
chant des sirènes du farniente. A peine revenu et en plein Ramadhan, il «
enfourche » sa ludique Coccinelle et fonce vers « Ferroudja
» qui n'est, phonétiquement, pas loin de Felloudja de
la lointaine Mésopotamie. Il s'en tire avec un membre inférieur brisé et mesure,
à ce moment-là et selon son propre aveu, toute la détresse humaine que
subissent les traumatisés.
Le nouveau
service qui fait languir les usagers en général et les praticiens en
particulier tarde à surgir du néant. Lancé en 2005, le projet est achevé, complément
en construction, malheureuse l'opération d'équipement entamée, bien plus tard, semble
battre de l'aile. Les dernières informations en notre possession font état des
lenteurs bureaucratiques, d'abord dans la confection des cahiers des charges, ensuite
dans le traitement du dossier par la commission nationale des marchés publics. Les
opérateurs se plaignent du peu de cas fait aux dossiers soumis à cette instance.
Les gestionnaires de projets, cadres supérieurs pour la plupart, font
longuement le pied de grue dans l'enceinte du département ministériel en charge
de la chose pour, parfois, s'entendre dire que le rapporteur attitré du projet
fera défection par son absence. Cumulé aux précédents retards, l'ajournement ne
peut être que préjudiciable au projet dont la nécessité vitale n'est point à
justifier. Le nouveau service des Urgences médico-chirurgicales,
ultra moderne avec ses blocs opératoires et ses 35 lits de réanimation, est
dans la même veine que le précédent. Sauf que, cette fois-ci, le gestionnaire
n'est autre que l'administration du CHU.
A ce propos, peut-on
encore se complaire dans une situation où le chef d'établissement, dont on
attend depuis un an déjà la nomination, ne soit pas encore désigné ? Au nombre
de cinq (5), les établissements sans tête vivent la même situation intérimaire.
Dans les plus sombres années de sous encadrement du système de santé, aucun des
établissements sanitaires n'a connu une aussi longue vacuité dans le circuit
décisionnel.
L'établissement public hospitalier(EPH)
de Zeralda, ancienne annexe du CHU d'Alger Ouest (Beni-Messous), ancien secteur sanitaire, est cet
établissement hybride qui, en plus d'une vocation de santé publique, est
universitaire pour certains services médicaux. L'afflux que draine le service
de gynéco-obstétrique du Pr. Ayyache
est des plus intenses. Sa maternité a certainement rendu la commune de Zeralda l'une des communes les plus prolifiques
démographiquement. L'activité développée et qui ne souffre d'aucune indolence
dans la prise en charge des mères en couche est signalée par un grand écriteau
qui annonce : « Urgences gynéco-obstétricales H / 24
». Cette volonté d'assumer est à encourager et à magnifier même, quand beaucoup
de prestataires de services se murent dans l'indifférence mortifère. Le tendon
d'Achille de cet hôpital est sans aucun doute l'âge avancé du bâti en
préfabriqué. Avoisinant les 40 ans, les structures en Placoplâtre partent en
lambeaux. Le parquet, sous la pression des structures métalliques qui « bougent
», se désagrège sur de grandes plages. Le faux plafond dissimulant les gaines
techniques est béant par endroits, ce qui signe les fréquentes interventions
sur les réseaux divers. La climatisation générale est, apparemment, muette
depuis fort longtemps. Cette obsolescence précoce est du seul fait du défunt « Onep », organisme ad hoc qui a piloté le plan d'équipement
en préfabriqué du début des années 80. En ce qui concerne Théniet
El Haâd et justement Zeralda,
le choix de l'opérateur étranger s'est porté sur « Dragados
», modeste entreprise portugaise de l'époque. Que pouvait-on espérer de
l'apport technologique d'un pays à peine émergent ?
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Posté Le : 21/07/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Farouk Zahi
Source : www.lequotidien-oran.com