Algérie

Et si on parlait du suicide !



Un sujet lugubre, non ' Je le concède bien volontiers. Mais au point où nous en sommes, pourquoi ne pas parler de suicide ' Jusqu'à quel point les tabous vont-ils freiner notre épanouissement ' Si j'ai décidé d'en parler aujourd'hui, c'est parce que je sens que le moment est opportun. Puisqu'il y a nombre d'Algériens qui font le geste ultime. Parce que le désespoir est trop pénible. Insupportable. Indicible. Se suicider est un geste de désespoir. Puis le suicide est protéiforme. Il épouse plusieurs voies. Et d'autres voix. La presse en fait écho, par-ci par-là. Sans plus. Et on passe à autre chose. Et on oublie. Et on efface. Et on recommence. Exit la prévention. Exit les cellules d'écoute. Exit la pédagogie sociale. Au point où certains bigots new look leur refusent la dernière prière.Cette jeunesse, qui embarque sur de frêles esquifs, pour rejoindre une improbable terre promise, n'est-elle pas dans le tragique du suicide. Cette jeunesse, qui tente le pire, croyant trouver là-bas l'eldorado qu'elle n'a pas dans sa patrie, n'est-elle pas dans le désespoir total ' Cette jeunesse, qui subit l'exil même au-delà de la mort, n'est-elle pas dans le sacrifice suprême ' Qu'on ne vienne pas me dire que les réseaux sociaux sont les responsables de ce suicide collectif ! Comme on n'est pas en droit de me dire que les alarmistes (comme moi) sont responsables de la démission populaire ! Puis, si du haschich, herbe légalisée par ailleurs, on passe à la cocaïne, drogue dure par excellence, cela revient à faire le constat du désespoir profond dans lequel se débat notre jeunesse et de l'impasse dans laquelle se débat le pays. La situation d'un pays conditionne l'état d'esprit collectif d'une société. Et la nôtre n'échappe pas à la règle !
Il n'est pas question, dans cet espace de parole, de mettre en exergue le suicide philosophique. N'est pas Nerval qui veut ! Oh là là, je suis sur du sable mouvant. J'en ai conscience. Les bonzes, à l'époque, le faisaient. Pour défendre la paix, ils faisaient le sacrifice suprême. N'est pas bonze qui veut ! Nonobstant la sidération, le geste de l'ami, Youcef Goucem, on a eu à travailler ensemble, notamment lors des entretiens filmés avec Yasmina Khadra et Anouar Benmalek, est justement l'aboutissement d'une impossibilité à régler un contentieux comptable avec une entreprise de télévision. Vulgairement comptable, allais-je dire. Prestataire d'un service, Youcef Goucem, amoureux de son métier et de sa caméra, je l'ai vu à l'?uvre, n'a pas perçu ce qui lui était dû. Ceci explique son geste désespéré. Je veux exprimer, ici, l'impuissance de notre société à protéger les siens. Oui, c'est de cela qu'il s'agit. Notre société ne protège pas les siens. Et les détenteurs du pouvoir et/ou du capital en profitent pour placer l'irresponsabilité et le mépris comme règles de gestion. Dans mon impuissance totalitaire, je pose la question : qui est responsable de la mort de Youcef
Goucem ' Ce spécialiste de la pellicule s'est immolé. Comme les bonzes lors de la guerre du Viêtnam. Une nouvelle forme de suicide chez nous. En plus de la harga. En plus de la pendaison. En plus de l'acide. A croire que toute l'Algérie est en train de se suicider. C'est à peine si j'exagère. Youcef Goucem était un ami. Qui lui rendra justice ' L'entreprise concernée va remettre un chèque à sa famille. Ça ne rachètera jamais le sacrifice de Youcef Goucem. Il n'y a pas de morale à tirer. Ou du moins, que chacun tire la morale qu'il veut. Je fais mien ce souhait que plus jamais une telle affaire ne viendra entacher notre société. Paix à ton âme, Youcef !
En été, les scorpions font leur sale boulot. Sur nos routes, les chauffards font leur sale boulot. En hiver, le monoxyde de carbone fait son sale boulot. On fait le décompte macabre, et on passe à autre chose. Qui doit réagir, nom d'un chien ' Je vous pose la question. Qui est responsable ' Il y a bien quelque part un responsable. Moi, je sais. Ce ne sont pas les réseaux sociaux. Ce sont les chauffages eux-mêmes. Oui, les chauffages font dans la déconne. Là, je suis d'accord avec ce constat. Si les appareils ne déconnaient pas, il n'y aurait aucune victime. C'est vrai, non ' Qu'attend la puissance publique pour arrêter ces assassins ' Il faut les arrêter. Les menotter. Et les traduire en justice pour homicide volontaire. Ah, il n'y a pas dépôt de plainte. Faute de plaignants. Puisque les plaignants ne peuvent plus se plaindre. Par la faute des appareils de chauffage. A moins de revenir à l'ancien système du kanoun. Ou de ne pas se chauffer du tout. Tiens, c'est la meilleure solution. Eviter de se chauffer. Donc éviter le contact avec les chauffages. Ainsi, on aura évité le monoxyde de carbone. Comme il faut éviter le contact avec les scorpions en été. Et comme il faut éviter de sortir son tacot du garage (pour ceux qui en ont un). Quelque part, il y a comme non-assistance à personne en danger. Et tant que ces tueurs en série seront en action, il faudra sans cesse appeler le médecin légiste.
Que vais-je encore dire des prochaines élections ' Il y a des choses à dire, bien sûr. Des candidats à la candidature ' Ceux qui retirent les formulaires. Et qui font la chaîne pour ça. D'aucuns ont fait des gorges chaudes contre ces Algériens qui rêvent d'être président de la République. Pourquoi pas ' Chacun dispose des rêves qu'il veut. Rêver d'être président de la République, pourquoi pas ' Il n'y a pas de diplômes à présenter, me semble-t-il. Il faut juste gagner la confiance de l'urne. C'est tout ! Personnellement, je soutiens tous ces Algériens qui ont, d'ores et déjà, retiré les fameux formulaires. Je leur souhaite de passer tous les obstacles. Je voudrais les voir en campagne électorale. Qu'ils nous présentent leur programme. Qu'ils disent l'Algérie. Qu'ils disent leurs rêves. Qu'ils disent leurs espoirs. Pour peu qu'ils nous proposent une autre république. Qu'ils réinventent l'Algérie. Oui, une deuxième république. Qu'ils réinvestissent dans la dignité humaine. Qu'ils arrêtent la corruption. Qu'ils arrêtent le clientélisme. Qu'ils arrêtent la hogra. Qu'ils fassent rêver l'Algérien. Qu'ils me fassent rêver. Qu'ils aillent au bout de leurs espoirs. Qu'ils s'appellent Moh, Kaddour, Dahmane, Akli, Fatma, Leuldja, Hedda ou Saci, peu importe ! L'essentiel, c'est que l'Algérien se sente algérien dans son Algérie. Que l'Algérien se sente fier d'être algérien. Ce jour-là, on cessera de penser suicide !
Y. M.


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