Algérie

Et si Matoub était encore en vie ' Point de vue



Et si Matoub était encore en vie '                                    Point de vue
Toute la Kabylie aura une pensée particulière pour le Rebelle, à l'occasion de l'anniversaire de son assassinat le 25 juin 1998. Il est évidemment navrant que cette date symbolique, toute comme celle du 20 avril commémorant le Printemps berbère, ne soit pas accompagnée de festivités à la hauteur de ces événements marquants. Lounès, comme l'appellent encore familièrement ses milliers de fans, notamment les étudiants qui portent haut et fort ses combats émancipateurs en imprégnant la région des idéaux pour lesquels il s'est vaillamment battu.
Grâce à leurs actions et celles de nombreuses franges de la population acquises aux justes causes qu'il avait énergiquement défendues, les messages véhiculés par son riche répertoire de chansons engagées ont réussi à pénétrer aussi bien les c'urs que les foyers de plus en plus nombreux à se délecter de ses poèmes exprimant le malaise existentiel du peuple algérien dans son ensemble et des populations berbérophones en particulier.
Cependant, beaucoup de questions ne cesseront jamais de tarauder l'esprit de ses admirateurs qui respectaient sa mémoire depuis 1998. Et si Matoub était encore en vie ' Une question qui revient de façon récurrente, à chaque fois qu'un important événement affectant le pays ou la région nécessite une prise de position digne et courageuse. Les idéaux ouvertement défendus par Matoub faisant largement consensus, les positions de riposte à adopter, notamment par les populations de la région, ne souffraient d'aucun clivage partisan comme c'est, malheureusement, le cas, aujourd'hui.
Quand il drainait les foules au début de sa carrière, à la fin des années soixante-dix, personne ne prenait pourtant au sérieux ce montagnard qui faisait peu cas des apparences et ne craignait pas de bousculer les habitudes et l'ordre politique établi. La sincérité du combat identitaire par lequel il se distinguera barrera la route à ceux qui en avaient fait un fonds de commerce et un tremplin pour des carrières politiques. Merveilleusement inspirés et écrits dans la pure syntaxe du terroir, ses poèmes feront beaucoup progresser la culture berbère qui lui doit la mise au goût du jour de nombreux mots et expressions qui seraient, sans lui, tombés dans la désuétude. Ses textes portés par une voix chaude et des rythmes musicaux dignes des plus grands maîtres du chaâbi sont appréciés aujourd'hui plus aussi bien pour leurs contenus sémantiques que pour la beauté des mélodies.
Ses positions hostiles aux hordes du GIA et des gouvernants en place avaient failli lui coûter la vie à plusieurs reprises avant qu'un odieux attentat terroriste lui ôte la vie en cette fatidique journée du 25 juin 1998 dans la localité de Oued Aïssi (25 km à l'est de Tizi Ouzou).
Quatorze ans après cet assassinat, dont la Kabylie porte aujourd'hui encore le traumatisme, la justice n'est toujours pas parvenue à élucider les circonstances précises de l'assassinat et, encore moins, à identifier les véritables auteurs et commanditaires du crime. Les condamnations à 12 années de réclusion pour complicité d'assassinat et appartenance à un groupe terroriste, prononcées à l'encontre de présumés coupables Malek Medjnoune et Abdelhakim Chenoui, qui avaient déjà purgé cette peine en détention préventive, n'ont, à l'évidence, pas du tout satisfait la partie civile et encore moins les Ligues de défense des droits de l'homme locales et internationales, à commencer par la plus influente d'entre elles, Human Rights Wach (HRW), qui a adressé au gouvernement algérien le 18 juin un communiqué dans lequel elle conteste le jugement expéditif (il n'a duré qu'une journée) au bout duquel les présumés coupables avaient été condamnés à l'équivalent des années de détention préventive auxquelles on les avait astreints durant 12 années.
Le verdict a évidemment ouvert la voie à toute sorte de rumeurs et suspicions quant à la rigueur de l'instruction judiciaire et au verdict qui en avait résulté. Un malaise qui, évidemment, s'ajoute au traitement réservé au drame national qui rend aujourd'hui difficile la construction d'un minimum de consensus autour de questions centrales. Seule une volonté politique forte déteignant positivement sur la conduite des affaires judiciaires serait de nature à rendre crédible ce type de jugement et faire taire définitivement les rumeurs quant à l'objectivité des instructions et verdicts judiciaires. Nous en sommes malheureusement encore bien loin.
Djamila Fernane. Post-graduante à l'université de Tizi Ouzou


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