Algérie

Et maintenant ? Ben Ali en Arabie Saoudite, par la petite porte de l'histoire: La Tunisie face au climat de chaos



Un président «laïc» en fuite qui ne trouve d'asile que chez la très intégriste Arabie Saoudite; un régime qui essaie de sauver les meubles en usant d'un artifice pour transférer les pouvoirs de Ben Ali à son fidèle Premier ministre Mohamed Ghannouchi et, quelques heures plus tard, un Conseil constitutionnel qui invalide la manÅ“uvre et remet la Tunisie sur les rails de la Constitution. Les évènements s'accélèrent en Tunisie. Une transition démocratique est en vue mais le plus urgent est de faire face au climat de chaos que des franges délinquantes du système Ben Ali, tentent d'instaurer, en Tunisie.

Il a fui. Honteusement, en catimini. Par la petite porte de l'histoire. Il partait vers Paris qui l'aura aveuglément soutenu jusqu'à sa chute et qui, après coup, a dit se tenir aux côtés du peuple tunisien. Ben Ali est soudain, devenu indésirable en France. Ce grand «rempart» de la civilisation contre les islamistes, loué par tous les présidents français, a perdu. Paris l'a lâché, tardivement, quand il était déjà fini. La France tente désormais, de courir après des évènements qui n'ont cessé de lui échapper… Les Etats-Unis ont eu plus de flair en prenant leur distance à temps et en sermonnant l'ambassadeur tunisien après les premiers actes de répression qui ont suivi l'immolation du jeune Bouazizi. Barack Obama peut, de manière plus confortable que le président français, saluer le «courage et la dignité» du peuple tunisien, après la fuite du président Zine El-Abidine Ben Ali. «Nous nous souviendrons longtemps des images du peuple tunisien cherchant à faire entendre sa voix», a-t-il affirmé, avant d'encourager «toutes les parties à maintenir le calme et à éviter des violences». Ben Ali, le grand «laïc», le «rempart» contre l'islamisme n'a finalement trouvé aucun pays d'accueil, hormis la très islamiste Arabie Saoudite. Il y est arrivé de nuit après un long périple et où il a, au passage, embarqué son épouse, Leila Trabelsi, qui se trouvait à Dubaï. Un communiqué du palais royal saoudien a annoncé, dans la nuit, que le «gouvernement saoudien a accueilli le président Zine El Abidine Ben Ali et sa famille dans le royaume» et ce, «en considération pour les circonstances exceptionnelles que traverse le peuple tunisien».

Pendant que le président en fuite se cherchait un asile en méditant, peut-être, sur la versatilité des «indéfectibles soutiens» européens, ses collaborateurs tentaient, à Tunis, une manÅ“uvre en organisant une transmission du pouvoir présidentiel au fidèle serviteur de Ben Ali, depuis les années 90, Mohamed Ghannouchi.

Une manÅ“uvre contrée par le Conseil constitutionnel

Le Premier ministre a lui-même annoncé qu'il assumait ce pouvoir en invoquant un «empêchement temporaire» du chef de l'Etat afin de faire jouer l'article 56 de la Constitution. Ce qui permet d'exercer le pouvoir du président sans aller vers des élections. La démarche a fait hurler les juristes et a poussé l'opposition tunisienne à dénoncer une tentative du régime de voler aux Tunisiens leur révolution démocratique. Mohamed Ghannouchi s'est endormi président, mais au matin, le Conseil constitutionnel a remis les pendules constitutionnelles à l'heure. Il a de facto mis fin à la manÅ“uvre en déclarant une vacance du pouvoir. Il ferme ainsi la voie à un retour de Ben Ali que l'invocation de l'article 56 laissait possible et fait jouer, logiquement, l'article 57 qui dispose qu'en «cas de vacance de la Présidence de la République, pour cause de décès, de démission ou d'empêchement absolu», et une fois celle-ci constatée par le Conseil constitutionnel, le président de la Chambre des députés est «immédiatement investi des fonctions de la Présidence de l'Etat par intérim, pour une période variant entre quarante-cinq jours au moins et soixante jours au plus». Les tenants du régime ont tenté le subterfuge juridique de l'article 56, afin d'éviter une élection trop rapide - dans les soixante jours – qui, dans le climat actuel, ne peut que leur être défavorable. La tentative a échoué. Le Conseil constitutionnel a rejeté une manÅ“uvre qui a provoqué, en dépit de l'état d'urgence, des débuts de manifestations hostiles à Mohamed Ghannouchi. Tel que le prévoit l'article 57, le président du Parlement tunisien, Foued Mebazaa, a été proclamé samedi, président par intérim par le Conseil constitutionnel.

Des gangs violents cherchent le chaos

C'est légalement fini de la présidence de Ben Ali, ainsi que celle de Ghannouchi, qui n'aura duré que quelques heures. Celui-ci devait rencontrer des dirigeants de partis d'opposition - Forum démocratique pour le travail et la liberté, le Parti démocratique progressiste et l'Ettajdid - pour tenter de former un gouvernement d'union nationale. «Nous avons discuté de l'idée d'un gouvernement de coalition et le Premier ministre a accepté notre requête d'avoir un gouvernement de coalition», a déclaré Moustapha Ben Jaafar, du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL), à l'issue de premières consultations. «Demain (dimanche), il y aura une autre réunion avec l'objectif de sortir le pays de cette situation et d'obtenir de véritables réformes. Les résultats de ces discussions seront annoncées demain (dimanche)». Si les tractations pour une transition démocratique semblent s'amorcer - certains évoquent une Constituante - le plus grave risque pour le processus en cours est sécuritaire. Des gangs violents qui seraient, selon des opposants, liés au régime de Ben Ali profitent de la situation pour essayer de créer le chaos et de se livrer au pillage. L'évènement le plus grave a eu la ville de Monastir pour théâtre où 42 prisonniers - le bilan est provisoire - ont péri dans l'incendie d'une prison. Le feu se serait propagé lorsqu'un détenu a mis le feu à un matelas, dans un dortoir hébergeant près de 90 détenus, lors d'une tentative d'évasion qui a tourné à la panique, en raison de coups de feu tirés près de la prison. A Messadine, dans la même région, au moins une vingtaine de femmes ont été blessées par des éléments incontrôlés, habillés en policiers, qui se sont emparés d'armes dans la ville voisine de Msaken avant de répandre la rumeur sur une fausse libération de prisonniers. A Tunis, des pillages et des destructions ont eu lieu dans la nuit, attribués le plus souvent à des partisans du président déchu. Rétablir l'ordre et la sécurité est une priorité absolue pour une révolution qui a déjà mis à bas le tyran.




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