Algérie

Estomaqués



Estomaqués
«En cas de guerre, en cas de crise ou de victoire de la Gauche», image allégorique aidant, ainsi le chanteur Renaud fustigeait ceux parmi le peuple français qui vidaient les supermarchés de leur contenu par crainte de l'avènement des communistes au cas où, du temps du giscardisme, la France virerait au rose.C'est aussi cette image pour le moins surréaliste qu'a renvoyé hélas le premier jour du Ramadhan à travers les villes algériennes. Des foules se ruant sur les étals et achetant tout et n'importe quoi sans aucun regard pour les prix, voire même affichant un mépris pour ceux qui ergotaient ou tentaient de connaître le coût d'un produit.Etrangement au deuxième jour cette fièvre est tombée mais d'une manière phénoménale comme si tout ce qui s'était passé la veille n'avait été qu'une espèce de cauchemar. Travées de marchés libérées, plus de cohue dans les commerces de boucherie, lait en sachet disponible alors que vingt-quatre heures auparavant les gens se sont levés aux aurores pour en récupérer directement de la chambre froide sans laisser le temps au livreur de déballer sa livraison. Tristes scènes qui érodent gravement la dignité humaine, confirmant de fait toutes les dérives d'une société qui semble avoir fait du consumérisme son idéologie, encouragée en cela par l'incompétence d'une brochette de ministres qui s'épanchent à longueur de journées dans les médias pour dire tout le contraire d'une réalité qui leur échappe et pour cause ils ne la vivent pas. Pis encore, pour mentir, le mot n'étant d'ailleurs pas assez fort pour mieux imager la nature du décalage qui existe entre gouvernants et gouvernés, voire entre patriciens et plébéiens d'un pays orphelin de repères de toute modernité.Le fameux Syrpalac, une espèce de grenelle algérien de la bouffe mis en place chaque fois une année lumière à l'avance par rapport au rendez-vous annuel immuable qu'est le mois de Ramadhan, n'a jamais fonctionné que sur le papier. Plus grave toutes les viandes rouges et blanches importées dans le cadre de cette très pâle copie d'un plan Marshall boiteux ont été détournées par les spéculateurs, non sans l'aide de relais un tantinet officiels, se sont retrouvées en grande partie sur le marché, en dehors des circuits très officiels aussi, et, comble du paradoxe, écoulées au prix de produits frais et surtout locaux. Au même mois de juillet 2009, le ministre de l'Agriculture concédait déjà que «'la réussite de ce système repose également sur d'autres paramètres, notamment le comportement et les réactions des intervenants à travers les différents niveaux». Un aveu d'échec annoncé en somme mais jamais assumé.Au deuxième jour d'un mois, lequel n'est plus sacré que par ses soirées et la démesure amplifiée d'année en année dans ce qu'il innove en situations paradoxales, un retour au calme, peu probable à imaginer et encore moins à prévoir, mais qui n'est en fait qu'une accalmie passagère en attendant la consommation des stocks réalisés par les ménages, la fin du mois et la perception des salaires qui coïncidera avec le milieu du mois de Ramadhan, une pause sacrée (encore) que consacreront à nouveau de folles dépenses et, par voie de conséquence un affolement du marché. Enfin et surtout la fête de l'Aïd parachèvera l'hallali dont une ambiance et décor felliniens.Rien n'expliquera les distances prises par des gens au demeurant normaux, lucides habituellement en d'autres circonstances pour ne pas dire sur l'ensemble de l'année, comme rien n'expliquera l'aplomb qu'auront bien des membres du gouvernement d'évoquer pour les uns «une conjoncture
maîtrisée grâce aux prévisions, la disponibilité sans faille des produits, la vigilance des contrôles et la traque ininterrompue de la spéculation'» et pour les autres «une période de miséricorde durant laquelle tous les croyants se sont mis au diapason des commandements de Dieu».«En cas de guerre, de crise ou de victoire de la gauche», chante donc Renaud. Heureusement l'Algérie n'est pas en guerre mais c'est tout comme, l'Algérie n'est pas en crise, la question mérite d'être posée à son peuple qui détient la réponse, victoire de la Gauche, encore eut-il fallu qu'il existe un microcosme politique pour en parler et pour faire une comparaison.
A. L.


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