Algérie


Essai
Voilà un livre que devrait consulter tout étudiant en sciences de la communication, en journalisme et en histoire comme tout passionné ou spécialiste de l'histoire de l'Algérie et, notamment de la période de la guerre d'indépendance*.Sébastien Denis, maître de conférences en cinéma à l'Université de Provence, a mis à jour un immense patrimoine filmique dont on connaissait l'existence, mais dont on ne soupçonnait pas l'importance. Entre 1945, que l'auteur considère comme «origine du conflit», jusqu'à la proclamation de l'indépendance, le cinéma a constitué une arme de propagande énorme. Sébastien Denis s'est penché avec attention sur la manière dont l'Etat français a utilisé le cinéma dans sa volonté radicale de poursuivre et de maintenir sa domination en Algérie, produisant de très nombreux courts métrages documentaires, dits «films d'information» ainsi que quelques fictions.L'auteur a fouillé tous les fonds disponibles, visionnant des centaines de films, consultant les notes associées aux tournages ou diffusions. Un travail titanesque qui lui permet de décrire par le détail l'ensemble des structures civiles (dont des compagnies de production privées commanditées) et militaires engagées dans cette gigantesque opération de justification de la présence française, de glorification de son ?uvre et de son armée et, bien sûr, de dénigrement de l'ennemi.La médiocrité de cette production saute aux yeux du chercheur : «C'est que nous sommes, avec ce cinéma d'Etat, face à une vaste production civile et militaire de propagande dans laquelle l'esthétique est toujours dépendante du discours». Un discours répétitif, voire simpliste qui néglige la puissance de l'image et donne aux commentaires en voix off la prééminence. Cette démarche amène les exécutants (réalisateurs, cadreurs) à refléter à tout prix le discours dominant. «Les sociétés, affirme Sébastien Denis, font tout pour satisfaire le commanditaire, n'hésitant pas à forger ou à pérenniser des clichés sur l'Algérie».En effet, on doit absolument mettre en opposition l'Algérie «d'avant» et «l'Algérie moderne forgée par les Français». Après une présentation et une analyse de «la production civile sous influence», Sébastien Denis consacre un chapitre au cinéma militaire et à ses liens avec la guerre psychologique.Le troisième chapitre s'intéresse aux «images et discours» et souligne tous les fondements de l'idéologie colonialiste et ses applications à l'écran. On découvre comment les films produits pour conforter l'image de l'armée française, servent également en interne pour «contrôler la troupe». L'auteur montre aussi les évolutions de ce cinéma de propagande à différentes phases de la guerre et sous l'effet de phénomènes tels que l'internationalisation du conflit et l'apparition de la télévision. Le livre comprend enfin deux CD d'une richesse exceptionnelle qui permettent de voir ce que l'on lit. Sébastien Denis, «Le cinéma et la guerre d'Algérie ; La propagande à l'écran des origines du conflit à la proclamation de l'Indépendance (1945-1962)», Editions Sédia, Alger, 2013. 506 pages.




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