Plus de 80 détentions, la plupart à Madrid, Barcelone et Séville et des
mots d'ordre qui oscillent entre exigence de rectification et exigence de
démission...
« Le Gouvernement doit abandonner ce mauvais chemin qu'il a pris et qui
porte préjudice à la société», clamait au départ de la grande manifestation de
Madrid, le secrétaire général de l'Union général des travailleurs, Candido
Mendez, immédiatement relayé par son alter ego des Commissions ouvrières,
Ignacio Toxo. Les deux leaders syndicaux insistent sur le succès de la grève.
Ils avancent le chiffre de 70% de suivi.
Le Gouvernement, par la voix du
ministre du Travail, Celestino Corbacho, évite, pour aujourd'hui, toute
polémique sur les chiffres: on ne peut inviter les syndicats au dialogue à
partir de demain et leur chercher délibérément la petite bête aujourd'hui… Il
se contente, donc, de souligner la faible participation parmi les employés de
la fonction publique et le fait que les services minimaux aient été dans une
grande mesure respectés.
Peugeot, Renault, Ford, Seat, les
chantiers navals, le secteur industriel aura fait les frais de la grève
générale convoquée ce mercredi par les grandes centrales syndicales espagnoles,
rejointes par la plupart des autres syndicats. Avec des exceptions notables
cependant, celles des syndicats basques ELA et LAB. Le refus de ces syndicats
régionaux de se joindre à la grève a largement réduit l'impact de celle-ci au
Pays basque et, également, en Navarre. C'est ainsi qu'alors que les chantiers
navals et les installations portuaires de Galice ou encore des Asturies ont été
fortement perturbés, les ports de Bilbao et de Pasai (San Sebastian) ont
fonctionné normalement. Un divorce qui s'est déjà fait noter, ces dernières
semaines, dans la négociation sur la métallurgie.
Autres points chauds, les grandes
halles centrales des grandes villes où des heurts ont eu lieu à l'aube, heure
de grands mouvements de marchandises.
Il est à relever que les secteurs
qui n'ont pas rejoint massivement la grève sont précisément ceux qui au cours
des derniers mois ont pu avoir engrangé de sérieux griefs contre les syndicats:
les fonctionnaires qui ont vu leurs salaires baisser de 5% sans une véritable
protestation des grandes centrales syndicales ou encore, dans le cas de Madrid,
les employés du métro, majoritairement affiliés à un syndicat sectoriel, qui
ont mené en juin une grève très dure soutenue du bout des lèvres par l'UGT et
Comisiones Obreras. Le cas des travailleurs de la restauration et l'hôtellerie,
aux emplois très précaires, constitue un cas à part
En arrière-plan, un autre divorce...
Les artistes, techniciens et professionnels du spectacle sont allés plus
loin que la simple «expression du soutien» à la grève: à Madrid aucun grand
théâtre n'ouvrira ses portes ce soir. Sur la place Santa Ana, aux portes du
Théâtre espagnol, mardi soir, les artistes et assimilés ont organisé un meeting
de soutien à la mobilisation contre les mesures d'austérité en général et
contre la réforme du marché du travail impulsée par le Parti socialiste. Au
Théâtre Royal, une oeuvre de Brecht qui se conclut par un grand déploiement de
pancartes… rageusement actuelles.
Des tournages ont été
volontairement interrompus pour appuyer la grève. Le réalisateur Pedro Almodovar
a donné journée libre à tous les artistes, techniciens et petites mains et
s'est officiellement déclaré en grève… Et dire qu'il y a seulement deux ans, ce
même Almodovar et la plupart des grands noms du septième art, de la scène et de
la chanson espagnole avaient fait campagne pour Zapatero!
«Los artistas de la ceja», c'est
ainsi que la presse de droite les avaient alors baptisés, eux qui dans un geste
d'identification à José Luis Rodriguez Zapatero apparaissaient sur les spots
socialistes avec le doigt plié au-dessus de l'oeil, en allusion aux sourcils en
accent circonflexe du président du Gouvernement.
La désaffection s'est installée
au fil des mois… nourrie de désillusions diverses allant de la perplexité
devant le changement d'attitude face à certains dossiers internationaux, tels
que la question sahraouie, à la gestion de la crise économique, aux remises en
question d'acquis sociaux. Une distanciation telle qu'une des chefs de file de
ce groupe de partisans de Zapatero, l'actrice Pilar Bardem, dans un brusque
mouvement de colère avait interdit aux journalistes de continuer à évoquer ce
soutien un temps donné à Zapatero. Rappelons que son fils, le désormais
internationalement connu, Javier Bardem, s'est lui pleinement engagé dans le
soutien au peuple sahraoui…
En perdant cet appui, ou en le
voyant fondre comme neige au soleil, le président voit disparaître une des plus
importantes bases de sa stratégie médiatique. Grand coup porté à l'image
patiemment forgée Zapatero-ancrage socialiste, défense des acquis de l'Etat, du
bien-être, modernité, soutien au resurgissement de la Mémoire historique.
Et maintenant, les syndicats !
Tout bascule dans la nuit du sept au huit mai dernier: jusque-là, en
dépit des grincements de dents des bases syndicales, les leaders des centrales
restaient persuadés que l'essentiel ne serait jamais remis en cause tant que
José Luis Rodriguez Zapatero resterait à La Moncloa.
La courbe des demandeurs d'emploi
grimpait, grimpait, grimpait jusqu'à frôler les 20% (et même les dépassait
disent certains experts en rappelant les «trucs»pour arranger les chiffres…
mais passons). Les grands syndicats ne bougeaient pas. Une table de
négociations réunissait syndicats et patronat avec le Gouvernement pour arbitre
depuis plus d'une année et menaçait de devenir permanente. Un wait-and-see
inconfortable mais supportable, dans l'attente d'une reprise des économies
locomotives d'Europe: «cela entraînerait l'économie espagnole» se murmurait-on
à Madrid.
Mais, voilà, la crise grecque
vient donner un coup de pied dans la fourmilière. Il faut bouger, il faut
donner des gages aux marchés financiers internationaux et, en pleine présidence
espagnole de l'Europe, il est impératif de prendre les mesures les plus
impopulaires qui soient.
En cette nuit de mai, le rouleau
compresseur se met en marche: le gouvernement prend les commandes, passe outre
les rounds de négociations syndicats-patronat. Une pluie de mesures d'austérité
tombe drue sur la table des leaders syndicaux: réduction de 5% des salaires de
tous les fonctionnaires, gel des pensions pourtant garanties par la loi, et
réforme du marché de l'emploi allant en grande mesure dans le sens de la
facilitation des licenciements et de la réduction de leur coût. Les leaders
syndicaux cèdent devant leurs bases mais sans heurter de front le Gouvernement
: au lieu d'une grève en mai ou en juin, à chaud, ils optent pour le 29
septembre, quatre mois après... La réforme est votée entre-temps...
Aujourd'hui, Zapatero dit possibles des modifications mais bien évidemment pas
l'abrogation.
Le 30 septembre, le réveil ne
peut être qu'étrange : la grève a été bien moins mal suivie que prévu mais elle
aura servi à quoi? Une grève faite, trop tard, pour protester contre une
Réforme du marché du travail qui de l'avis de tous les experts ne va pas créer
l'ombre d'un poste de travail. En 2011, le chômage continuera à grimper,
grimper, grimper.
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Posté Le : 04/10/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Iman Ouenzar - Madrid
Source : www.lequotidien-oran.com