Algérie

Escale dans le no man's land


Que M. Nicolas Sarkozy, président de la France, commence sa visite maghrébine éclair à Alger ou à Rabat, voire à Tunis, avait-il une importance particulière ? Raisonnablement non, mais il semblerait que cela soit d'une importance « vitale » dans les hautes sphères de la politique des pays de la région. Commencer par Alger serait « vexant » pour Rabat et cela a abouti en définitive à l'annulation de la visite du président français au Maroc. On ne badine pas avec le protocole, même si, côté marocain, on insiste lourdement sur « l'excellence » des relations. Sarkozy commençant sa visite par Rabat aurait-il été froissant pour Alger ? On espère sincèrement que non et que la « primauté » n'est pas là. Mais il est à craindre que les questions de pure forme prennent une importance démesurée dans un Maghreb en panne, où tout devient prétexte à une dérisoire compétition. Plutôt que ce genre de compétition mal placée, on aurait aimé entendre nos responsables maghrébins donner leur sentiment sur la proposition faite par Nicolas Sarkozy de « création d'une Union méditerranéenne, sur le modèle de l'Union européenne (UE), pour les pays de la Méditerranée ». Ne peut-on pas constater tristement que c'est une proposition concernant des pays d'une entité politique et économique qui existe, l'Union européenne, à des pays du « Maghreb », une entité qui n'existe pas ? Et que l'on semble vouloir intégrer dans un mécanisme pour réaliser ce qu'ils sont incapables de faire depuis des décennies, malgré une évidente aspiration de leurs peuples ? Tout cela rend encore plus légère cette histoire d'ordre de passage de Nicolas Sarkozy. Si Alger considère cela comme une « victoire », cela serait affligeant. Tout aussi affligeant que si Rabat y voyait un quelconque affront. En vérité, cela traduit surtout une triste légèreté maghrébine qui, fort heureusement, reste bien confinée dans les sphères politiques. Car, on peut le parier, les citoyens marocain et algérien lambda sont loin, très loin, de ces émois pour des petites escales du président français où l'on parlera du business habituel, qui fonctionne avec ou sans visite. Alors, à l'échelle des importances, on est enclin à considérer que la semaine commerciale algérienne qui vient de se dérouler au Maroc est plus importante, même si nos médias ne lui ont pas accordé beaucoup d'importance. Non pas qu'elle va chambouler le glacis des relations algéro-marocaines - ce serait trop beau ! - mais parce que cette semaine commerciale, toute banale, nous rappelle combien est coûteuse l'absence du Maghreb. Elle nous rappelle qu'on a beaucoup à faire entre nous sans attendre les incitations extérieures. Elle nous indique surtout que le commerce entre nos deux pays ne devait pas être une affaire de semaine mais une affaire de tous les jours. Voilà qui nous éloigne déjà de l'escale de Sarkozy et nous rapproche de cette longue escale dans le no man's land où erre sans fin l'idée maghrébine. La seule bonne idée - avec la démocratie -, même si on se répète.
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