Equipe

«Se réunir est un début, rester ensemble est un progrès, travailler ensemble est la réussite.» Henry FordJe ne commettrais pas le sacrilège, mon cher Benny, de privilégier un poste de travail par rapport à un autre dans une équipe qui peut compter jusqu'à plusieurs dizaines de métiers, tous aussi utiles et aussi nécessaires les uns que les autres. C'est cela qui fait la caractéristique du travail du cinéma: un travail collectif où chaque compétence compte.Bien sûr, en regardant les génériques fleuves des films américains produits par Hollywood, on demeure sidéré devant le nombre d'intervenants dans une production dont le budget est supérieur à celui d'une entreprise nationale de communication de chez nous. C'est cette formidable division du travail qui a entraîné une spécialisation poussée de chacun qui a fait que le résultat technique est sans bavures. Le scénariste ou l'adaptateur, le gagman, le dialoguiste, le régisseur et son équipe, le décorateur et son équipe, le directeur photo et ses assistants, les éclairagistes, l'ingénieur du son, le perchman, les machinistes, les maquilleuses, les scripts, les accessoiristes..., tout ce monde qui donne vie au plateau de tournage agit sous la direction d'un bonhomme qui, bien qu'entouré, vit une angoissante solitude.Dans les pays où le cinéma est une industrie comme l'automobile, il paraît que même le découpage technique arrive tout préparé au réalisateur qui n'a plus qu'à faire le dépouillement avec ses collaborateurs. On est bien loin du folklorique artisanal dont doit faire preuve celui qui a traîné sous son bras, pendant des mois ou des années, un projet qui a occupé ses nuits et ses jours. Je ne te ferais pas l'injure de te rappeler les noms de ces martyrs qui ont dû faire toutes les officines pour obtenir le sésame qui leur permettra de concrétiser leur vieux rêve. Pas plus que je ne te ferais revisiter la vaste galerie des réalisateurs qui ont peuplé le microcosme culturel: ceux qui étaient attachés à la nomenklatura et qui ont bénéficié de toutes les attentions du système, ceux qui ont dû opérer de véritables embuscades pour glisser leur projet dans un vaste plan de commémoration d'un événement culturel sans lendemain, comme je te rappellerais ceux pour qui l'unique film ne fut que leur chant du cygne...Comment définir le réalisateur' Il y a tellement de variétés de réalisateurs qu'on n'hésiterait pas à paraphraser Zola en disant qu'il y a autant d'espèces de réalisateurs que d'espèces animales.Il échappe à toute définition, il y en a de tous les caractères. Il y en a qui sortent des grandes écoles ad hoc et qui font leur petit bonhomme de chemin dans les chemins tortueux de la production. Il y en a qui atterrissent là par le plus pur des hasards, font un film qui a plu et continuent à en faire, tellement l'ambiance du travail qui n'est jamais la même leur plaît. Il y en a qui sont passés par le cirque, les planches du théâtre et ont osé franchir le pas. Il y en a qui ont été comédiens de théâtre, de radio. J'en connais même qui ont été chanteurs. Ne parlons pas de ceux qui ont, des années durant, hanté les salles obscures ingurgitant des films et assimilant, consciemment ou inconsciemment, les techniques de narration cinématographique et la technique tout simplement. Il y en a qui sont arrivés là par piston, parce qu'ils ont eu un frère, un beau-frère ou un tonton qui a occupé, un moment, un poste important qui leur a permis de s'insérer dans le circuit. Il y en a qui ont commencé à gravir les échelons normalement: ils ont commencé par acheter des sandwichs au réalisateur et à l'équipe, sont devenus assistants-réalisateurs puis réalisateurs. Il y en a qui sont passés de la plume à la caméra: journalistes ou écrivains ont essayé de toucher la grande masse «d'ilotes» au moment où le livre est dédaigné au profit de l'écran, grand ou petit. Mais tous ont une chose en commun: le désir de raconter une histoire.Et tous doivent jouer le rôle de la locomotive de l'équipe, lourde ou légère qui fera le film.