Algérie

Entretien avec le ministre de l’énergie et des mines Youcef Yousfi


Entretien avec le ministre de l’énergie et des mines Youcef Yousfi
A l’occasion de la célébration du 41ème anniversaire du recouvrement de la souveraineté nationale sur le secteur des hydrocarbures et à quelques mois du cinquantenaire de l’indépendance de l’Algérie, comment voyez –vous , Monsieur le ministre, ces deux dates historiques et comment jugez-vous la contribution du secteur de l’énergie et des mines au développement socio-économique du pays ? L’Algérie fêtera cette année le 50ème anniversaire de son indépendance. Cette date, hautement symbolique, doit nous rappeler que rien n’aurait été possible sans le sacrifice de millions d’algériens, déterminés à lutter contre le joug colonial. Cette indépendance chèrement acquise a transformé le destin de millions d’algériens et leur a permis de prendre leur destin en main. Dans l’esprit de cette lutte pour l’indépendance, les décisions du 24 février 1971 marquant la nationalisation des hydrocarbures ont véritablement cristallisé la volonté de notre pays de poursuivre le processus de recouvrement de sa souveraineté nationale en mettant ses ressources naturelles au service du développement économique et social de la nation. C’est certes un événement national ,mais ses répercussions internationales ont aussi marqué durablement l’industrie énergétique mondiale.

Grâce à l’impulsion donnée par des décisions historiques, notre secteur énergétique a enregistré un essor remarquable qui a permis au pays de lancer d’importants programmes d’investissements, visant l’amélioration du bien-être du citoyen algérien et la consolidation du positionnement international de l’Algérie.

Cette contribution directe du secteur énergétique au développement national peut être appréciée à travers les recettes générées par la fiscalité pétrolière. A titre d’exemple, sur l’exercice 2011 la fiscalité pétrolière versée a atteint prés de 3.700 milliards de DA.

Durant les dernières décennies, l’augmentation de la production d’hydrocarbures a permis de satisfaire, en priorité et de manière satisfaisante, une demande énergétique nationale en forte croissance. Elle a aussi permis d’exporter des volumes importants de gaz naturel, de pétrole et de produits raffinés.

Les usines de traitement et de transformation du pétrole et du gaz se comptent par dizaines, la longueur du réseau de transport par canalisations dépasse aujourd’hui les 18000Kms. Nous avons multiplié notre production de pétrole par deux et nous avons atteint des niveaux de taille mondiale pour la production gazière, plaçant l’Algérie parmi les leaders mondiaux de cette industrie et parmi les principaux acteurs du marché. Par ailleurs des dizaines de milliers de techniciens, d’ingénieurs et de cadres ont été formés et des dizaines de milliers d’emplois permanents ont été créés. Tout cela n’a été possible que grâce à l’effort de femmes et d’hommes engagés dans le sens de l’intérêt national.

Vous avez annoncé en décembre dernier de nouvelles modifications sur la loi sur les hydrocarbures. Quelle sont les principales nouveautés devant être apportées par ces modifications ? Outre les incitations fiscales, comment peut-on faire pour attirer les compagnies internationales pour l’exploration et la production ?

L’environnement des marchés énergétiques a changé et il est de ce fait indiqué d’opérer les changements nécessaires de notre cadre réglementaire et fiscal afin que nous puissions promouvoir au mieux notre domaine minier qui, faut-t-il le rappeler, recèle d’importantes potentialités en hydrocarbures.

Le projet de révision de la loi sur les hydrocarbures vise la création de nouvelles conditions profitables aux investissements. Les nouvelles dispositions touchent le volet de l’exploration minière pour une meilleure attractivité dans l’objectif de valoriser le potentiel des gisements que renferme le secteur.

Les modifications concerneront principalement les incitations fiscales dans le cadre des projets d’hydrocarbures qui seront développés par Sonatrach avec ses partenaires étrangers. Il s’agira d’adapter les mesures fiscales de sorte à garantir un seuil minimum de rentabilité des fonds investis et permettre ainsi de développer notre potentiel en hydrocarbures dans des conditions économiques et financières profitables aux investisseurs.

En outre, les modifications apportées permettront de créer les conditions nécessaires au développement des gisements d’hydrocarbures non-conventionnels et les zones offshore encore non explorées.

Je rappelle que ces modifications ne concerneront pas la règle des 51/49%, qui permet à nos entreprises nationales de détenir la majorité des parts dans le cadre des projets en partenariats. Il s’agira d’une adaptation de certaines dispositions techniques et fiscales et non une refonte politique ou stratégique à laquelle nous procédons. Enfin l’une de nos principales préoccupations consiste à mettre en place une stratégie et des procédures permettant, non seulement d’attirer les investisseurs étrangers en vue de renforcer davantage le développement du secteur de la recherche et de l’exploitation des hydrocarbures, mais aussi d’ouvrir de nouveaux horizons de partenariat en diversifiant le volume des échanges d’expériences et, par voie de conséquence, augmenter les chances de transfert technologique.

Un ambitieux programme national est annoncé pour relancer l’activité de la pétrochimie en Algérie. Quelles sont les grandes lignes de ce programme ?

Le secteur de l’énergie a effectivement un programme ambitieux de développement de la pétrochimie. Pour en définir les contours et identifier les filières à développer les études ont été engagées et sont en voie de finalisation. Ce programme s’appuie fondamentalement sur les disponibilités à long terme des charges potentielles qui sont aujourd’hui valorisées à l’exportation en l’état. Ce plan de développement va s’intégrer au processus de renforcement du tissu industriel national avec pour objectif de stimuler l’investissement en aval au niveau de la transformation finale. Toutes les filières sont concernées par ce programme, les filières plastiques et fibres textiles étant privilégiées. Ces filières mettront à la disposition du marché national les matières premières qui permettront la création de nombreuses PME/PMI à travers l’ensemble du territoire national. Deux importants projets sont à un stade avancé au niveau de leur maturation : le vapocraquage d’éthane et la déshydrogénation du propane. D’autres projets issus des filières textiles et de la chimie des engrais sont aussi à l’étude. Concernant les engrais l’Algérie ambitionne de devenir un pôle important de production et d’exportation d’engrais. L’industrie pétrochimique sera donc appelée à devenir un vecteur très important de notre économie, permettant le soutien d’une croissance économique plus élevée et l’extraction d’un maximum de valeur ajouté provenant de nos matières premières.

Outre les énergies renouvelables, l’Algérie compte se lancer dans de nouvelles activités liées, entre autres, à l’exploration dans le nord et en off-shore ainsi que le développement des ressources non conventionnelles (gaz schisteux et sable bitumineux). Quels sont les objectifs assignés à ce redéploiement ?

Mis à part quelques travaux de prospection et de recherche réalisés dans le Nord de l’Algérie, cette région reste sous exploré, alors que la zone off-shore ne l’est pratiquement pas du tout. Pour couvrir nos besoins énergétiques futurs, que ce soit pour répondre à la demande du marché national ou pour satisfaire nos engagements commerciaux à l’international, il est évident que nous devons exploiter toutes les opportunités que nous offre notre vaste domaine minier national. Dans cette perspective, en plus des énergies renouvelables qui occuperont une place de plus en plus importante dans le mix énergétique du pays, s’ajoutent les énergies fossiles non encore développées, voire non explorées, y compris les ressources non conventionnelles. Les travaux réalisés par la société nationale SONATRACH, à ce jour, auxquels s’ajoutent les études lancées par ALNAFT, nous permettent d’affirmer que notre domaine minier recèle des ressources considérables d’hydrocarbures non conventionnelles. Nous avons déjà engagé plusieurs actions et initiatives visant à évaluer son potentiel. Aujourd’hui, nous sommes, en partenariat avec des acteurs qui disposent de l’expertise nécessaire, dans la phase d’approfondissement des études d’évaluation du potentiel très prometteur des hydrocarbures non conventionnels dont le développement sera une nouvelle expérience que nous sommes prêts à partager avec les entreprises qui ont démontré leur savoir-faire dans ce domaine.

Comment jugez-vous l’évolution du marché pétrolier mondial dans ce contexte d’instabilité politique et économique (tensions sur le programme nucléaire iranien, crise de la dette européenne) ? L’OPEP est –elle toujours en mesure d’assurer l’équilibre du marché pétrolier ?

Globalement, l’évolution du marché pétrolier résulte de la conjugaison de deux groupes de facteurs qui sont - dans une certaine mesure - interdépendants. Le premier groupe renvoie aux facteurs fondamentaux, je dirai physiques, que sont les niveaux de la demande, de l’offre et des stocks. Sur ce plan, on estime que la croissance de la demande mondiale à court terme – autour de 1,0 MBJ - reste significative eu égard à la situation économique difficile que vivent plusieurs régions grandes consommatrices d’énergie, notamment l’Europe. Elle est en fait soutenue surtout par le dynamisme des économies émergentes. D’un autre côté, l’offre globale de pétrole reste satisfaisante, malgré quelques perturbations dans certaines régions observées ces derniers mois et cela grâce essentiellement à la politique suivie par l’OPEP d’assurer un niveau de production adéquat conformément à ses objectifs. Il en est de même pour les niveaux actuels des stocks pétroliers, qui sont confortables comparés à leur niveaux historiques en cette saison et au vu des besoins pour les mois à venir. Le marché est donc bien approvisionné et en équilibre. Cependant, l’évolution du marché est influencée aussi par d’autres facteurs que les fondamentaux que je viens de citer, et sur lesquels les pays producteurs et l’OPEP n’ont pas de prise. Ce sont en particulier les développements géopolitiques qui augmentent la « prime de risque » sur les marchés boursiers et la volatilité des prix, qui s’est amplifiée ces dernières semaines, n’est essentiellement que le reflet des grandes incertitudes que connaissent certaines régions dans le monde. Néanmoins, la persistance des difficultés économiques dans les pays industrialisés et leur répercussion sur le reste de l’économie mondiale, n’indiquent pas que nous allons retrouver une croissance forte. Bien au contraire les risques que la modeste croissance économique pour cette année pourrait être encore plus faible et affecter ainsi le niveau de la demande pétrolière, induisant ainsi une pression baissière sur les prix, n’est pas à écarter. Tout ceci indique que la situation du marché pétrolier reste fragile et appelle à la vigilance pour maintenir une stabilité du marché et des prix. Pour la deuxième partie de votre question, je dirai qu’au cours de son histoire, l’OPEP a toujours assumé son rôle, à savoir garantir un approvisionnement régulier du marché pour assurer son équilibre. C’est à cette fin, que l’OPEP maintient la disponibilité d’une offre potentielle additionnelle de pétrole constituée par sa capacité inutilisée de production, qui est mise à contribution en cas de besoin. Cette capacité inutilisée - de plusieurs millions de barils par jour - vient conforter l’équilibre du marché. C’est dans cet esprit que la dernière conférence de l’OPEP a analysé la situation du marché, pour en conclusion décider de plafonner le niveau de production de l’OPEP à 30 millions de barils par jour tout en prévoyant un mécanisme d’ajustement de la production afin de répondre promptement à tout évènement susceptible de perturber le marché. Pour répondre à votre question, je dirai en résumant, que l’OPEP est toujours en mesure d’assurer l’équilibre du marché en agissant sur l’offre, mais ne peut agir sur les autres facteurs qui affectent aussi le marché et les prix.
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