Youcef Tounsi est consultant et conseil en formation natif d’Alger et originaire de Kabylie. Bien que sa profession d’agro-économiste, d’enseignant et de chercheur ne le prédispose pas à l’écriture littéraire, il s’est découvert ces dernières années ce quelque chose d’indicible qui avait commencé comme un passe-temps à ses heures perdues, une sorte de besoin de se raconter et de parler des autres, des écrits où se lisent ses rencontres et expériences et dans lesquels il transcrit, dans une forme d’introspection salutaire, des souvenirs indélébiles qu’il couche sur le papier tard dans la nuit. Cet auteur, qui reste un parfait inconnu dans la sphère littéraire algérienne, et que l’on a découvert au cours d’une vente-dédicace à la librairie El-Kalimat, est pourtant dramaturge et romancier, auteur d’une trilogie dont le dernier livre est en voie de publication et d’un recueil de récits. Le présent ouvrage, qui vient de sortir aux éditions Apic, est un recueil de dix nouvelles qui offrent au lecteur un tableau composite de personnages confrontant leurs expériences de la guerre, de l’indépendance, des tragédies, de l’exil et des désillusions. Nous avons voulu en savoir plus sur cet auteur qui parle si bien de la complexité de la condition humaine et des péripéties de la vie.
EM : Parlez-nous de vos livres ?
Mon premier livre est une œuvre dramatique. J’ai écrit une pièce de théâtre qui s’appelle Les colliers de jasmin. Cette expression doit vous évoquer quelque chose, en tout cas pour les gens de la Mitidja qui savent que lorsqu’on doit rendre visite à une famille, on gratifie après la visite l’invité d’un très beau collier de jasmin que l’on vous passe autour du cou comme des perles tressées. La pièce avait été publiée sous le nom d’auteur de Youcef Tahari, et puis elle a été montée par une troupe de théâtre semi-professionnelle dans le sud de la France en 2003 à l’occasion de la célébration de «L’année de l’Algérie en France », mais elle avait été jouée auparavant pendant quelques mois dans certains théâtres de la ville. Ensuite, j’ai écrit un roman dont l’histoire commence sur le flanc sud de la montagne de l’Ouarsenis. L’histoire d’un petit hameau qui commence en 1820, dix ans avant l’arrivée des troupes coloniales, et on va suivre toutes les péripéties dramatiques de ce village réprimé. La fuite ne cesse pas et la résistance non plus. On va voir les enfants de ce village aller vers la plaine du Cheliff et puis un des enfants de ce douar de Chmoura, pas celle de l’Ouest mais de l’Est, va être emprisonné au pénitencier de Berouaguia pour ses activités. Le roman s’arrête en 1870. Dans la deuxième partie de ce livre qui s’appelle Les chiens rouges, on va voir la libération de Salah et les fuites continuent à travers d’autres pérégrinations pour arriver dans la ville d’Alger, à Belcourt plus précisément. Et c’est l’un des descendants de Salah que l’on suit vers 1905 dans la capitale où sévit une fièvre. Les Algériens poursuivent leur résistance contre l’envahisseur sous de nouvelles formes et l’on retrouve M’halmed, fils d’Allel le forgeron qui s’en va par la mer. Il finira sa petite carrière de militant en étant déporté à Cayenne de 1906 jusqu’à 1916.
EM : Vous avez l’art du détail dans vos histoires. D’où vous vient l’inspiration ? Quelle part accordez-vous à la fiction et aux références historiques ?
Ma fiction est liée à mon imaginaire. Moi, je suis très proche du milieu rural de par l’activité que je pratique, pourtant je suis né citadin. Si vous voulez tout m’inspire : les fleurs, les arbres, les oueds, la nature entière me parle. Et donc, il y a forcément des hommes et des femmes de ces plaines et sur ces plateaux ou ces collines et leurs histoires m’intéressent. Donc je recrée dans l’univers de mon écriture tout ce qu’ont pu vivre ces personnages, certains anodins mais dont les histoires sont uniques.
EM : Vous mêlez la petite histoire à la grande histoire…
C’est la même histoire : ce sont de petites histoires dans la grande histoire. Mes romans sont une forme de continuité et de résistance adaptée au monde rural. Une sorte d’essoufflement et de reprise du flambeau de la résistance dans les villes. D’un côté, c’est le rôle de la paysannerie agressée, mutilée et dépossédée face à l’oppression coloniale ; dans un autre, c’est comment elle se reconstitue en mouvement citadin qui va, lui, déployer ses armes pour combattre pour la dignité, la liberté et l’indépendance à sa façon. La trilogie se termine par une nouvelle histoire puisque M’hamed revient du bagne de Cayenne vers Alger puis repart à Marseille dans d’interminables allers et retours entre les deux rives. Dans un autre livre, Impasses de la Régence, j’ai écrit en me basant sur une documentation car lorsque je fais un livre j’ai besoin d’authentifier mon imagination.
EM : Qu’en est-il de ce recueil de nouvelles ?
Il est venu comme ça parce que l’indépendance me rappelle des choses ou bien parce que je rencontre des personnages qui me marquent. Ce sont de vrais personnages et je m’intéresse à ce qu’ils font et à ce qu’ils disent. Dans ce livre, il y a une panoplie de personnages comme le gai luron, le coiffeur, un ancien ouvrier, on a celui qui est revenu et qui est reparti, il y a aussi Bouba qui est un enfant du Sénégal qui est parti en France à Montpellier faire un doctorat en sciences économiques et qui se retrouve à nettoyer les grands foyers et les centres commerciaux.
EM : Qu’est-ce que vous procure l’écriture ? Un plaisir narcissique ?
Pas du tout ! C’est tout simplement mon air pour vivre. J’ai un temps, souvent la nuit, que je consacre à l’écriture et où je me retrouve pleinement.
Entretien réalisé par
bjr j'ai appris la mauvaise nouvelle? Est ce que c'sst le cas?
Nadir Boumaza - Professeur émérite - Pertuis, France
14/03/2024 - 562014
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Posté Le : 10/02/2017
Posté par : litteraturealgerie
Photographié par : Lynda Graba - Ph. : T. Rouabah
Source : http://www.elmoudjahid.com/