Algérie

ENTRETIEN AVEC AMAR SAADANI, ANCIEN PRESIDENT DE L'APN : Abdelaziz Belkhadem va perdre son poste



Depuis votre départ de la présidence de l'APN, il y a six ans, vous ne vous êtes pas exprimé en public. Vous avez décidé de rompre le silence aujourd'hui. Pourquoi '
Si j'ai décidé de parler, aujourd'hui, c'est que la situation du pays est difficile. S'il est vrai que l'Algérie est sortie indemne du printemps arabe, il n'en demeure pas moins que le pays fait face à une crise sans précédent au niveau de ses frontières. L'attaque terroriste contre le site gazier d'In Amenas prouve que l'Algérie demeure une cible potentielle. Le c'ur battant de l'économie nationale a été touché de plein fouet par les groupes terroristes. Ces moments difficiles imposent une mobilisation et un engagement absolu de la classe politique en vue d'alerter les citoyens et l'opinion publique sur les dangers de la situation. Une mission que je compte accomplir pleinement en ma qualité d'homme politique.
Pensez vous qu'Abdelaziz Belkhadem va partir
Ce qui se passe au FLN doit s'arrêter absolument. Cette crise n'est pas dans l'intérêt du pays. Concernant Abdelaziz Belkhadem, je pense, effectivement, que l'homme est sincère dans son intention d'organiser un vote à bulletin secret qui va déterminer son avenir à la tête du parti. Belkhadem appartient à l'école de feu Abdelhamid Mehri, qui lui aussi, rappelez vous, avait quitté le parti et cédé sa place à Djamel Ben Hamouda suite à un vote organisé au sein du Comité central. Demain jeudi, nous allons assister au même scénario. Sans aucun doute. Le Comité central du FLN va élire un nouveau secrétaire général demain. Abdelaziz Belkhadem va perdre son poste. Il le sait mieux que tout autre. ll n'a pas sa place dans la nouvelle étape que va franchir le parti. M. Belkhadem ne peut pas continuer à la tête du FLN même s'il gagne cette bataille, non pas à cause de ses ambitions présidentielles mais parce qu'il en sera tout simplement empêché par plusieurs courants à l'intérieur du parti. Abdelaziz Belkhadem a saisi le message, mais il souhaite, à l'image de Mehri, jouer la carte de la légitimité. Il sera déchu par un vote qui est un exercice démocratique. Ce qui est tout à son honneur.
Qu'est ce qui a changé depuis '
D'abord, Belkhadem se rend compte aujourd'hui qu'il s'était trompé en pensant qu'il pouvait compter sur un appui extérieur pour s'imposer à la tête du parti.. Je dis simplement que lorsqu'on est responsable d'un parti politique, on cherche l'appui au sein des instances du parti. Dans notre cas, c'est le Comité central qui décide. Belkhadem a déclaré qu'il était prêt à partir sur un coup de fil du président. Moi je pense qu'en tant que SG, il a des comptes à rendre au CC. Seuls les ministres sont comptables devant le président. Cette position l'a sérieusement affaibli à l'intérieur du parti. Je pense aussi que Belkhadem s'est trompé dans son jugement. Il pensait que les résultats des élections législatives et des locales allaient le conforter. Malheureusement pour lui, ce n'est pas le cas. Le FLN a perdu plusieurs postes ministériels après les législatives. Belkhadem lui même a perdu son poste à l'exécutif. Il a été incapable d'imposer ses hommes. Avec une majorité quasiment absolue, le FLN ne gère pas le gouvernement. Avant, le FLN était consulté et écouté par le pouvoir. Les choses ne sont plus les mêmes depuis cinq ans.
Y a t il un consensus autour d'une personnalité au sein du Comité central pour succéder à Belkhadem '
J'ai été effectivement sollicité par les membres du Comité central et les militants. Je bénéficie d'une bonne majorité au sein du CC mais je ne suis pas candidat à ce poste. Je l'aurais fait si la situation au sein du parti et la conjoncture politique étaient différentes. Le nouveau secrétaire va assurer la gestion du parti pour une période transitoire de deux ans. La base aura son mot à dire. Les institutions de l'Etat ont aussi leur mot à dire, puisque le futur secrétaire général a une double mission. La première, partisane, consiste à unifier les rangs du parti. La seconde, nationale, consiste à coordonner le travail avec les institutions officielles sur des dossiers importants. Le parti doit être prêt à agir pour gérer toute éventualité d'ici 2014.
Qui va diriger le FLN à partir de jeudi '
Je pense que le frère Abderrezak Bouhara possède plusieurs atouts qui lui permettent de gérer cette situation. C'est une personnalité très sage qui a une grande expérience dans les appareils du parti et qui dispose surtout d'une vision très claire sur la gestion de cette période qui s'achèvera avec l'élection présidentielle. Cette période transitoire est extrêmement sensible. Le parti est déchiré par des conflits internes. Notre base est décomposée, sans oublier qu'une élection présidentielle aura lieu en 2014. J'ai discuté longuement avec Bouhara. J'ai senti qu'il était conscient de tous ces enjeux. D'ici 2014, aucun changement ne sera apporté à la ligne politique du FLN. Mais le parti va franchir une nouvelle étape après la présidentielle. Nous allons connaître une nouvelle ère marquée par deux principes fondamentaux : la liberté et la démocratie. Le flambeau sera transmis à la deuxième génération post indépendance. La présidentielle de 2014 va ouvrir les portes à de nouvelles pratiques politiques aussi bien au FLN que dans les autres partis.
Est ce que vous soutenez un quatrième mandat pour le président Bouteflika '
Je pense que le président n'a pas encore pris sa décision. Tout dépendra de l'analyse qu'il fera de la situation politique et sécuritaire nationale et régionale. Le président sait bien mesurer les choses. Il est en mesure de savoir si la conjoncture lui permet d'aller ou non à un quatrième mandat. La candidature dépendra aussi du bilan qu'il va faire de son règne. S'il estime qu'il est positif, il tentera un quatrième mandat. Dans le cas contraire, il s'abstiendra. Bouteflika est au pouvoir. Le débat, le vrai, doit se concentrer sur ce que peuvent apporter au pays les autres candidats potentiels. Entretien réalisé par TSA


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