Les banques viennent de recevoir instruction de rééchelonner les dettes
des entreprises privées dont les intérêts seront pris en charge par le Trésor
public.
« Le gouvernement encourage les banques à rééchelonner les créances des
entreprises en difficulté, avec un différé de trois années, durant lesquelles
le Trésor public prendra en charge les intérêts,» lit-on dans le communiqué
sanctionnant la tripartite qui s'est tenue, samedi dernier, à la résidence El Mithak. «Conformément à la réglementation pertinente, la
banque créancière procédera à l'annulation des agios réservés pour l'entreprise
bénéficiaire du rééchelonnement,» est-il décidé comme mesure. Ces deux
importantes décisions gouvernementales répondent à la remarque qu'il a précisée
au préalable, à savoir qu'il marque «son accord pour participer au
rééchelonnement des créances en défaillance, étant entendu que les créances
définitivement compromises sont de la responsabilité exclusive de la banque et
de son débiteur.»
C'est probablement au nom du
principe de «l'égalité des chances» que le Premier ministre a décidé de faire
ces concessions patronat privé. Ahmed Ouyahia veut
certainement prouver ainsi, qu'au nom de ce premier principe, l'Etat s'interdit
de faire dans la dichotomie entre secteur public et secteur privé. Tout autant
qu'il a décidé, à maintes reprises, faut-il le reconnaître, d'effacer les
lourdes dettes des entreprises publiques, cette fois-ci, il s'ouvre, comme par
enchantement, aux hommes d'affaires et leur accorde quasiment les mêmes
faveurs, sous une autre forme et par d'autres méthodes. En ces temps d'aisance
financière où aucune autorité ne semble compter l'argent public et peser les
conséquences d'une dépense au rythme d'«en veux-tu en voilà», Ouyahia profite pour se montrer d'une générosité absolue,
en faveur d'un patronat qu'il a pourtant accusé de «partenaires du container»
donc de l'économie informelle dans tous ses compartiments destructeurs pour le
pays. Ceux qui ont pensé que les mises au point du Premier ministre, au
président du forum des chefs d'entreprises (FCE)-et inversement- à l'ouverture des travaux de la tripartite, était une passe
d'armes, n'ont rien compris à un système roublard qui a toujours fait de
digressions politiciennes son jeu favori. L'on parle de bien plus de 1.500
milliards de dinars de créances qui vont être rééchelonnées sur trois ans et
que les hommes d'affaires cherchent plutôt à effacer «comme ça été le cas pour
les agriculteurs.» S'il est vrai que la comparaison entre les deux corporations
n'est pas intelligible, elle repose sur une problématique de taille, celle
d'une gestion rationnelle des deniers publics. La vision en question et
notamment l'anticipation en matière d'économie manque tant aux gouvernants
qu'elle effraie terriblement. «C'est une somme faramineuse et les intérêts
que le Trésor public va prendre en charge sont colossaux,» disent les
spécialistes de la finance qui ont pris le temps pour faire les calculs qu'il
faut. Les plus téméraires affichent leur scepticisme à l'égard d'une situation
que «le gouvernement crée sans mettre en place des garde-fous.» Il est vrai que
les hommes d'affaires concernés s'interrogeront sur la mauvaise foi de ceux qui
pensent que ces décisions sont des faveurs. Ils pensent ne demander que leurs
droits en raison de l'environnement des affaires qui étouffent leurs
entreprises depuis de longues années.
Les garde-fous qui manquent pour un donnant-donnant
Soutenue par des textes règlementaires absurdes, la loi de finances
complémentaire 2009 «et même celle d'avant et celle d'après» est venue, selon
eux, «comme pour donner le coup de grâce aux entreprises privées.» Mais
comme garde-fous, les économistes qui se reconnaissent dans la sociale
démocratie auraient souhaité, disent-ils «voir les patrons privés prendre des
engagements sérieux vis-à-vis de la collectivité nationale. «Promettre en
premier en contrepartie de créer un nombre précis d'emplois et de la richesse.»
L'on rappelle que pour le cas du FCE, il est dénombré «245 adhérents dont 47
entreprises sont domiciliées à l'étranger.» Les effectifs déclarés par les
entreprises membres du FCE forum en 2009 sont de l'ordre de 67.241 employés et
de 68.394 en 2010. Elles ont créé 2.112 emplois en 2009 et 1.153 en 2010. Le
gouvernement se targue lui, d'avoir créé sur la même période 35.000 emplois.
Ces mêmes économistes notent avec
satisfaction que «les jeunes qui ont bénéficié des dispositifs de l'ANSEJ ou de la
CNAC et qui eux, ont créé des emplois alors qu'ils n'arrivent
même pas à rembourser leurs dettes. D'ailleurs, ajoute-t-on, «ils se sentent
brimés pour n'avoir pas trouvé une oreille d'écoute pour prendre en charge
leurs doléances.» Celle qu'ils mettent en avant en effet, est incontestablement
un rééchelonnement des crédits dont ils ont bénéficiés pour créer leur
entreprise. Il est connu que «le bouillon» engendré par la mise en Å“uvre de ces
dispositifs de l'emploi des jeunes est important. Les banques n'arrivent pas à
recouvrir les crédits qu'elles ont octroyés à cette nouvelle caste d'employeurs
qui sont ces jeunes qui ne sont pas encore rodés aux distorsions des lois et
aux engrenages qui précipitent le pays dans une bureaucratie cauchemardesque.
Ceci étant dit, les engagements
que le gouvernement se devait de faire prendre aux patrons privés représentent
la quintessence du pacte national économique et social qu'il a paraphé avec ses
partenaires sociaux en 2006. L'on attire ainsi l'attention qu'Ouyahia n'a pas pris le soin d'encadrer ses décisions par
la signature d'une charte de gages à charge des hommes d'affaires. Il ne peut
d'ailleurs le faire parce que le FCE n'est pas signataire du pacte en question.
D'ailleurs, la logique du principe du donnant-donnant ou du gagnant-gagnant,
est poussée jusqu'à s'interroger sur l'opportunité de la présence du FCE, dans
une tripartite qui ne doit regrouper légalement que le gouvernement et les
syndicats publics et privés, en même temps des entreprises et des employeurs.
L'on note que le FCE est une sorte de club qui regroupe des hommes d'affaires
qui refusent de le transformer en syndicat des patrons. Pour preuve, disent des
observateurs, «il active avec un agrément délivré par le ministère de
l'Intérieur alors que l'UGTA, l'UNEP
ainsi que les autres organisations patronales l'ont eu du ministère du
Travail.» C'est d'ailleurs le cas de SEVE, «le club» des femmes chefs
d'entreprises qui lui, a toujours assisté à toutes les tripartites. Les
observateurs pensent qu'il serait judicieux d'étudier les dossiers du
rééchelonnement des hommes d'affaires «au cas par cas» ou «par filière.» Il le
serait d'autant plus disent-ils, de le faire alors, selon les besoins de
l'économie nationale et ceux du marché.
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Posté Le : 01/06/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ghania Oukazi
Source : www.lequotidien-oran.com