Publié le 11.01.2024 dans le Quotidien l’Expression
Yennayer est un patrimoine civilisationnel ancestral appartenant à l’ensemble des Algériens.
D’est en ouest et du nord au sud...
Yennayer est le jour de l'An du calendrier amazigh. Dans le contexte propre de l'Algérie, un pays qui n'avait pas à justifier la raison d'être de ladite fête pétrie de traditions festives et intrinsèquement liée à la terre et à l'exubérance et la fertilité au sens large du terme, on fête la tradition de Yennayer depuis des siècles et partout dans son vaste territoire. La célébration de Yennayer n'était pas l'apanage d'une région en soi. Yennayer était tellement pluriel et d'une diversité avérée, l'Algérie entière le fêtait selon ses spécificités et selon les singularités imposées par le climat et le mode agraire des régions du pays.
Le sud du pays fête son Yennayer, l'ouest et l'est célébraient et célèbrent toujours différemment la tradition du nouvel An berbère et en fonction des produits agricoles dont ils disposent. Mais le dénominateur commun est toujours ce caractère festif qui annonce la venue d'une année abondante et généreuse après un labour mérité de la terre qui est identifiée comme une mère nourricière.
La politisation de Yennayer est intervenue lors de l'apparition des luttes à caractère identitaire dans la perspective de faire entendre à ceux qui rejetaient la dimension amazighe comme variante et composante parmi d'autres composantes de la personnalité nationale. Même si la dimension nationale de Yennayer a été consacrée comme fait irréversible depuis des siècles, il reste néanmoins quelques groupuscules identitaristes qui voulaient délimiter la dimension de Yennayer dans une région en soi.
Patrimoine civilisationnel ancestral appartenant à l'ensemble des Algériens qui sont fiers de leurs traditions et folklores dont le caractère identitaire, ce repère calendaire n'est autre que la mosaïque historique qui a jalonné et marqué l'histoire de ce pays dont la pluralité et la diversité se sont toujours affirmées comme un référentiel inaliénable et incontournable.
Yennayer a toujours rejeté le fait d'être l'otage de sa dimension politicienne qui a essayé de réduire sa portée et sa valeur au point de l'identifier à une espèce de tradition étrangère à son terreau naturel à savoir le terreau nord-africain en général et algérien en particulier.
Les dogmatismes politiques et religieux ont fait en sorte de porter atteinte aux traditions ancestrales du pays au nom des chimères colportées sciemment pour consacrer la culture de l'exclusion et de la marginalisation de tout ce qui est tradition propre et culture autochtone. C'est une manière de rendre hybride la culture nationale et accélérer le processus de la dépersonnalisation à outrance du peuple algérien et son algérianité.
Yennayer est une valeur orale sauvegardée par les générations successives grâce à leur perspicacité au point que ce dernier est devenu un référentiel qui s'impose en dehors des clichés politiques et des stéréotypes fétichistes.
L'histoire retient que Yennayer a été consacré comme une tradition fêtant le nouvel An berbère en Andalousie musulmane. Des documents avérés attestent de la célébration de Yennayer dans la péninsule ibérique et qui montrent avec détail et description comment les populations de cette époque vivaient ce jour et comment ils le préparaient.
Le chercheur au Crasc d'Oran, Hmed-Amine Dellaï, avait publié des documents à propos de Yennayer en Andalousie musulmane. Le document souligne que «C'est en parcourant le recueil du grand poète populaire andalou Ibn-Quzman (mort en 1160/555), Cheikh el-zajjalin (le prince des poètes populaires), comme on l'appelle, qui a vécu à l'époque almoravide, que nous sommes tombés sur ce texte curieux, où le poète, comme s'il se promenait dans le souk de Cordoue, sa ville natale, un jour de fête, nous décrit, dans le menu, le spectacle étonnant des marchands étalant savamment, exactement comme de nos jours, fruits secs, gâteaux et autres friandises devant le chaland».
Pour bien étayer ses arguments, le chercheur Hmed-Amine Dellaï indique qu'il «s'agit bien ici, dans cette première partie du texte (qui en compte trois: une description réaliste de la fête, une description métaphorique et un éloge personnel à un notable cordouan), de la fête de Yennayer, comme annoncé dans le vers introductif du zajal n°72: «On pétrit (la pâte de) la brioche et les (cornes de) gazelles se vendent, se réjouit de Yennayer celui qui a de l'argent»», a-t-il précisé.
Il est clair que Yennayer est plus ancien que tous les subterfuges qui ont émaillé le parcours de l'Algérie indépendante et les non-dits d'une grossière manipulation émanant des idéologies mortifères et des pensées archaïques dont l'anachronisme est le trait commun.
Hocine NEFFAH
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Posté Le : 15/01/2024
Posté par : rachids