Algérie

Entre solitude et abandon, une histoire de pomme de terre !



«Madame, s'il vous plaît, je lis bien 130 DA ou je me trompe '» «Tout à fait, monsieur, vous voyez juste. Je lis, aussi, 130 DA. C'est mieux que 150, non '» Je voulais tester sa réaction. Voir comment il allait prendre mon sarcasme. Il m'a jeté un regard plutôt sévère. Comme pour me dire qu'il n'appréciait pas ma vanne à deux balles. «Pourquoi ma fille ' Si ça fait une différence appréciable pour vous, pour moi, non ! 150 ou 130, c'est absolument pareil !» Il était en colère, le petit vieux. Pas contre moi, puisque nous avons continué à parler. Il était inquiet. L'avenir ne lui disait rien de bien plaisant. «Heureusement que mon avenir est derrière moi. Je n'attends pas grand-chose de la vie. Si elle avait voulu me réconforter, elle l'aurait fait il y a 60 ans. Maintenant, c'est un peu tard», me lança-t-il d'un ton amer. Quel âge avait-il ' Un instant je me suis demandé pourquoi c'était lui qui était là et pas l'un de ses enfants. Il devait bien avoir des enfants, puisqu'il a demandé au vendeur de lui peser deux kilos de ces pommes de terre dont le marchand vantait, à haute voix, la provenance. «Ce sont les nouvelles ya el hadj ! Ta3 Mestghanem ! Garanties !» Ça ne le gênait pas de flatter la qualité de sa marchandise, hors de prix pour les petites bourses et les familles nombreuses. Le vieil homme ne voulait plus me lâcher. J'ai compris qu'il avait besoin de parler. Encore un ! Ce n'était pas la première fois que cela m'arrivait. De temps en temps, une personne vous aborde. Pas toujours pour vous raconter sa vie, mais pour échanger quelques mots. Pour rompre une solitude que personne ne perçoit forcément comme telle.«Il ne va pas tarder à pleuvoir, ya el hadj. Vos enfants pourraient faire le marché à votre place. Vos courses sont trop lourdes à porter.» Sortir faire de l'exercice et prendre l'air, c'est toujours bon à voler au temps qui passe. Mais faire le marché, il aurait dû éviter. «J'ai une fille et un garçon qui vivent à l'étranger et un autre fils ici. Il est commissaire de police. Il ne propose pas de nous aider, sa mère et moi, et nous, on ne lui demande rien.»
M. B.


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