Algérie

Entre résignation et espoir, une bataille indécise



Difficile de trouver de quoi s'enthousiasmer en 2011. Pourtant, il n'y a rien de pire que la résignation.

Il n'y aura pas de coupe du monde en 2011. Pas d'élections présidentielles non plus, ni d'évènement d'envergure pour animer la vie politique et sociale du pays. En l'absence de polémique sur les mérites de Rabah Saadane et les bourdes de Fawzi Chaouchi, l'année qu'on s'apprête à accueillir risque d'être assez fade. Heureusement qu'il reste les scandales de corruption, les redresseurs du FLN, et peut-être, quelques confidences WikiLeaks pour agrémenter une actualité sans relief.

 Et si l'Algérie n'offre guère de projet politique enthousiasmant, ni d'ambitions économiques, il faut reconnaître qu'elle sait s'y prendre en matière de scandales, de polémiques stériles et de gabegie. Sur ce terrain précis, le pays garde des réserves insoupçonnées, et une très grande capacité à surprendre. Il en a d'ailleurs montré une preuve éclatante durant l'année qui s'achève. Scandale Sonatrach, parents de hauts responsables mis en cause, révélations sur l'autoroute est-ouest, avec des sommes faramineuses gaspillées ou détournées, rien n'a manqué pour faire de 2010 une année mémorable dans la rubrique faits divers, à défaut d'une année de forte croissance ou d'amélioration de la gestion des affaires du pays. Un petit réconfort, tout de même. 2010 n'a pas donné lieu à une accélération de la mauvaise gouvernance. L'effondrement n'a pas eu lieu, et on n'a pas enregistré non plus une avancée spectaculaire de la déliquescence institutionnelle. Par contre, la situation ne s'est pas améliorée. La tendance générale reste la même. Non sans humour, un ancien haut responsable parle de « consolidation » de la non gouvernance. La mauvaise gestion est devenue la norme dominante. On ne s'en étonne plus, on conteste moins, et puis, on finit par admettre une situation, comme si c'était une fatalité avec laquelle il fallait composer. La force de l'habitude a pris le dessus. Le président Abdelaziz Bouteflika, qui multipliait les voyages et faisait feu de tout bois durant son premier mandat, ne fait pas plus d'une apparition par mois. Mais le pays n'en fait plus cas. Dans une sorte d'élan de pudeur, on n'évoque plus l'état de santé du chef de l'Etat, même si les affaires de l'Etat s'en ressentent fortement. On admet, ou on se résigne à cette situation. Sans plus. Les ministres tournent en rond, le Parlement ne fait plus rien, mais cela ne semble plus inquiéter. Le terrorisme a été ramené à un seuil qui peut être digéré sans trop de problèmes par la société. Les attentats n'intéressent plus que les personnes touchées directement et leurs proches. Ils ne réussissent même plus à alarmer les médias. Quant aux affaires de corruption, elles se sont tellement banalisées que les révélations n'ont plus d'effet, ni sur les institutions, ni sur le grand public. Elles touchent désormais tous les secteurs, n'épargnant ni Sonatrach, ni les services de sécurité, encore moins l'administration. Les sommes évoquées dépassent l'entendement, et révèlent un fonctionnement institutionnel aberrant. Sur le plan économique et social, la publication de nouveaux résultats n'inquiète plus. Elle provoque plutôt un sentiment de lassitude. Encore ! A-t-on envie de dire à la lecture d'un bilan qui confirme la stagnation ou le recul en matière de gestion. Tous les classements publiés à longueur d'année révèlent ou confirment cette régression. Croissance, productivité du travail, développement humain, climat des affaires, efficacité de l'administration, système bancaire : tous les indices publiés par différents instituts spécialisés égrènent les mêmes résultats, avec les mêmes courbes et les mêmes désespoirs. Dans ce climat, il n'y a même pas d'équipe nationale pour égayer le quotidien. On ne trouve plus de sujet qui passionne, ou qui donnerait un peu de bonheur aux gens. Cela débouche sur un repli sur soi, et chacun semble chercher le bonheur tout seul après l'échec des expériences collectives.

 En parallèle, se révèle un autre contraste de cette nouvelle Algérie : malgré une relative amélioration du bien-être matériel, il n'y a pas de bonheur dans les yeux des gens. Les relations entre personnes restent marquées par une tension quasi permanente. Dans la rue, entre voisins, ou dans le cadre professionnel, il y a peu de place à la convivialité. Les routes constituent le modèle le plus fort de cette tension : on y meurt avec une incroyable facilité, on s'y conduit comme de vulgaires voyous, et on s'y fait rançonner dans une résignation totale. Il ne reste plus qu'à savoir si 2011 et avec elle, la seconde décennie de ce nouveau siècle, servira à « consolider » cette résignation, ou si elle sonnera le réveil social et institutionnel. Et même si c'est dit sans illusion, rien n'empêche la nouvelle année d'être meilleure que la précédente. Parce que la résignation est pire que la défaite. Et comme le dit un ancien officier de l'ALN, à force d'accumuler les défaites, on finira bien par remporter une victoire.








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