Algérie

Entre populisme, continuité et rupture



Le décryptage des programmes proposés par les candidats laisse dubitatif quant à l'aboutissement de la réflexion et à la nécessitéd'une véritable rupture avec le modèle rentier qui s'est imposé depuis l'indépendance. Quelques préludes semblent se dessiner, sans renvoyer pour autant une totale maîtrise de la chose économique.Le prochain quinquennat devra impérativement être économique. L'économie nationale fait actuellement face à de nombreux défis et les symptômes du syndrome hollandais semblent s'en être emparé. Un vaste chantier s'offre ainsi à ceux qui ambitionnent de prendre les rênes du palais d'El Mouradia. Pourtant, la lecture des programmes proposés par les candidats laisse quelque peu dubitatif quant à l'aboutissement de la réflexion quant à la nécessité d'une véritable rupture avec le modèle rentier qui s'est imposé depuis plusieurs décennies. Quelques débuts de pistes semblent se dessiner, sans refléter pour autant une totale maîtrise de la chose économique.Le fait est que dans une situation normale ou dans un système transparent et démocratique, les candidats devraient se positionner dans une idéologie de droite ou de gauche. Ce qui n'existe pas en Algérie, nous explique l'économiste M'hamed Hamidouche, car tous s'inscrivant dans le sacro-saint concept de l'Etat providence et s'appuyant sur la redistribution de la rente. Celui-ci précise d'ailleurs que les candidats, en temps normal, devraient se positionner par rapport à un bilan du Président sortant.A cet effet, il y aurait, selon lui, quatre postures à observer. Les soutiens du Président sortant peuvent ainsi s'inscrire dans la continuité, estimant que toute rupture conduirait forcément à une dégradation de la situation. Il y a les progressistes selon lesquels les choses peuvent aller mieux si l'on opère quelques changements. Il y a aussi les réactionnaires qui estiment qu'on était mieux avant et qu'il faut changer l'ordre politique pour revenir aux idéaux passés. Enfin, les révolutionnaires pensent que le système actuel est mauvais et qu'il faut instaurer un nouveau modèle.Des tendances qui peuvent inciter l'assentiment ou pas. Encore faut-il présenter des alternatives sérieuses. Entre un populisme béat ou un manque de maîtrise, les options présentées paraissent insuffisantes. La lutte contre la corruption, la revalorisation de l'agriculture et la relance de l'industrie et de l'entreprise sont les thèmes phares des différents programmes économiques. Sauf que le discours développé par la majorité des candidats peut nous laisser sur notre faim lorsqu'il ne tombe pas tout simplement dans la diatribe idéologique pure.C'est le cas d'ailleurs du candidat d'extrême gauche, dont les discours virulents et ultrapopulistes sont articulés sur la fustigation de la libéralisation du commerce extérieur, du FMI, de l'OMC et de l'Accord d'association avec l'UE. Un candidat qui propose d'ailleurs de constitutionnaliser les nationalisations, la règle des 51/49% et la prédominance de l'entreprise publique sur l'économie nationale. Un point de vue somme toute respectable et auquel beaucoup de nos concitoyens pourraient être sensibles. Cependant, le candidat s'engage, après son élection, à «soumettre au peuple algérien un programme économique clair et homogène». Plus qu'un aveu quant au non-aboutissement du programme proposé. Président candidat, programme bilanDeux candidats portant l'étendard nationaliste pêchent tout simplement par le manque d'innovation flagrant de leurs propositions. Si l'un décline son programme économique en 12 phrases, ou plutôt 12 devises vidées de leur substance par l'usage répétitif dans des discours fleuve, l'autre propose la quintessence de tout ce qui s'est déjà vu en la matière.Etat providence, encoreUne seconde paire de candidats semble cependant sortir du lot. Ils semblent s'inscrire dans la rupture. Le premier propose d'ailleurs une démocratisation des circuits économiques, une décentralisation des recouvrements fiscaux, une réforme profonde des institutions en plus d'une baisse des impôts, ainsi que des facilitations pour l'entreprise. Cependant, le programme pèche par l'absence de chiffres, de calendriers et d'objectifs concrets à réaliser. L'autre candidat de la rupture présente un programme un peu plus abouti, dans la mesure où il propose un calendrier, des objectifs parfois chiffrés, mais qui semblent quelque peu optimistes par rapport aux projections des institutions les plus sérieuses, des engagements et des actions à mener. Il omet néanmoins de préciser l'impact de ses actions sur le budget de l'Etat ainsi que d'articuler les politiques monétaires, budgétaires et fiscales. Reste le président-candidat, qui présente un programme-bilan et surfe sur la nécessaire continuité dans la mesure où le bilan des trois derniers quinquennats se caractérise par «de grandes réalisations». Un discours qui suscite d'ailleurs une vive opposition.Dans ce sens, l'ex-candidat à la candidature Kamel Benkoussa estime, chiffres à l'appui, que les «grandes réalisations» et les dépenses astronomiques entreprises durant les trois mandats successifs de Abdelaziz Bouteflika ne se sont pas traduites par une augmentation significative de la croissance ni par une diversification de l'économie nationale. Il indique ainsi que «de 2000 à 2012, malgré les centaines de milliards de dollars de dépenses publiques, le taux de croissance moyen de notre économie s'est élevé à 3,5%. Les dépenses ont été multipliées par 3,3 en valeur durant cette même période». Et d'ajouter que «notre économie repose aujourd'hui sur des fondations fragiles et elle est des plus précaires. Le prix du baril équilibrant le budget de l'Etat est passé de moins de 60 dollars en 2006 à 143 dollars en 2012». Il pense ainsi que «le bilan des 15 années sous les mandats du Président sortant est médiocre car ce ne sont pas 3% de croissance que nous aurions du avoir, mais certainement plus du double».Autant d'éléments qui lui permettent de prétendre que «les vraies réformes n'ont pas été mises en ?uvre et ne le seront pas de sitôt». Il pense ainsi que le discours économiques et les réformes «ne sont pas compréhensibles pour l'électorat du régime et, pis encore, peuvent même lui être douloureuses si l'on prend l'exemple des subventions qui doivent être remises à plat». Il estime par ailleurs que les réformes peuvent prendre du temps à avoir un effet sur l'économie alors que «le régime est dans l'urgence du court terme». Il pense enfin que «les réformes s'assimilent à un changement de comportements et pour qu'il puisse effectivement avoir lieu, il faut transformer le régime politique», ce qui ne semble pas à l'ordre du jour, conclut-il.




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