Algérie

Entre les lignes du temps...



Quand j'étais tout petit, j'ai cru que le temps était immobile, qu'il n'avançait pas et que j'étais un éternel enfant. Je riais aux éclats quand je voyais un jeune homme au front ridé suer tous les jours pour une bouchée de pain, une vieille femme ayant perdu ses dents en train de manger un plat de couscous ou un vieux aux cheveux blancs qui clopinait avec sa canne. Je me disais toujours, en mon for intérieur, que ces gens-là, étaient tous des fous, sinon des c... qui se laissaient facilement vieillir et prendre de l'âge ! Mais, purée, pourquoi ne restaient-ils pas des enfants comme moi ' Pourquoi ne jouaient-ils pas à la marelle, à colin-maillard ou à saute-mouton ' Pourquoi n'arrêtaient-ils pas la machine du temps ' Ô combien je détestais ces c... d'adultes, au ton grave, sérieux et souvent ennuyeux, qui ne faisaient que me casser les pieds ! Je ne comprenais guère ni leurs joies, ni leurs deuils, ni leurs colères, et leurs soucis me paraissaient si banals qu'ils ne suscitent aucune compassion de ma part. J'étais seulement jaloux de mon enfance. Je me l'imaginais une vaste prairie verte, remplie de tas de chants de cigales, de perdrix et de tourterelles; un paradis à perte de vue, qui n'en finissait pas de me fasciner; un château magique où, chaque jour, je découvrais une chose nouvelle qui s'ajoutait à mes anciennes trouvailles. C'était un monde fantastique où la notion du temps est vague : on ne comptait ni les minutes, ni les heures, ni les jours, ni moins encore les mois ou les années. On vivait dans l'opulence des rêves, à l'abri de la mort, et ma petite tête de bambin repoussait à plein régime les hypocrisies, les animosités, les haines et les perfidies qui se tricotaient dans l'autre monde, celui des soi-disant grands, mûrs, adultes. J'étais immergé dans une innocence candide, un assoiffé de l'amour pour qui la camaraderie, l'amitié, la fraternité se conjuguent au présent de l'enfance. Une enfance que je considérais comme un bien personnel, sinon une bulle protectrice à l'intérieur de laquelle le temps ne pouvait jamais pénétrer.Hélas ! Les années passaient et la bulle; ma bulle d'enfance bien entendu; s'était enfin brisée; fracassée comme une noix qui tombait sur une pierre. Les vieux de mon village s'en étaient allés sous terre, dans un tout autre monde dont plus personne n'était revenu, ceux que je voyais à l'époque jeunes commençaient, à leur tour, à avoir des têtes blanches et l'enfant que j'étais s'habillait en homme et ne pensait plus aux jeux de colin-maillard ni à cache-cache ni à saute-mouton; mais à suivre le cycle des partants ! Le temps a fini par brouiller mes illusions de gamin, et depuis, je m'étais rendu compte que la vie n'était pas cette enfance joyeuse au long cours, mais un fleuve tranquille qui poursuivait sa marche malgré toutes les embûches; une éternelle poésie dont seuls les bons vivants savaient tirer profit.
P.S: Je souhaite à tous mes lectures, une joyeuse et bonne année.


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