Algérie

"Entre les deux, mon coeur ne...balance pas!"




A Barbès, la langue «officielle» est l'arabeLa capitale française est en effervescence quelques jours avant la tenue de cet important événement politique qui pourrait donner option au vainqueur pour la présidentielle française d'avril prochain. Mais quel est l'avis de la communauté algérienne établie en France sur cet événement' Suivez-nous dans le quartier le plus algérien de Paris...Vendredi 25 novembre 2016. On est à Paris, c'est le jour du grand débat entre les deux candidats du 2e tour des primaires de droite et du centre, Alain Juppé et François Fillon. Tous les yeux de la France sont braqués sur cet événement politique qui pourrait désigner le favori à la course à l'Elysée. On prend la ligne 4 du métro parisien direction Barbès - Rochechouart, afin de tâter le pouls de la communauté algérienne établie dans ce pays par rapport à cette élection. Dès que l'on sort de la bouche du métro, on se rend vite compte que l'on ne s'est pas trompé d'endroit. On est «accueilli» par des jeunes Algériens qui vendent des cigarettes du «bled».«Marlboro, LM, Rym... taâ Dzair (d'Algérie)», crient-ils en direction des voyageurs. Ça grouille de monde et on constate que la langue «officielle» ici c'est l'arabe, même si Barbès est devenu plus cosmopolite qu'avant. On se risque alors à demander à ces vendeurs clandestins de tabac, dont la plupart sont des chômeurs, leur avis sur cette primaire. «Mon frère tant qu'ils ne touchent pas à mon business, cela ne m'intéresse pas!», fait savoir, Samir, sous l'oeil bien vigilant des policiers... «S'il y a un point dans leur programme qui parle de cela, alors tu me le dis comme ça je vais vite aller voter...», ajoute-t-il entre deux «criées». Après cette entrée en matière on décide de poursuivre notre virée à la recherche d'Algériens qui voudraient débattre de cette pré-élection. Notre esprit va directement à un bistrot ou un café, surtout que le quartier est réputé pour regorger de ce genre d'endroits tenus par nos compatriotes. Ah! mais au moment de commencer la recherche, notre regard est attiré par un écriteau en arabe. C'est un coiffeur! Génial, quel meilleur endroit pour parler librement aux gens' En plus, coup de chance, il est tenu par un Algérien et, deux clients à ce moment-là étaient originaires du pays. Après les présentations et les questions sur les nouvelles du «bled», on lance notre hameçon.Deux euros pour une mascarade'Le petit salon de coiffure se transforme vite en salle de spectacle envahie pas les rires. «Vous êtes sérieux. La droite, c'est la droite. Ils sont tous pareils. D'ailleurs même la gauche est en train de pencher vers leur côté avec Hollande et Valls», souligne Bachir, un Franco-Algérien né à Paris. Ce jeune «Rmiste» fait partie de la troisième génération d'émigrés, assure ne plus trouver sa place dans le pays. «On est le bouc émissaire de ces politiques. Ils ne se rappellent de nous qu'à la veille des élections. On est pour eux, une matière électorale que ce soit dans le bon ou mauvais sens», témoigne-t-il d'un air dépité. «Je ne vais donc pas perdre mon temps à suivre leur débat ce soir (jeudi dernier, ndlr), alors là, dépenser deux euros pour participer à leur mascarade de dimanche prochain», poursuit-il avant d'être interrompu par le coiffeur pour qu'il passe à la chaise. C'est le moment que l'on choisit pour se «dérober» et aller chercher un café d'où l'on pourra suivre le débat. On prend place au Barbès Café connu pour être un endroit de rencontre des Algériens de Paris, notamment les fans de la musique «chaâbie». On y prend place et on demande à la serveuse si le débat allait être diffusé ce soir dans le café non sans s'«enquérir» de ses origines algeriennes.«Non, le débat ne sera pas diffusé ce soir, vous voulez qu'on fasse fuir nos clients...», répond-elle avec humour. Mohamed, la quarantaine, se trouvait dans le bistrot. Il a entendu notre discussion et en profite pour faire la conversation. Après avoir soutenu que pour lui ils sont tous les deux pareils, il confie que sa préférence va tout de même pour Juppé. «Il est moins extrémiste que Fillon. Ce dernier était l'exécutant de Sarko.Donc s'il passe c'est l'ex-président qui revient par la grande porte malgré sa défaite la semaine dernière. En plus, Juppé est réputé pour être un ami de l'Algérie», témoigne ce quinquagénaire qui travaille dans un magasin d'articles de mariages. Il souligne néanmoins que cela n'empêche qu'il ne se déplacera pas dans les bureaux de vote dimanche prochain.Ce sympathique bonhomme qui se propose même de nous emmener chez «Aami Akli», un petit café qui pourrait peut-être diffuser ce fameux débat, du fait que son propriétaire était un fan de politique.Et l'Europa League passa par là!Avant cela, il nous invite à aller faire un tour dans le magasin où il «bosse». Sur le chemin, on se croirait avoir pris un «express» vers Alger. Les odeurs de zlabia, merguez et couscous font valser nos papilles. Les papiers et autres détritus que l'on trouve un peu partout nous font aussi voyager vers Alger. Alors que dire du magasin d'El «hadj Hacene» où Mohamed est salarié. C'est une photocopie de ceux que l'on trouve à la place des Martyrs d'Alger. Il nous présente toute l'équipe dont Sid Ali, un jeune étudiant algérien venu faire sa spécialité en France. Il arrondit ses fins de mois avec ce petit boulot. Lui qui a un visa d'étude n'a pas le droit de voter. Mais ils attestent qu'il aurait aimé le faire car son avenir est en jeu. «Certes, je suis content que Sarkozy ait dégagé mais Fillon dont je ne connais pas le parcours du reste me fait peur avec son discours sur l'immigration. J'ai peur que mon visa ne soit pas renouvelé. En plus, je projette de rester ici et avec sa politique ça risque de devenir impossible», regrette-t-il les larmes aux yeux. Il est plus de 20h, le débat télévisé Fillon vs Juppé va bientôt commencer. On demande alors à Mohamed de nous emmener au fameux bistrot de «Aâmi Akli». 10 minutes après, on arrive sur place. À l'entrée, Mohamed fait la bise à Farid, un ami à lui sans papiers, qui vit à Paris depuis presque 10 ans. Les présentations d'usage sont faites et on lui explique l'objet de la visite. «Je ne connais pas les deux candidats. Mais j'espère que celui qui l'emportera pourra faire barrage à Marine Le Pen. C'est pour moi le grand enjeu. Après, la droite classique c'est dur dans le discours mais ils n'appliquent pas vraiment ce qu'ils disent. J'ai vécu sous Sarko, ce n'était pas pire que sous Hollande. Mais Marine, je m'attends au pire...», certifie-t-il en tirant nerveusement sur sa cigarette. On prend ensuite place dans la salle où effectivement le débat est au programme mais...pas pour longtemps. Dès qu'il débute, la salle qui était relativement calme s'emballe d'un seul coup. «Enlevez-nous cette M****. Il y a l'Europa League ce soir», crient les clients énervés. Ce que le gérant exécute rapidement confirmant ainsi qu'«entre les deux candidats, le coeur de Barbès ne...balance pas!».


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