Algérie

Entre la prière et le pétrole, le vide taoïste


A l'entrée est d'Oran, tout le monde peut les voir et enfaire le tour malgré soi à cause de l'énorme rond-point du coin: les deux plusgrands temples de l'idéologie de la RADP post-indépendante. Il s'agit de la mosquée d'Ibn Badis, fleuron en carcasse persistante de la religiond'Etat, de l'équilibrisme régional (Université Emir à l'est et Ben Badis à l'ouest) et du siège de Sonatrach,notre mère à tous au pays du Père assassiné et du parricide fondateur. Les deuxédifices sont énormes, géants, imposants et incontournables : en tantqu'édifices ou en tant qu'idées et archétypes. La mosquée, qui a mis des annéesà approcher de ses finitions ultimes, avale les milliards et les milliards queproduit juste à coté le siège de la société-mère de la nation. Entre les deux, le peuple. Envoiture, à pied, en babouches, avec un chapelet ou en désordre. Il attend de Sonatrach, le paradis sur terre et de la mosquée, leparadis de l'au-delà. D'où son inutilité, sa gratuité et son histoire devacance imposée depuis le départ du colon. En tant que civilisation, ce peuplene peut pas aller plus loin que cette terrible parenthèse : la métaphysique luiest fermée par fetwa et l'effort lui est étranger parrecette de forage. L'Algérie, se résumant à cet espace cru qui s'étend entre lasuper mosquée et la super société. Un vide fascinant où le chroniqueur ne peuts'empêcher de s'abîmer chaque matin qu'il passe par le coin. Coincé entre lesdeux temples, le pays ne peut donc aller plus loin et se contente de faire lependule. Il y a même une logique de vases inversés entre les deux espaces : Lesgens qui ne sont pas employés par Sonatrach sontversés dans le vase de la mosquée Ben badis. Sonatrach finance, la mosquée console. Sonatrachcreuse, « Ben Badis » explique. Sonatrachemploie, « Ben Badis » recrute. Il y a même desmoments de solstice absurde où les deux se rejoignent abusivement offrantl'image d'une RADP qui vend du pétrole en priant Dieu et chasse les chrétiensen lançant des appels d'offres de forage. Des moments dangereux où pétrole etablutions s'associent pour produire une sorte de peuplade assistée, àl'économie végétarienne, violente et rentière. Croyant que Dieu donne lepétrole pour nous éviter l'effort du Travail et s'emportant lorsque le bariln'est pas distribué au peuple sous sa forme préférée de viande hachée, lapeuplade fait son histoire en creusant dans les deux jardins. Cela vous donnedes moments terribles, maladifs, dangereux et qui vous donnent des effetssecondaires connus : un procès contre une femme convertie coupable de lire unebible dans un bus, le périple tragique d'un chrétien présumé mort mais empêchéd'être enterré dans son village par les gens de son village et un lâcher debarbares à Oran à la suite d'un match avec, au bilan, non seulement de la cassemais surtout le vol de la semoule et des biens. C'est ce que voulait dire lechroniqueur depuis le début : le message est dans le vide. Celui entre la Mosquée qui a coûté desmilliards et l'entreprise qui les produit.Le terrible vide que les adeptes du Taoïsme nous invitenttous à méditer. Le terrible néant qui fait toute la beauté d'un vase deporcelaine et toute son utilité et que vous pouvezvoir à l'est d'Oran, coincé entre une mosquée plus grande que le pays et uneentreprise plus grande que son économie réelle.
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