Entre l'Algérie d'en bas et l'autorité

Lorsque l'on entend marteler des slogans qui prennent tout leur sens par la grâce de manifestants en verve, on ne doute plus de la grandeur du ressentiment. La demande, lourde de signification, reste conditionnée par l'énergie mise à la garder intacte, le temps qu'elle puisse évoluer positivement. Sa satisfaction reste suspendue à la détermination de chacune des parties à faire entendre raison à l'autre.Le citoyen lambda explique, de façon déconcertante de maturité, pourquoi les partis politiques font l'objet d'un rejet aussi éloquent. Un groupe de jeunes venus rejoindre la manifestation au c?ur d'Alger n'a pas tari d'arguments à ce sujet. A tort ou à raison, ils semblent ne pas vouloir en démordre. Il y aurait, selon eux, cette tendance à oublier d'où ils viennent dès qu'ils pactisent avec le système et à aussitôt épouser les comportements qu'il inspire à ceux qui le fréquentent de trop près. Lorsque vous écoutez ces jeunes décrire dans des détails stupéfiants l'évolution soudaine, pour ne pas parler de promotion sociale de ces derniers, vous réalisez que plus personne, jusqu'aux plus innocents d'entre les Algériens, n'est dupe. Et quand on vous décrit comment on devient encore plus corrompu que ses parrains et comment on ne s'en cache même plus, vous n'avez pas du tout envie d'applaudir la description. Et il y a ceux qui prônent la démocratie et le libre exercice de la citoyenneté, mais on s'en méfierait parce que les exercices passés ont démontré la capacité des politiques à rejoindre très volontiers ceux qui détiennent les clefs du système.
Les réseaux sociaux ont transformé le monde en véritable village planétaire. La crise a opté pour la rue. Elle est sortie expliquer les raisons qui font qu'elle ne se résout pas à seulement justifier les appels au calme et à la soumission, et aussi pour dire pourquoi les solutions qu'on continue à lui proposer ne lui conviennent plus. les algériens auraient-ils définitivement rompu avec le confinement qui en faisait un peuple acquis aux concessions parce que traumatisé par une violence sans précédent ' Une terrible décennie qui aura pourtant servi bien des affaires, sauf les leurs.
M. B.