Près de 13,5 millions de Marocains étaient conviés, hier, à participer à
des élections législatives anticipées que le Palais royal souhaite comme un
vote «historique» qui conforte les «réformes» constitutionnelles décidées par
le Roi Mohammed VI. Pourtant, avant même le vote, l'interdiction
d'expression et le harcèlement à l'égard des partisans du boycott laissent
clairement indiquer qu'on ne sort pas de la «tradition».
En l'absence d'un vrai enjeu d'alternance dans un système qui reste
verrouillé, l'abstention (le taux officiel de participation était de 11,5% à
midi), elle aussi, risque d'être conforme à la tradition. A moins d'un «coup de
main» risqué du Makhzen pour bourrer les urnes. Le référendum sur la révision
constitutionnelle avec ses résultats «soviétiques» avait choqué au Maroc en
dépit d'une remarquable complaisance des médias occidentaux. En
l'absence d'un changement réel - la révision constitutionnelle n'a pas entraîné
de réels changements dans l'organisation du pouvoir -, les Marocains devraient
continuer à bouder les urnes comme ils l'ont fait pour les législatives de 2007
où ils n'ont été que 37% à aller aux urnes. Il faut dire que rien ne les incite
à sortir de leur indifférence: corruption ambiante, personnel politique
inamovible, achats de voix… Le mouvement du 20 février, trois partis de la
gauche radicale et l'influente association islamiste Al-Adl
Oua Al-Ihsane ont appelé au
boycott. Mais leur voix a été étouffée et rendue inaudible dans les médias
audiovisuels officiels. Et même s'il ne faut leur imputer nécessairement l'importance
de l'abstention, le traitement subi par ces partisans du boycott illustre à lui
seul la permanence des vieilles pratiques. Et indique que l'on n'est pas au
seuil d'un tournant « historique ». Les persécutions continues subies par les
partisans du boycott, avec fait de violence, confirment que les « lignes rouges
» du régime vont très loin. Le Makhzen avec ses baltaguis
se chargeant de la besogne. Face à ce harcèlement, qui traduit clairement
l'angoisse de l'abstention chez le pouvoir, l'ONG Human
Rights Watch a interpellé
le gouvernement marocain. «Depuis le 20 octobre, la police marocaine a
interpellé plus de 100 Marocains à travers le pays et les a interrogés sur les
distributions de tracts appelant au boycott», écrit Human
Rights Watch qui rappelle
qu'appeler à l'abstention dans un vote est « un droit ».
L'INDICATEUR DU TAUX DE PARTICIPATION ET LE POIDS DES ISLAMISTES
Plus que le score des partis, ce sera ce taux de participation qui sera
le plus surveillé car, ainsi que le note HRW, un «indicateur» de l'adhésion aux
«réformes» du Roi Mohammed VI. Une responsable d'Human
Rights Watch pour l'Afrique
du Nord souligne que la liberté de choisir inclut le « droit de ne pas voter, et
d'exhorter les autres à faire de même… Harceler les gens qui soutiennent un
boycott est tout aussi mauvais que de harceler ceux qui soutiennent un parti ou
un candidat ». Cela « jette une ombre sur le vote ». En attendant de connaître
les rapports sur le déroulement du scrutin qui sera suivi par quelque 4 000
observateurs marocains et étrangers. Pour les partisans du boycott, à l'image
de Najib Chaouki, du
mouvement du 20 février, ce scrutin est faussé. « Tout le monde sait que les
pouvoirs restent entre les mains du roi et non dans celles du gouvernement. A
quoi sert ce gouvernement? A quoi bon gaspiller de l'argent et du temps pour
une telle mystification ? ». Il souligne aussi que le gouvernement a trafiqué
les listes électorales car, a-t-il indiqué, « il y a 24 millions de Marocains
ayant plus de 18 ans, ayant donc le droit de vote. Or seulement 13 millions de
Marocains figurent sur les listes électorales. Ils ont déjà éliminé 11 millions d'électeurs ».
Du côté de la trentaine de partis en lice, on scrutera les résultats des
islamistes du PJD (Parti de la justice et du développement) qui espèrent, alors
que le contexte est fort différent, profiter de l'effet Ennahda
en Tunisie. On le crédite en tout cas d'une avancée par rapport à ses
concurrents les plus en vue, l'Istiqlal, du Premier ministre Abbas El-Fassi et le RNI (Rassemblement national des indépendants,
libéral) du ministre de l'Economie et des Finances, Salaheddine
Mezouar. Le PJD qui est actuellement le premier parti
d'opposition avec 47 députés sur 395 au Parlement (l'Istiqlal compte 57 députés),
pourrait, au cas où il engrangerait le plus grand nombre de sièges, prétendre à
gouverner. La
Constitution amendée dispose en effet que le Premier ministre
sera choisi au sein du parti arrivé en tête et il devra diriger un gouvernement
de coalition ou d'union nationale.
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Posté Le : 26/11/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Salem Ferdi
Source : www.lequotidien-oran.com