Algérie

Entre hier et aujourd'hui Virée ramadhanesque



Entre hier et aujourd'hui                                    Virée ramadhanesque
Photo : S. Zoheir
Par Mohamed Touileb
En cet été 2012, la saison estivale a été écourtée par cet invité divin. Naturellement, et les plages bondées de monde pouvant prouver le contraire, la plupart des jeûneurs ont rangé leurs serviettes et évitent de se rendre à plage, la foi étant là pour aider à résister à la canicule même si la météo se fait plus ou moins clémente. Beaucoup, ceux qui ne travaillent pas surtout, préfèrent passer leur journée à la maison. Veiller donc jusqu'au bout de la nuit pour dormir jusqu'aux limites de l'appel à l'iftar. Une «recette miracle» pour laquelle certains ont opté afin de tenir le coup. Les jeunes notamment, qui sont en vacances, préfèrent ne pas quitter leur oreiller jusqu'en fin d'après- midi comme Ishak, un jeune étudiant de 21 ans qui reconnaît : «Se lever tôt est une véritable corvée pour moi. Avec cette chaleur et les journées longues et interminables, il n'y a que le sommeil pour y échapper à défaut de partir se baigner.» Il préfère passer la soirée entre amis après la prière de Tarawih en alignant quelques parties de domino. Ce jeu qui envahit les tables des cafétérias durant les soirées «ramadhanesques» s'impose comme le jeu de prédilection. Plus tôt, dans la journée, quand la brise de fraîcheur commence à se faire sentir, des jeunes s'adonnent à des matchs de football. Malgré la fatigue, la chaleur et la soif, Mohamed-Amine et ses amis ne peuvent s'empêcher de pratiquer leur sport favori. Une heure durant, les douze jeunes présents sur ce mini stade de proximité dans la cité Aadl des Bananiers se laissent aller, sous le regard attentif d'une vingtaine de personnes, un sixte aussi passionnant que disputé même si la fraîcheur physique n'est pas au rendez-vous, la faute à un organisme éprouvé et manquant de calories. Mais la passion du football est toujours présente et coule dans les veines de ces mordus du ballon : «Il faut bien passer le temps. On aime le foot et on ne peut pas ne pas jouer même dans des conditions pareilles», fait remarquer Riad à la fin de cette joute purement amicale qui s'est déroulée dans la bonne humeur. Demandez à ces jeunes pourquoi ils ne jouent pas en soirée, ils vous répondront sur un air de plaisanterie et avec ironie, à l'image de Nadir «Nous et les Tarawih '! Si on joue à cette heure, c'est pour pouvoir partir à la mosquée, il ne faut pas badiner avec ça, c'est le Ramadhan quand même». La mosquée, un lieu de recueillement qui connaît, comme chaque année, une affluence inhabituelle en ce mois. Les jeunes, nombreux, investissent les différents coins de ce lieu saint, des voix de personnes récitant, chacun dans son registre, le Coran, par-ci par-là s'élèvent. Quelque temps après une chorba bien apprécié, Nadir va tout naturellement troquer sa tenue de football pour un «Kamis». Avant l'appel à la prière d'El Icha il était déjà
au rendez-vous, l'horloge indiquant 21h10. Deux heures après, c'est la fin de la longue prière de Tarawih les maisons de Dieu se vident. C'est le début de la véritable soirée, les pères de familles sont «aspirés par les marchands de fruits installés juste à côté de la mosquée Omar Ibn El khettab, se trouvant à la cité Mokhtar-Zerhouni, avec leurs tables décorées alors que les plus jeunes se sont rapidement dispersés.

Le centre commercial de Bab Ezzouar, l'attraction
La nuit étant courte, la plupart préfèrent rester dans leur quartier à papoter entre amis pendant que d'autres, les adolescents notamment, prennent carrément d'assaut les cybercafés pour y jouer à «Counter Stricke», ce jeu en réseau qui continue à faire fureur ou le «Pro Evolution Soccer» sur consoles, un jeu de football qu'affectionnent beaucoup ces «gamers». Un groupe de 4 amis avait déjà pris ses quartiers dans ce cyber dirigé par monsieur Amrani Nacer. Questionné sur ses horaires d'ouverture et fermeture et la clientèle qu'il reçoit dans la journée, il dira : «Le cyber est ouvert à partir de 14h30 et je ne baisse le rideau que 30 min avant l'iftar puisque j'habite juste à côté. Dans la soirée, c'est ouvert de 23h00 jusqu'à 3h00 du matin», avant d'ajouter : «c'est beaucoup plus les jeunes qui viennent passer leur temps à jouer aux jeux en réseau. Dans la journée, c'est à moitié vide mais dans la soirée j'affiche complet». Un autre endroit draine les foules des grands. C'est le centre commercial de Bab Ezzouar. En prenant le tramway, qui s'est imposé comme le moyen de transport phare de ces soirées de Ramadhan, tous ceux qui s'y trouvaient ou presque avaient pour destination cette gigantesque surface commerciale. Des familles, des couples et des groupes de jeunes, toutes tranches d'âge confondues, se retrouvent dans ce centre pour une soirée de détente. Si les familles se réunissent autour d'une table pour déguster des glaces en général et oublier la chaleur étouffante d'une dure journée de jeûne, les jeunes eux optent pour les soirées artistiques organisées par le restaurant Havana où des chanteurs ou groupes font le show à l'instar de Djmaoui Africa, un groupe de Gnawi, un mode de musique très en vogue et particulièrement apprécié par les jeunes. Loin de ces nuits festives, il y en a qui se font des petits jobs la nuit. Dans la cité de la Concorde civile, en face du centre commercial, Ahmed, un jeune homme de 19 ans, a décidé de faire son petit commerce. Il fait des grillades (une mode qui s'installe dans pratiquement toutes les cités populaires de la capitale), pour les gars de son quartier principalement. C'est une manière à lui de «se faire un peu d'argent et aider les parents à faire face aux énormes dépenses d'un mois pas comme les autres et bien sûr acheter les vêtements pour l'Aïd». Comme quoi et alors que nous ne sommes qu'au tout début de ce mois sacré, certains pensent déjà à ce véritable «défi», ce gouffre financier, pour les petites bourses notamment, que sont les fêtes de l'Aïd. Dans cette période de soldes, ils guettent la bonne affaire même si le choix reste limité puisque les meilleurs articles ont été déjà écoulés. Une frange de la population se retrouve au centre commercial juste pour le fun, dans le but de se dégourdir les jambes : «On n'est pas ici dans un but précis, on sillonne juste les magasins», nous dit une quadragénaire accompagnée des ses deux enfants. Plus que visibles, les affiches de «saha ramdhankom» pour célébrer ce mois et souhaiter aux visiteurs un bon Ramadhan. Les couloirs et les 3 étages du centre se vident petit à petit dès 1h00 du matin, sachant que la fermeture se fait à 2h00, un horaire exceptionnel pour l'occasion. Aussi courtes soient-elles, les soirées de ce Ramadhan 2012 sont placées sous le signe de l'ambiance. On a l'impression que les gens vivent la nuit durant ces trente jours pas tout à fait comme les autres. N'empêche, quand on y pense, la nostalgie des soirées à l'ancienne refait surface. Monsieur Noureddine, un natif de la Casbah qui réside aujourd'hui à la cité Sorécal regrette : «ya hasraaaah ala yamete bekri» (où sont passées les journées d'antan), une expression qui signifie bien des choses. Si le principe de Ramadhan (jeûne) reste le même, les générations elles ont changé tout comme les lieux. Le modernisme a tué bien des traditions spécifiques de ce mois, qui ont -hélas§- disparu.


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