«Atteindrel'eldorado européen» ou «fuir l'enfer africain», voici deux manières trèsdifférentes pour les médias pour décrire les causes de la migration clandestinedes pays d'Afrique (y compris ceux du nord du continent) vers l'Europe. Pertinente, laremarque émane de M. Ahmed Zekri, coordinateur de recherche sur les questionsde la migration clandestine (AMERM, Maroc), lors d'une journée thématiqueorganisée hier à Alger par le Comité international pour le développement despeuples (CISP, dont le siège central se trouve à Rome), en présence de MmeEveline Chevalier, la coordinatrice générale de cette ONG à Alger. La rencontre avait, entre autres, pour but dedébattre des traitements médiatiques à travers l'analyse du discours de lapresse au Maghreb, mais également d'explorer les causes derrière le désir dedizaines de milliers, particulièrement les jeunes Africains, de quitter leurpays vers d'autres en bravant très souvent le danger réel de la mort en coursde route. Comme tout phénomène clandestin, la bataille des chiffres estinévitable. 40 millions de migrants (inter pays africains), dont 6 millions deréfugiés, sont dénombrés en Afrique, estime une étude réalisée par l'AMERM. 17millions de migrants, dont 20% de réfugiés, rétorque un autre intervenantcitant des sources du Haut commissariat aux réfugiés de l'ONU. Quant aux causes citées par M. Zekri, ellessont économiques et dues également aux conflits internes dans le VieuxContinent. Il s'agit, entre autres, du «contexte de la mondialisation», de«l'aggravation de la pauvreté à la suite des plans d'ajustements structurels»dictés par les institutions financières internationales, qui ont le plussouvent conduit à «l'effondrement de larges secteurs de l'économie des paysafricains». D'autres intervenants, y compris parmi les journalistes, estimentque le volet politique est loin d'être négligeable. L'absence de démocratie etde libertés d'expression dans les pays d'Afrique est un facteur favorisant du marasmeressenti par des pans entiers des populations, disent-ils. Pour d'autres, la question de la migrationclandestine ne doit pas être mise uniquement sur le dos des pays de départ. Sicertains pays occidentaux s'accommodent des dictatures africaines, desrestrictions flagrantes des libertés démocratiques et si, en plus, ilsengrangent des dizaines de milliards de dollars, fruits de la corruption quigangrène le continent (avec l'aimable complicité d'élites et de compagniesoccidentales), ils doivent en assumer les conséquences, pensent d'autres. Mais comment remédier au phénomène de lamigration clandestine ? Pour le responsable Afrique du CISP, M. Sandro de Luca,il est nécessaire que les sociétés civiles des pays concernés s'engagent surcette question car, dit-il, «les approches officielles et institutionnellessont insuffisantes» devant «l'extraordinaire capacité des réseaux paramaffieuxqui sont beaucoup plus rapides que nous», dit-il. Quant au volet de l'analyse du discours de lapresse au Maghreb, les intervenants ont été unanimes à relever que la pressemaghrébine a une vision du phénomène qui ne diffère presque pas de celle desmédias européens. Trois conférenciers ont brossé un état des lieux dutraitement médiatique qui est fait dans leurs propres pays (Tunisie, Maroc etAlgérie). Tous ont critiqué les «mots» qui ne renseignent que très peu sur les«maux» des migrants africains. De la «mise en évidence du banditisme», auxpropos à forts relents de racisme et de xénophobie, en passant par la facilitéà lier la migration clandestine à toutes sortes de trafics, dont les armes etle terrorisme, les intervenants ont décortiqué le discours des médiasmaghrébins. Enumérant une série de qualificatifs utiliséspar la presse algérienne, la représentante de la SARP, Mme Radia Dechicha,parle de «faillite sémantique», surtout lorsque la presse évoque«l'envahissement massif de migrants subsahariens» et fait de ces derniers des«délinquants potentiels». Elle estime même que «certains articles peuvent s'apparenterà des PV de police». D'un autre côté, l'intervenante relève que cette mêmepresse devient indulgente lorsqu'il s'agit des «harraga», c'est-à-dire decandidats algériens à l'émigration clandestine.
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Posté Le : 25/04/2005
Posté par : sofiane
Ecrit par : Mohamed Mehdi
Source : www.lequotidien-oran.com