Algérie

Entre ferveur et insalubrité



Entre ferveur et insalubrité
Chaque année, immanquablement, les mêmes nuisances accompagnent la fête de l'Aïd, alors qu'il est possible de trouver un moyen plus adéquat pour observer ce rituel sacré.
Une atmosphère fébrile régnait depuis plusieurs jours avant l'Aïd El Adha dans tous les quartiers de la capitale de l'Ouarsenis. La population a vécu dans l'attente de l'évènement. Petits et grands n'avaient pas d'autre sujet de conversation que le mouton du sacrifice. Le mouton est mis au balcon, ou carrément dans le palier. Peu importe la quiétude du voisin. Ce dernier fera preuve, durant quelques jours, de mansuétude, voire de stoïcisme à l'égard de son vis-à-vis. Les enfants, «premiers concernés» par la chose, s'improvisent petits bergers ; ils s'empressent de guider l'animal au «pâturage», c'est-à-dire à proximité de l'immeuble. L'on se congratule à l'envi, et l'on compare, secrètement, les bêtes ; l'on s'enquit de l'origine, de l'alimentation, du prix. «Le nôtre est cornu, et il a été nourri avec de la bonne herbe, et non avec du pain rassis, à coup sûr sa chair est succulente», se vanteront certains enfants sous l''il fier du père. Des chefs de famille qui n'ont pas eu la chance de se payer un bélier diront, comme pour s'excuser : «C'est juste pour les enfants, autrement je n'aurais pas acheté de mouton, c'est trop cher.» La religion n'a apparemment plus rien à voir avec l'évènement, comme le constatent certains. Pour la circonstance, les cités périphériques et autres quartiers de la ville se sont transformés en granges. Du foin par-ci, du foin par-là... des meules s'entassent les unes à côté des autres, donnant un aspect rural et complètement anachronique aux ensembles urbains, lesquels, l'on s'en doute bien, n'ont plus rien d'urbain. Les jeunes chômeurs ont encore trouvé matière à se faire de l'argent. Le matin de l'Aïd, les enfants courent dans tous les sens, qui tenant une bassine, qui un seau, qui une corde. Des pères déjà énervés par l'attente du sacrificateur invectivent leur progéniture. Ceux qui savent égorger ont vite fait d'expédier la besogne. L'animal du «sacrifice» est écorché sur place, en plein air. Des rigoles de sang filent de toutes parts, se mélangeant au foin et à la boue. L'odeur de tête de mouton flambée, émanant de tous les foyers, se déverse abondamment dans l'atmosphère. Avant midi, il ne reste plus personne dehors. Tout le monde s'empiffre de brochettes. La rue quasiment désertée ressemble à un champ de bataille. Comme d'habitude, personne n'a pensé à nettoyer les lieux.


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