Algérie

Entre exilés et annihilés


Entre exilés et annihilés
Peut-on écrire sur l'Algérie quand on n'est pas en Algérie ' Difficile. Il manque l'air jaune, le poids vertical de la terre que l'on pousse devant soi comme un mur, les regards acérés par la méfiance, la route lasse et cet ennui au bord du gazoduc, entre le drapeau et le désert. Et le vide. C'est le vide qui manque. Le seul qui appelle les mots à faire sens. Le sens a besoin de l'absurde. Vieille tournure du chroniqueur : les gens qui partent du sens (politique, religieux, théologique, fanatique, commun, totalitaire ou raciste et ethnique, etc.) aboutissent à l'absurde : ils tuent, assassinent, insultent, nient ou s'agitent et prennent des otages et des poses. Les gens qui partent de l'absurde comme évidence aboutissent au sens. Humain, laborieux et digne, défendu comme honneur et présence, riche et à la mesure de l'homme. Le monde s'explique mieux par le pèlerinage que par le temple. Passons. Tout cela pour dire qu'aller ailleurs, c'est tourner autour de soi. Voyager, c'est comparer. S'éloigner est se regarder. L'Algérie est dans le dos parce qu'elle est dans la tête. Effet de loupe sur l'actualité : quoi de neuf mis à part la mort en culte ou en évènement ' Rien. Sauf une phrase fascinante d'un opposant organisé, Sofiane Djilali : « Nous aidons le pouvoir à partir ». Profonde, tragique, entre compassion et opposition. Le bardo Thodöl et la plateforme de revendications. On aide un mourant à partir en paix, à se reposer, à laisser advenir l'avenir. A ne pas empêcher les lois de la vie et les alternances de saisons. Le projet politique devient un engagement presque humaniste. Une veillée. Le pays est une grande chambre où se sont réunis les descendants pour aider un mourant acariâtre à accepter le ciel et lâcher un peu la terre. On n'est plus dans le politique en Algérie, mais dans l'euthanasie, justement pour sauver la vie et la mort du pays. Fascinant cas régional : stable et immobile, sécurisé mais sans bénéfice, nécessaire et futile à la fois. A force d'avoir tout essayé pour assurer un changement, l'opposition en est venue aux raisons philosophiques et de survie. Mais en vain. Le Régime est un vieux mourant qui ne meurt pas.La guerre de Libération a duré sept ans, celle de la succession durera un siècle.Passons encore. Vu d'ailleurs, le pays est un éparpillement : on n'en finit pas de le raconter partout en rencontrant les exilés. L'exilé algérien est un pays plus vaste que son pays de départ. Sa vie coule dans le sens contraire de ses jours. C'est que quand on part de l'Algérie, on ne finit jamais de partir. On s'éloigne, on s'éloigne et, un jour, on disparaît.Les exilés ont d'étranges éclairages qui ne sont pas dirigés vers le présent, mais vers leur présence et leur absence.


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