Algérie

Entre discours et réalité



La situation de la presse risque de ternir davantage l'image du pays mais surtout d'ajouter un surcroît de tensions alors qu'il a besoin présentement plutôt d'apaisement.La bonne vitalité démocratique d'un pays se mesure aussi à l'aune de la liberté de ton dont jouissent ses médias. Chaque 3 mai, Journée internationale de la presse, tous les projecteurs sont braqués sur le monde des médias pour en faire le diagnostic, en passant à la loupe les conditions d'exercice d'un métier des plus sensibles et la marge de manœuvre dont bénéficient ceux qui l'exercent.
Qu'en est-il exactement en Algérie de la situation de la presse en cette année 2020 et un peu plus de 3 mois après l'arrivée du président Tebboune à la tête du pays ' Peut-il vraiment, du jour au lendemain et comme par magie, débroussailler le maquis médiatique algérien (des chaînes de télévision offshore et à la limite de la légalité, une myriade de journaux dont l'écrasante majorité n'est lancée que pour capter la publicité institutionnelle...) englué dans d'innombrables problèmes, mais délibérément maintenu en l'état, des décennies durant ' Peut-il lancer des signaux forts quant à sa volonté de remettre de l'ordre dans une corporation totalement livrée à l'anarchie, de mettre un terme aux pratiques du passé et d'accorder davantage de libertés aux médias publics et privés afin qu'ils s'acquittent comme il se doit de leur mission de service public ' Pour le moment ces signaux tant attendus ne sont pas encore là. Pourtant, dans ses différents discours, M. Tebboune n'a cessé de donner des gages d'assurance aux professionnels des médias. Pas plus tard que vendredi dernier, lors de sa prestation télévisée face aux responsables de quatre médias nationaux, le chef de l'Etat a soutenu : "Je me suis engagé, je soutiens la liberté d'expression, mais j'ai dit que je combattrai vigoureusement la diffamation, l'insulte." Autre signe de Tebboune, à première vue du moins, quant à son intention de remettre sur les rails une profession à la dérive, la nomination de deux journalistes au long cours à de hauts postes de responsabilité : Ammar Belhimer comme ministre de la Communication et Larbi Ouanoughi à la tête de l'Anep. Le premier a déjà réglé le problème du statut juridique des sites d'informations qui pullulent et promis de doter la corporation d'une loi sur la publicité d'ici la fin de l'année. Quant à l'ancien directeur d'El Massa, il semble décidé à mettre de l'ordre dans l'agence publique qu'il dirige désormais. A rappeler que la gestion déjà décriée de la manne publicitaire publique est basée sur une distribution ne répondant pas à des normes objectives, mais plutôt sur des critères d'allégeance ou de soumission. Mais les signes "encourageants" envoyés par les autorités sont, comme parasités par des décisions pour le moins inquiétantes et qui ne vont pas dans le sens de l'apaisement. Comme l'illustre l'emprisonnement des journalistes Khaled Drareni (directeur du site Casbah Tribune et Sofiane Merakchi (correspondant de la chaîne libanaise Al-Mayadeen) mais aussi de la fermeture des sites Maghreb Emergent et Interlignes. Cette situation fait que le fossé entre le discours et la réalité risque de ternir davantage l'image du pays mais surtout d'ajouter un surcroît de tensions alors qu'il a besoin présentement plutôt d'apaisement pour pouvoir faire face aux vents contraires. Résultats des courses, ces décisions ont suscité des réactions d'indignation ici en Algérie mais aussi à l'étranger. De plus, l'Algérie a perdu cinq places dans le classement de la liberté de la presse, établi par Reporters sans frontières pour l'année 2020. Notre pays recule, ainsi dans le classement mondial à la 146e position sur un total de 180 pays.
Arab C.


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