Algérie

Entre concessions et manipulations politiques



Il tâtonne encore. D’hésitation en hésitation, ceux qui sont en charge des affaires du pays refusent d’exposer la problématique de manière claire. Et la dernière trouvaille, c’est bien évidemment l’article 4 de la nouvelle loi sur les partis qui offre la possibilité d’un retour à la politique à ceux qui sont responsables «de l’utilisation de la religion ayant conduit à la tragédie nationale». Désormais, ils peuvent adhérer à un parti politique, mais sans pour autant prétendre à des postes de commande ni d’en être membres fondateurs. La même interdiction frappe également «quiconque ayant participé à des actions terroristes et qui refuse de reconnaître sa responsabilité pour sa participation dans la conception, la conduite et l’exécution d’une politique prônant la violence et la subversion contre la nation et les institutions de l’Etat». Au plan juridique, la conception de cette disposition a dû être une véritable gymnastique. D’un côté, les responsables de l’ex-FIS sont autorisés, même si à demi-mot, à faire de la politique puisqu’ils sont libres d’adhérer à un parti où ils peuvent militer pour leurs idées, de l’autre, ils sont empêchés d’accéder à des postes de responsabilité.
A quelle logique obéit un tel texte ' Visiblement à aucune. L’idée d’autoriser ceux qui sont impliqués dans la tragédie nationale à faire de la politique à un niveau basique et les priver d’occuper des responsabilités dans les formations auxquelles ils adhèrent n’a aucun sens. Elle est fausse. Ne sachant pas quoi faire exactement, le concepteur de cette loi a dû couper la poire en deux pour entretenir un flou qui rendrait possibles plusieurs lectures. La première : elle pourrait être une première étape dans un processus de réhabilitation des anciens militants du FIS. On sent une réelle volonté du pouvoir politique qui, d’ailleurs, a considéré que «la première violence était l’arrêt du processus électoral en janvier 1992», d’emprunter cette voie. Ce serait donc pour lui justice rendue. Seulement, les initiateurs de la réconciliation veulent procéder graduellement pour ne pas brusquer une société qui s’en remet difficilement de la barbarie qu’elle a vécue pendant plusieurs années. La deuxième laisse comprendre que la perche est tendue à la tendance la plus radicale de l’islamisme pour faire partie du décor des prochaines élections par le biais du retour à la vie politique au niveau du militantisme de base puisque ce n’est pas interdit. Là où apparaît réellement cette largesse concédée aux «ex-Fissistes» est le fait que le législateur s’est joué de l’article 26 de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale qui pourtant était claire à ce sujet. Il stipule expressément que «l’exercice de l’activité politique est interdit, sous quelque forme que ce soit, pour toute personne responsable de l’instrumentalisation de la religion ayant conduit à la tragédie nationale». Même le deuxième paragraphe de l’article 4 de la nouvelle loi sur les partis politiques est de la même inspiration. Le texte de la charte soumise en 2005 à référendum dit en effet que «l’exercice de l’activité politique est interdit également à quiconque ayant participé à des actions terroristes refuse, malgré les dégâts commis par le terrorisme et l’instrumentalisation de la religion à des fins criminelles, de reconnaître sa responsabilité dans la conception et la mise en œuvre d’une politique prônant la violence contre la nation et les institutions de l’Etat». Conclusion faite, le pouvoir remet en cause un texte qu’il a lui-même défendu et qu’il a soumis à l’approbation des Algériens et qui est supposé donc faire objet de consensus même s’il a beaucoup de choses à dire sur le sujet. On a beaucoup parlé de l’inviolabilité du texte portant sur la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. C’est, à présent, chose faite. La justice a interdit le FIS, la nouvelle loi sur les partis donne la possibilité à ses militants de revenir progressivement. Donc, outre le flou des nouveaux textes, les atermoiements qu’ils autorisent, au plan politique le pas est franchi depuis longtemps. Le secrétaire général du Front de libération nationale (FLN), Abdelaziz Belkhadem, qui cultive une proximité avec l’islamisme en général et les anciens responsables du FIS en particulier, ainsi que ceux qui étaient directement impliqués dans le terrorisme, a déjà appelé les repentis à rejoindre son parti. Ce n’est pas une première dans les mœurs politiques qui se sont installées nouvellement dans le pays. Madani Mezrag, ancien responsable de l’Armée islamique du salut (AIS) et Hassan Hattab, le fondateur du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) et d’autres responsables du parti dissous se sont vu déjà confier la mission politique de faire la promotion de la réconciliation nationale. Leur irruption dans le champ médiatique algérien n’a offusqué personne. C’était même devenu une mode journalistique. Des tribunes leur ont été ouvertes dans une certaine presse pour justifier leurs méfaits et leurs crimes. Et ce n’est pas étonnant de voir Abdelaziz Belkhadem tenter de réveiller les réseaux politiques de l’islamisme version salafiste, que d’autres partis lui disputent, pour les mettre au profit de ses ambitions politiques lors des prochaines législatives et même au-delà.     


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